Publication : 18/03/2005
Pages : 156
Grand Format
ISBN : 2-86424-533-7
Poche
ISBN : 9782864248866
Couverture HD

Tant et tant de chevaux

Luiz RUFFATO

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Titre original : Eles eram muitos cavalos
Langue originale : Brésilien (Brésil)
Traduit par : Jacques Thiériot

Une journée dans la vie de la ville de São Paulo: des gens perdus dans l’anonymat de la mégalopole, des couples qui se défont, des enfants mordus par des rats dans des taudis immondes, des enlèvements, des meurtres, des camelots, des vagabonds, des chômeurs, des prêcheurs sur les places, des voleurs, des chauffeurs de taxi qui racontent leur vie à leurs passagers, tous plongés dans la nostalgie d’une vie d’avant meilleure mais abandonnée au nom de l’argent et de la survie. Les protagonistes se croisent sans se rencontrer et l’auteur, placé dans la perspective du personnage et non du spectateur, donne un aspect très singulier à cette fresque d’un immense troupeau perdu dans l’anonymat d’une vie frénétique, dont personne ne connaît plus rien.

Les tableaux se multiplient, l’écriture déploie un kaléidoscope du rythme de la cité et le langage fragmenté reflète cette course à l’intérieur de la plus grande ville d’Amérique latine.

  • "Poète et nouvelliste, Luiz Ruffato maîtrise la forme brève et use de variations typographiques qui ne sont pas sans rappeler les audaces mallarméennes, sans toutefois se piéger dans une répétition de la fin du dix-neuvième siècle ou dans une avant-garde fumeuse.[...] Le regard de l'auteur détaille son temps, la ville, en cherche les traits saillants et parfois drolatiques (comme l'invocation au Saint-Expedit, patron des causes urgentes) et jamais ne fige le texte dans la raideur démonstrative de fictions expérimentales ; c'est à ce titre, et à bien d'autres, que Tant et tant de chevaux a été salué à sa sortie au Brésil. Il faut donc laisser flotter en soi les voix éparses de ce livre, tout comme le psaume 82 , en ouverture de ces pérégrinations paulistes : " Jusqu'à quand jugerez-vous injustement en soutenant la cause des impies ? "
    Clémence Boulouque
    LE FIGARO LITTERAIRE
  • « Sans doute un de nos plus grands chocs de lecture [...], une bousculade de microrécits, de monologues brûlants, d'éclats de vie et de souffrance. [...] A travers une multitude de voix, c'est un extraordinaire portrait de Sao Paulo, la mégalopole brésilienne, qui se compose peu à peu. [...] Frénétique, dévorant, le roman présente ainsi la modernité comme un enfer cacophonique. Éblouissant premier roman. »
    Michel Abescat
    TELERAMA
  • « La puissante écriture de Luiz Ruffato, récompensée par le prix Machado de Assis au Brésil, mériterait bien cette réédition en poche. »
    Alice Lemaire
    TEMOIGNAGE CHRETIEN

 

1. EN-TÊTE

São Paulo, 9 mai 2000.

Mardi.

2. LE TEMPS

Aujourd’hui, ciel couvert à partiellement couvert.

Température: minima 140, maxima 230.

Qualité de l’air: de médiocre à satisfaisante.

Lever du soleil à 6h42, coucher à 17h27.

Nouvelle lune.

3. HAGIOGRAPHIE

 

Sainte Catherine de Bologne, née à Ferrare, Italie, en 1413, a été abbesse d’un monastère à Bologne. À la Noël 1456, elle a reçu l’Enfant Jésus des mains de Notre-Dame. Elle a voué sa vie à secourir les indigents et son seul souci était d’accomplir la volonté de Dieu. Morte en 1463.

4. EN CHEMIN

La Neon file à toute allure sur l’asphalte accidenté, sans tenir compte des bosses, dos d’âne, cassis, nids-de-poule, aspérités, dénivellations, graviers, trouée noire dans la nuit noire, emprisonnée, la musique hypnotique, toum-toum toum-toum, sensuelles les mains glissent sur le cuir du volant, toum-toum toum-toum, le corps, la voiture, avancent, écartent les lumières qui brillent à gauche à droite, une bague achetée sur la Portobello Road, un satellite au majeur droit, toum-toum roum-toum, le bolide vrombit en direction de l’aéroport de Cumbica, croise des phares d’autobus qui convergent de toutes parts, plus person pour l’emmerder

un mètre soixante-douze
centimètres c’est écrit sur son Certificat de service militaire, pantalon et chemise Giorgîo Armani, parfum Polo vaporisé sur le cou, chaussures italiennes, rasé de près, cheveux coupés à la tondeuse, Rolex en or de contrebande,


plus person pour l’emmerder

elle doit être en train d’arriver, une de ces étoiles qui survolent la route, la femme, le patron

rendez-vous à ne pas rater à Brasília j’ai expliqué à

oui, bien sûr, il le traite comme

le fils qu’il aurait aimé avoir eu

oui, bien sûr, le fils un crétin le cocaïnomane promène son arrogance dans les bureaux de l’agence, oui, bien sûr, le fils un crétin le cocaïnomane exhibe ses pectoraux stéroidés aux tables de boîtes et de petits bars – déjà brûlé -, à la gueule des videurs et sous le nez des filles « programme » – déjà brûlé -, aux machines à écrire de commissariats – également déjà

oui mais c’est mon fils

et il achète la police,

le commissaire,

le patron de la boîte,

les filles « programme »

les videurs.

oui mais c’est mon fils

oui, bien sûr, sa fille habite à Embu, macrobiotique, artiste plasticienne ésotérique, toujours les mêmes tableaux

qui n’a pas d’yeux pour voir

traits rouges, hystériques, spasmodiques, épais, fins, fond blanc

il n’a pas d’yeux pour voir

une fois il l’a baisée horrible dans l’atelier entre pinceaux et pots de peinture sur une table où était posée à plat une immense toile blanche

ça c’est de l’art

elle empeste l’encens

le shit c’est naturel

nue sous sa tunique indienne, des traces de foutre sur la surface blanche

ça c’est de l’art

plus person pour l’emmerder

elle a fait la gueule dans un coin tu regrettes? Ce n’est qu’un petit employé

oui, mais mon père m’adore

un professionnel compétent

parce que je gagne de l’argent pour lui à la Bourse

un appartement énorme à moema tout un étage trois suites

j’ai engagé un pédé l’argent c’est pas un problème il a monté un cirque les meufi sont épatées alors je dis la décoration c’est cette grande folle elles ont un orgasme

oui, compétent:

il y a six ans il traînait sa pâle maigreur par les rares ombres des rues tristes de muriaé une ville triste

il y a cinq ans avec les premières neiges de fairfield ohio il s’habillait grâce à une bourse de l’american fields décrochée dans un concours organisé par le rotary club de muriaé une ville triste

il y a quatre ans il rongeait ses incertitudes à la citibank

ses certitudes à la citibank

depuis deux ans il gagne de l’argent pour

mon vieux ne va pas me laisser une miette

depuis un an il est responsable de la caisse noire

tout va revenir à ses

elle débarque london-gatwick une bague achetée sur la portobello road dans la paume de la main

c’est pour toi

londres comment c’était?

toum-toum toum-toum toum-toum toum-toum.

Luis Ruffato est né en 1961 dans le Minas Gerais. Après avoir été ouvrier, il devient journaliste puis critique littéraire à São Paulo. Sa carrière littéraire commence avec Tant et tant de chevaux qui obtient en 2001 le Prix Machado de Assis. Auteur littéraire reconnu et traduit, il construit à travers toute son oeuvre un projet de description de la vie des travailleurs pauvres au Brésil.

Bibliographie