À 46 ans, Jean Hubbard a réussi sa vie professionnelle. Journaliste spécialisée dans les problèmes de santé elle est mariée avec Mark, brillant directeur d’une agence de publicité. Sans problèmes, libres, riches, en pleine réussite professionnelle, ils décident de lever le pied et de partager leur temps entre Londres et un paradis tropical de l’océan Indien. Mais l’harmonie quotidienne vole en éclats lorsque Jean découvre un courrier électronique provocant envoyé par le bureau londonien de Mark. Au lieu de poser directement la question à son mari, Jean cherche sur le Web “Chose 2”, une Australienne de 26 ans, et découvre des photos érotiques de l’hypothétique maîtresse. En proie à un mélange de curiosité, de jalousie, de masochisme et de dépendance, Jean se lance dans une correspondance avec Giovanna, Chose 2, en se faisant passer pour Mark.
En un crescendo dramatique Isabel Fonseca compose un tableau subtil et surprenant de la cinquantaine, en montrant que la maturité et le succès n’amènent pas nécessairement l’assurance ou un équilibre émotionnel. Un roman très réussi, sagace et juste.
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« Isabel Fonseca montre avec habilité que la maturité ne nous protège en rien d'une crise identitaire »
Isabelle ErtelLibrairie Payot (Nyon) -
«Infidélité, découverte d'une sensualité nouvelle et questionnements sur le couple planent sur le décor idyllique d'une île tropicale. Le personnage principal est si sincère et réaliste dans ce roman intimiste que l'on peine, le livre une fois fermé, à se détacher de son histoire.»
Géraldine BoucherLIBRAIRIE LA PLUME ET L’ECRAN (Bussy-Saint-Georges) -
«Isabel Fonseca réussit le portrait tout en finesse d’une femme confrontée à l’effondrement progressif de toutes ses valeurs. Un jeu de massacre avant une renaissance possible et l’avènement de la sérénité ?»
Béatrice PutégnatLIBRAIRIE PAGES APRES PAGES (Paris 17e)
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« Un roman sagace et juste à l’ironie féroce. »Patrick BeaumontLA GAZETTE DU NORD-PAS-DE-CALAIS
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« Il est impossible de se libérer de ce roman.»TELE 2 SEMAINES
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«Un roman subtil sur nos relations avec ces inconnus dont nous partageons peut-être le lit, mais pas les secrets.»Céline AmabileFEMME MAJUSCULE
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«Subtile plongée dans l’enfer d’un couple.»Fabrice GaignaultMARIE CLAIRE
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« Avec Attachée, Isabel Fonseca s’amuse des vicissitudes du couple au long cours : ici, la femme découvre un mail salace adressé à son mari et se lance dans une correspondance avec la supposée maîtresse. »TECHNIKART
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« Attachée, récit d’un double séisme dans la vie d’une femme vulnérable qui croyait avoir atteint la quiétude de la maturité. »André ClavelL’EXPRESS STYLES
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«Un premier roman réussi, d’une belle acuité psychologique.»Emily BarnettLES INROCKUPTIBLES
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« Vous pensiez votre sexagénaire de mari incapable d’envoyer un mail, et patatras : vous lui découvrez une liaison avec une call-girl sur Internet »Emily BarnettGRAZIA
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« Un roman redoutable sur la conjugalité »Isabelle PotelMADAME FIGARO
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«Roman d’une grande finesse »Michel LitoutL'INDEPENDANT
SAINT-JACQUES
Un soudain effondrement de l’humeur – la tristesse de la vie, comme l’appelait Aminata – trouvait son explication, selon les Libériens de l’île, dans un problème de moleh ouverte.
–Moleh, avait-elle répété à Jean en versant le shampoing froid sur le dessus de sa tête. Vous savez bien, la fontanelle.
Cette partie du crâne qui tarde à se sceller durant les premières semaines de la vie, substances molles palpitant sous la soie de la peau nouvelle. Aminata Dia, fière propriétaire de l’unique salon de beauté de Saint-Jacques, traçait des cercles lents sur le cuir chevelu de Jean. Elle progressait vers l’exté-rieur, rejetant ses larges épaules en arrière, puis revenait vers le centre, en les rabaissant, ses mains fortes noyées sous une écume aussi ferme et épaisse que des œufs en neige.
–e problème, c’est si la moleh se rouvre quand on est grand – les soucis, ils rentrent par là… Faut les faire sortir, venir voir Aminata, qu’elle referme la moleh pour vous.
Jean avait tiré un article de cette conversation à son arrivée sur l’île, la première semaine. Elle avait eu plus de difficultés à l’envoyer qu’à l’écrire – les connexions téléphoniques, char-gées d’humidité, sifflaient et crépitaient, parfois même elles s’interrompaient. Mais quand enfin elle était parvenue à e-mailer le texte au rédacteur en chef du magazine Madame, depuis un cybercafé du centre-ville, sa satisfaction n’en fut que renforcée. Elle aimait tout, de l’île?: les liaisons téléphoniques capricieuses la délivraient du téléphone, tandis que le cybercafé, avec son sol de sable et les chiens assoupis qui en barraient l’entrée, la soulageait idéalement de sa condition solitaire, en lui permettant de s’intégrer à un groupe tout en restant seule.
Travailler sur l’île était une brise salutaire?; Mark avait vu juste, sur ce point. “Une brise chaude et moite, avait-il précisé, et les idées d’articles tomberont des palmiers comme des noix de coco.” De fait, le sol était jonché d’idées dans leur résidence sur la colline, anciens bureaux d’une mine d’étain désaffectée surplombant Grand-Baie. Mark avait constamment besoin d’un projet, et Saint-Jacques était d’abord le sien. “Quel est l’intérêt, disait-il, de posséder une entreprise si l’on en devient esclave??” Il dirigeait l’une des agences de publicité les plus créatives de Londres, et il menait une chasse au subversif si généralisée et si implacable qu’il se surnommait lui-même Interpol. Le mouvement amenait immanquablement son lot de découvertes, professait-il, et même davantage?: la découverte de continents entiers. Jean, de son côté, jouissait d’une relative liberté?: elle publiait des chroniques santé pour le compte d’une agence et, du moment qu’elle rendait ses 1?150 mots tous les deux mercredis, elle pouvait bien vivre sur Mars.
Elle avait mieux fait, cependant, de se poser sur la minuscule île de Saint-Jacques, tête d’épingle perdue dans l’océan Indien. La petite échelle des lieux ravissait Jean?: la forêt tropicale miniature et l’unique ville, Toussaint, le collier de demi-hameaux reliés par une seule rocade de terre rouge, les marchés surpeuplés, la population accueillante et hermétique au désespoir, les oiseaux bariolés que leur disparition prochaine rendait encore plus fascinants… Trois mois durant, elle s’était abandonnée aux délices de ce long séjour d’agrément, entre bains de soleil et rédaction d’articles, le tout aussi facile à maîtriser qu’un diorama. Jusqu’à maintenant.
Le lent ventilateur de bois était bien impuissant à dissiper la chaleur qui régnait dans la salle d’attente de la clinique pour femmes. Jean parcourut l’étrange formulaire qu’on lui demandait de remplir?; elle avait de la peine à se concentrer. Alors elle pensa à la moleh qui se rouvre et feignit de ne pas dévisager la femme assise en face d’elle – une femme vêtue d’une robe tribale, aussi forte et solide qu’Aminata. Elle doit bien avoir cinq mètres de tissu enroulés autour du crâne, estima Jean, réprimant une envie soudaine de tendre le bras pour toucher, d’explorer l’architecture de cette coiffe plus proche du nid de balbuzard que du turban.
Soucieuse d’échapper à ses propres ruminations, Jean s’efforça de deviner d’où venait cette femme – d’Afrique de l’Ouest, à n’en pas douter, mais du Sénégal, comme Aminata?? Ou bien du Liberia, de la Sierra Leone?? Jean était en passe de devenir experte dans la classification des insulaires – la petite communauté des exilés ouest-africains, les enclaves éparpillées d’Africains de l’Est, d’Indiens du subcontinent, de chrétiens, de musulmans et d’hindous. La plupart des gens étaient métis, même s’il subsistait un groupe à part, celui des Chinois, descendants de quasi-esclaves importés sur l’île, et, tout au nord de l’île, une colonie de “Français” – des Blancs, aux origines européennes désormais bien lointaines. Jean, quant à elle, avait le teint rose foncé d’un nourrisson en crise, et pas seulement à cause de la chaleur exceptionnelle qu’il faisait ce jour-là?; ses joues luisaient encore du choc reçu le matin même, lorsqu’elle avait foncé de plein fouet dans une lourde révélation.
Jean avait trouvé la lettre ensevelie sous le dernier arri-vage de courriers anciens – les revues et les invitations à des cocktails, à des déjeuners d’affaires et autres soirées de bienfaisance, froissées par le voyage et depuis longtemps périmées lorsque, après avoir parcouru près de dix mille kilomètres, elles atteignaient enfin la boîte des Hubbard.
Chaque mois, Christian, leur shooté de facteur, escaladait la côte qui menait chez eux sur sa mobylette haletante et dorée, peinte à la main. Il portait sa besace en diagonale, dans le dos, comme le faisaient les mères de Saint-Jacques avec leurs nouveau-nés. Le bébé de Christian, c’était sa chevelure?: un pain de cinquante centimètres semblable à une éponge démesurée, joliment emmaillotée dans une chaussette arc-en-ciel.
Elle l’avait repéré par la fenêtre de la cuisine, où elle tranchait une papaye. Essuyant ses mains sur son tablier, elle était allée l’attendre à l’entrée, debout sur le seuil, un grand sourire aux lèvres et les mains sur les hanches, encadrée par la floraison pourpre de deux hibiscus.
–onjour, madame Oobaahd?! hurla Christian en remon-tant l’allée. Comment se porte la maîtresse de maison en ce jour si parfait??
–n ne peut mieux, répondit-elle.
Il se gara juste devant la porte et se fendit d’un large sourire pour dévoiler sa dent en or. Jean avait, depuis, réexaminé cette matinée une bonne centaine de fois?: la manière dont Christian s’était levé cérémonieusement de son char doré, penché vers elle, et s’était caressé le bouc en s’appuyant d’un bras contre le mur de la maison. Elle savait qu’il ne se serait pas autant approché si Mark s’était trouvé là avec elle, sur le seuil – un mètre quatre-vingt-quinze les pieds nus, impressionnant avec ses cheveux grisonnants rejetés en arrière, comme une dune aux buissons érodés par le vent, surplombant la grève en expansion d’un visage encore puéril.
Non, Christian ne se serait pas attardé en déployant le sourire de l’impénitent séducteur qu’il était – Jean n’avait aucune raison d’en douter. Peu importait le gros joint calé sur son oreille?; Jean se souvenait avoir pensé que sa chemise repassée l’empêchait d’avoir un air louche.
La brise fraîche, les hibiscus, le soleil réchauffant ses épaules nues?; c’était le jour des poissons d’avril, et quelle magni-fique hallucination que celle-là, avait-elle pensé en regardant Christian – et, avec un temps de retard, son cocon à cheveux tricoté main – rebondir sur la piste et disparaître de sa vue. Elle s’était demandée si fumer de l’herbe aurait été une bonne idée, et si elle aurait pu lui en demander. Serrant le sac sur sa poitrine, elle était rentrée dans la maison.
–h. Des détritus jetables déjà empaquetés dans leur propre sac-poubelle, avait déclaré Mark, sur le ton enjoué du bon commercial qu’il était, en prenant le sac plastique des mains de Jean, avant de l’entraîner vers la terrasse, à l’arrière de la maison.
De là, on embrassait du regard la majeure partie du long jardin en pente planté de cocotiers et, par-delà le mur d’enceinte qui délimitait la propriété, la piste de terre rouge en contrebas et les collines bleues qui s’élevaient au loin, vers l’ouest. L’océan, qu’on n’apercevait pas depuis la maison, se trouvait de l’autre côté de ces collines brumeuses. La plupart des étrangers venaient à Saint-Jacques pour ses plages immaculées, mais Jean et Mark s’accordaient à penser que plus on passait de temps ici, plus on était sensible à la beauté de l’arrière-pays?: verdoyant, sauvage, hors des sentiers battus. En cet instant précis, leurs yeux étaient rivés sur le sac, que Mark avait posé sur la table, comme s’il avait présenté à des invités un superbe rôti. Resté debout, il le trancha en deux avec son couteau-scie. Jean jeta un coup d’œil au butin, appréciant le spectacle, et rentra chercher du café.
–lus de lait?! cria-t-elle par la fenêtre de la cuisine. Thé au citron?? Ou bien tu le veux nature??
–?ature, ça ira, répondit Mark en avalant une grande bouchée de pain surchargé de confiture de myrtilles, tout en triant les magazines.
Il y avait là tout ce qui ne pouvait être envoyé par e-mail, et que leur faisait suivre, sans grand discernement, la secrétaire de Mark, Noleen, en y joignant le courrier d’Albert Street. Pourtant, du fait qu’on ne trouvait à Saint-Jacques que des exemplaires de Paris Match gorgés d’humidité qui dataient de la saison dernière – ou plutôt, de l’an dernier –, il émanait de cette livraison l’excitation festive d’une piñata, un charme auquel ni Jean ni Mark n’étaient insensibles.
Attendant que le café passe, Jean observait Mark par la fenêtre, en train de classer les revues. Il n’avait pas mis ses lunettes, mais ils savaient déjà tous deux ce qu’il y avait dans le paquet?: l’Atlantic Monthly et le New Yorker (pour elle), le Spectator (pour lui?; les mots croisés, pour elle), Private Eye (pour lui), le New Stateman (le sien, pour les concours hebdomadaires) et une pile de The Week (pour tous les deux). Elle savait que Mark commencerait par The Week et, plus particulièrement, par les prévisions météorologiques anglaises – en espérant la pluie. “La raison d’être, avait-il déclaré un jour, de tout Britannique en exil.” Ignorant les exemplaires de Santé américaine et de Maturité moderne, les revues géria-triques que Jean passait au peigne fin pour y trouver des idées d’articles, Mark rentra dans la maison à la recherche, comme chaque jour, de ses lunettes de lecture.
Jean s’était habillée avec soin – ce matin, elle avait rendez-vous à la clinique pour femmes. Par la suite, elle s’inter-rogerait sur la part d’instinct qu’il y avait eu dans cet effort vestimentaire – rassembler ses meilleures armes avant d’affron-ter une bataille. La robe tyrolienne à carreaux avec sa ceinture brillante, la chemise à col rigide, sans manches. Si l’on n’y prenait garde, sous ces latitudes, on finissait vite par se promener en nappe de cuisine. Pour reprendre l’expression de Mark, le sarong était le survêtement local.
–mmm… où donc allez-vous ce matin, Lois Lane?? glissa-t-il, amusé, en s’arrêtant devant la porte-fenêtre pour la laisser passer. Jean le croisa avec précaution, le plateau du café en équilibre sur les bras. En passant devant lui, elle le gratifia d’un clin d’œil. Il n’était pas rasé, nota Jean, et avait noué à la va-vite son peignoir de coton bleu. Un morceau de confiture noire était accroché à la commissure de ses lèvres. Il était souvent peinturluré de la sorte après le petit-déjeuner, pensa-t-elle avec affection, mais jamais après le dîner, comme s’il lui fallait réapprendre de zéro, jour après jour, à manger.
–n rendez-vous, répondit-elle d’un ton neutre, soulagée qu’il ait oublié sa mammographie de routine. Il était déjà assez désagréable de se faire méthodiquement malaxer les seins, sans que tout le monde n’imagine en plus la scène.
Son attention fut immédiatement attirée par l’enveloppe cachetée avec un morceau de scotch, au nom de Mark. Elle ne la décacheta pas en douce, ni par erreur, ni même mue par une quelconque curiosité pour son contenu?; il s’agissait tout simplement d’une irrépressible envie d’ouvrir l’unique vraie lettre du paquet. Mais dès qu’elle fut ouverte, Jean comprit que quelque chose clochait, car la feuille de papier qui se trouvait à l’intérieur n’était pas adressée à Mark, ou du moins pas au Mark qu’elle connaissait. L’écriture est affreuse, eut-elle le temps de penser, en posant les yeux sur ce fatras illettré de majuscules et de cursives, dont l’inclinaison laissait deviner un gaucher.