Quelque part dans une zone industrielle de Londres, un oisillon tombe par terre. Quelqu’un le voit, le prend, le protège. Un homme, qui ne s’est jamais intéressé aux animaux, commence à s’en occuper. Mais il n’a aucune idée de comment l’élever, il sait juste que si on nourrit un corbeau, il peut nous crever les yeux. Il sait aussi que, 30 ans plus tôt, un autre oiseau tombé d’un nid s’est retrouvé entre les mains de l’homme qui allait devenir son père.
Premières plumes est un récit émouvant sur la façon dont un animal sauvage peut changer nos vies et nous aider à comprendre d’où on vient. Un livre sur ce qui unit et ce qui sépare quand on est lié par le sang, sur la transmission et la liberté, sur la filiation et l’attention à l’autre. Surprenant de bout en bout, ce premier récit drôle, profond, poétique, est superbement écrit : un livre capable de modifier notre regard sur la nature qui nous entoure. Mais, avant tout, c’est l’incroyable histoire d’amour entre un homme et une pie appelée Benzene.
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Un formidable roman sur la filiation et une histoire d’amour formidable entre un homme et son oiseau le 1er coup de cœur 2024 de la librairie !
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Enormissime coup de cœur pour ce roman de Charlie Gilmour (fils de David pour les connaisseurs). Un livre qu'on ne peut lâcher. L'écriture est poignante parfois dure mais toujours belle. Une histoire de paternité, d'adoption, d'abandon, d'amour... et de pie ! Un livre qui saisit notre petit cœur, qui reste en nous et ne nous lâche plus. Quelle belle découverte! Merci aux Editions Métailié et clin d'œil à Nicolas.Catherine
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Voici un singulier roman autobiographique où une petite pie prénommée Benzene va servir de figure symbolique, de fil rouge et de moteur à un récit centré sur l'identité, la famille et la paternité. Nous pénétrons à la fois dans l'intimité d'un oiseau méconnu, diablement intelligent et entaché de la mauvaise réputation des corvidés et dans celle d'un jeune homme sensible et solaire en quête d'identité, partagé entre un père biologique fuyant et un père adoptif à l'amour inconditionnel. C'est un livre drôle, doux et touchant qui incite à porter sur les êtres et les choses un regard simple et non-conformiste.
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Sublime premier roman déjà remarqué outre-Manche du fils "de" et fils d'un autre, biologique et absent... Charlie Gilmour touche par la sobriété et l'humour dans cette quête familiale, cette recherche de sens à travers l'adoption accidentelle d'une pie tombée de nulle part. A découvrir d'urgence!Carole
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Une lecture passionnante de bout en bout qui me reste en tête depuis. Un livre qui me tient à cœur !Thibault
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Un bébé pie recueilli par un humain peu habile à s’occuper de lui-même, alors des autres… Dans cette colocation improbable qui prendra soin de l’autre et finira par prendre son envol ? Longue vie à Première plumes !Cécile
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Premières plumes est un récit très intrigant à première vue mais qui s’avère passionnant à suivre. Il est très bien mené et permet au narrateur de se dévoiler petit à petit. […] Une belle histoire de reconstruction et de résilience portée par une superbe plume, qui nous interroge sur la filiation et la transmission, ce qui relève de l’inné et de l’acquis.
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Tout ce que l'on peut attendre d'un livre est dans ce roman. Une histoire d'amour, existentielle, entre un homme et une pie. Entre un homme et lui-même, en quête de son identité, sur les traces de celle d'un père absent dont il faut apprendre pourquoi il le fut afin de ne pas le devenir. Une histoire de famille d'une honnêteté renversante. Le portrait d'une compagne, qui témoigne avant tout de la force et de la solidité d'une femme sur qui le narrateur et protagoniste compte de manière infaillible. Dans un style impeccable qui, sans se priver de poésie, ne verse jamais dans le sentimentalisme. Finalement, ce récit est une magnifique trajectoire de vie, de volonté de vivre. Et c'est superbe. Et on a envie de le partager, parce qu'un bon livre ne se garde pas pour soi...
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« Non mais qu'il eût été dommage de passer à côté d'un tel livre ! La quête identitaire de ce jeune écrivain anglais m'a profondément ému, terriblement captivé et beaucoup fait rire. Bref, ce bouquin je l'aime vraiment vraiment ! »Jacky
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"Ce récit est une surprise magnifique ! Finesse, légèreté, excentricité à l’anglaise. Un enchantement !"
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« J'ai adoré sa justesse, son humanité, sa lucidité. »Virginie
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« Premières plumes c'est ça, un père un fils, tous les pères et tous les fils, un oiseau et tous les oiseaux du monde. Une sagesse et une intimité retrouvées. »Fabien
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« Premières plumes peut prendre sans rougir sa place dans la liste des romans indispensables sur la paternité et les relations filiales. »Alexandra
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« Une écriture un peu rock, alerte, un livre absolument touchant, que je vous recommande vraiment. »Julien
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"Charlie Gilmour apprivoise une pie comme il essaie d’apprivoiser sa relation avec un père évanescent. Un roman étonnant, à la fois fort et apaisant, sur la transmission et la paternité."
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« J'ai adoré ! C'est assez rare de lire un premier roman avec un ton aussi juste et délicat. »Cyprien
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« Un très beau texte. »
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« Quand un homme tente de sauver une jeune pie et d’en prendre soin sans savoir comment, cela donne une relation surprenante et touchante. Des mots justes et simples. Une belle découverte littéraire ! »
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« Comment une pie entre dans la vie d’un homme et la transforme. Une très belle plume pour une première plume ! »
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"Que d'émotion(s) ! Un très beau roman."Géraldine
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" Premières plumes est est un roman juste beau. On le lit et c'est une évidence. Charlie Gilmour touche à la quintessence de l'émotion, comme ça, mine de rien ! Et en nous donnant une impression de facilité déconcertante, en prime ! Premières Plumes est un roman magique : subtilité, délicatesse, résilience, optimisme, tout y est pour que la pie Benzene vous reste en mémoire un long moment."Alexandra
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"Ce qui nous lie à nos pères, le soin qu’on prend les uns des autres, le bien que peuvent nous faire les animaux avec lesquels nous nouons des liens forts, voilà tout ce que raconte ce livre poétique, émouvant et parfois très drôle."Antoine
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"Gros coup de cœur pour ce roman drôle, touchant, qui nous parle d'enfance, d'amour, de filiation et... d'oiseaux."Isabelle
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"Un livre qui sur un ton léger et poétique, émeut sans prévenir et fait réfléchir sur l’attention aux autres, sur la paternité."Olivier
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"Profondément émouvant. Ce récit aux allures romanesques révèle au moins un des beautés du monde : grandir. Grandir, c’est observer, s’émouvoir. C’est vivre les instants simples avec la force des révolutionnaires. Et la révolution pour Charlie Gilmour ici, c’est l’arrivée de Benzene , une pie tombée du nid qu’il va accueillir et élever. Vraiment, c’est magnifique. "Anne et Thibault
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"WAOUH !"Géraldine
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" Avec Premières plumes, Charlie Gilmour signe un premier roman captivant et poignant sur les thèmes de l'abandon, l'adoption et l'amour. Grâce à une écriture légère pour un sujet qui l'est bien moins, l'auteur nous transporte dans ce récit entre un bébé pie tombé du nid, et un homme qui s'en voit confier la charge alors qu'il ne le désire pas de prime abord. Une jolie histoire sur la paternité et la transmission à lire d'un battement d'aile ! "Laure
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Un immense coup de cœur pour ce texte bourré d’amour. Découvrez la relation qui lie Charlie Gilmour à Benzene, une pie recueillie afin de la sauver d’une mort certaine. À travers cette histoire, ce livre parle de chacun d’entre nous, de sentiments, de famille, de peurs et de notre façon d’être au monde.Sarah
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Dans ce récit autobiographique, le Britannique Charlie Gilmour raconte comment une pie prénommée Benzene, l’a aidé à se réconcilier avec l’idée de faire famille grâce à son amour pour cet animal sauvage et à des liens devenus plus puissants que ceux du sang. C’est un livre drôle et touchant à l’énergie punk qui incite à porter sur les êtres et les choses un regard curieux, à apprendre à penser comme un autre que soi, à penser comme un oiseau.
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"Un premier récit percutant et poétique."Colombe SchneckMadame Figaro
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"Une histoire touchante, bouleversante, et vraiment extraordinaire." Ecouter le podcast de l'émission iciChristilla Pellé-DouëlFrance Inter - Grand bien vous fasse
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"Un roman d’une grande délicatesse." Lire l'article complet iciBertrand BouardSite L'Express
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"Prendre la plume pour dire les plumes qu’on a laissées dans une relation : la métaphore aviaire file, vole, tourbillonne, traverse tout ce récit aussi délicat que l’oisillon recueilli. S'identifiant à cet animal mal en point, Charlie Gilmour, abandonné par son père, découvre que ce dernier avait aussi adopté, trente ans plus tôt, un choucas. L’écho pourrait être un atavisme troublant. II permet surtout au fils d’avoir accès au père à travers le poème que ce dernier avait écrit sur le corvidé. Relire la vie du père pour relire la sienne : c’est à la fois limpide et vertigineux. Petit à petit, l’oiseau ne fait pas son nid : si l'écrivain chemine vers la quiétude qui lui échappait, la pie oscille entre énigme et symbole, à la fois être impénétrable et « girouette pour les angoisses du monde ainsi que pour les [s]iennes »"Pierre-Edouard PeillonLe Monde des Livres
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"Voilà un livre profond et décapant, à mettre dans les mains de tous ceux qui s'apprêtent à devenir père ou projettent de le devenir." Lire l'article iciThomas MessiasSite Slate
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"Un livre franc, tendre et poignant." Lire l'article iciValentine CostantiniSite ActuaLitté
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"C’est un livre drôle, doux et touchant qui incite à porter sur les êtres et les choses un regard simple, curieux et non-conformiste."Alexandra VillonPage des libraires - Librairie La Madeleine
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"Un magnifique récit, remarquablement maîtrisé. […] La grâce et l’intelligence, tels sont les deux traits distinctifs du livre de Charlie Gilmour."Damien AubelTransfuge
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"Une réussite !" Lire l'article complet iciOlivier BotLa Tribune de Genève
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"Ce roman autobiographique à la construction audacieuse avec ses effets de miroir, ses allers-retours, l’exploration à travers documents, poèmes, photos, entre tiens d’une généalogie aux allures de malédiction surprend aussi par la qualité, l’urgence de son introspection, la volonté de dire au plus près, tout en énonçant au plus juste. L’écriture vive passe du primesautier au ton le plus grave en quelques sautillements volatils. La cruelle critique d’une génération qui voulait changer le monde sans se soucier de ses propres enfants ? « On ne devient pas forcément celui qui était son géniteur. L’acquis l’emporte sur l’inné. II le faut. »"Dominique AussenacLe Matricule des anges
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"Tout commence avec une pie, ce représentant de la famille des corvidés à la réputation chapardeuse. Pourtant, loin de dépouiller le narrateur, l’oiseau lui offrira ce que personne n’a pu lui donner : la paix de l’âme après une jeunesse ô combien tourmentée, mais aussi l’occasion d’un touchant récit. Sur un ton léger, qui engage parfois à dessein le lecteur sur la fausse piste de l’anecdotique, celui-ci émeut sans prévenir et, avec grâce, déploie une réflexion sensible sur un enjeu universel : la paternité."Marianne MeunierLa Croix
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"Un récit bouleversant."Jacques LindeckerL'Alsace
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"Un roman qui touche directement au cœur !"Florence DalmasLe Progrès
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"Difficile de tourner la page de cette histoire originale et bouleversante entre Charlie et sa pie Benzene, encensée à juste titre outre-Manche. J'ai adoré. Ni plus ni moins."Site Babelio
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"Une écriture sobre mise au service de sentiments forts. Emouvant." Lire l'article iciSite Benzine
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"Charlie Gilmour signe un magnifique récit d’émancipation, de transmission et de régénération entre un homme et un animal."Elisabeth MisoFlorilettres
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"Cette histoire, c'est un fil qu'on tire. Comme le narrateur, on se demande au début où va nous emmener cet oiseau ramassé. Mais, très vite, le vertige s'installe et on plonge en apnée dans la douleur qui ressurgit à doses maîtrisées, dans le bonheur subtil des liens qui se tissent, dans les interrogations existentielles du héros. Jusqu'à la rédemption possible, malgré tout."Sophie Filippi PaoliLa Voix du Nord - Nord Eclair
prologue
Quelque part dans le sud-est de Londres, une jeune pie tombe par terre.
Vu d’en bas, il est difficile de savoir d’où elle est tombée exactement. Son nid pourrait être tout en haut des platanes qui bordent cette route érodée par les camions, couffin végétal dissimulé par un voile de feuilles vertes. À moins qu’il ne soit quelque part dans la jungle de hangars plus ou moins désaffectés qui pul- lulent dans le quartier, monticule complexe de brindilles et de boue sur de la tôle ondulée et de l’amiante. Les pies construisent leurs maisons tout près des nôtres, visibles mais juste hors de portée. Une cité de pies superposée à la nôtre.
C’est dans un environnement hostile et très humain que cet oiseau qui ne sait pas encore voler a fait une entrée prématurée. Des voitures au capot en accordéon et au pare-brise en morceaux attendent d’être déman- telées à la casse du coin. Des réfrigérateurs abandonnés et des sacs de gravats aussi inamovibles que des rochers bloquent les trottoirs. Des flaques de pluie printanière scintillent de reflets violets à cause des substances pétro- chimiques et, au-dessus, des nuages de fumée et de vapeur s’élèvent de la cheminée d’une gigantesque usine de traitement des déchets qui incinère à tour de bras. Les poids lourds grondent comme un ciel d’orage et les sup- porters du Millwall fc font entendre leur clameur. Les seuls animaux que j’ai remarqués dans le coin étaient des pitbulls et des rats – même si un peu plus loin, du côté de la décharge, on trouve des nuées de mouettes et de
pigeons, ainsi qu’une flotte de rapaces profilés comme des avions de chasse, employés par l’usine de traitement des déchets pour effaroucher les autres oiseaux.
L’atelier de Yana, ma compagne, est à deux pas d’ici, dans un entrepôt qui prend l’eau de toutes parts, à côté de la casse. C’est une partie de la ville qui est pleine de surprises et de secrets, mais ils sont rarement mignons et duveteux. Une descente de police dans un hangar voisin dévoile une ferme de cannabis, puis sur des motos volées la semaine d’après ; un ami ouvre un vieux conteneur oublié et découvre qu’il est plein de jet-skis ; quelqu’un avec qui j’ai un jour partagé une cellule de prison se van- tait d’avoir dispersé les membres sciés de sa victime dans les parages. C’est le dernier endroit au monde où je me serais attendu à voir surgir quelque chose d’aussi tendre qu’un jaune d’œuf, d’aussi frêle qu’un os d’oiseau, tout juste sorti de sa coquille.
La créature se carapate dans le caniveau, tanguant vers le trottoir comme un ivrogne qui titube dans une ruelle. Les pies quittent le foyer beaucoup trop tôt – bien avant de pouvoir voler pour de bon ou assurer leur subsistance. Pendant plusieurs semaines après avoir quitté le nid et s’être remplumées, elles dépendent de leurs parents pour la nourriture, la protection et l’éduca- tion. Mais les parents de cet oiseau ne sont nulle part en vue. Ils ne le nourrissent pas, ne le surveillent pas, ne le protègent pas ; aucun cri d’alarme n’est poussé quand un grand prédateur alpha approche d’un pas alourdi par des chaussures à coques. Cela ne signifie pas que ses parents ne sont pas dans les parages. Ce n’est peut-être pas un hasard si cet oiseau est tombé du nid. Si les vivres man- quaient, un calcul sauvage a pu être effectué, établissant que le seul moyen de maintenir la famille en vol était de sacrifier l’avorton.
L’oiseau a cessé de bouger à présent. Il se recroque- ville dans le caniveau, tremblant de déshydratation et
peut-être aussi de peur. Si la nature est autorisée à suivre son cours, il sera probablement mort avant la fin du jour. L’humain en approche le toise, large comme un tronc d’arbre, hésite, et puis, dans un petit froufrou, le monde de l’oiseau s’éteint.
À trois cents kilomètres à l’ouest, et à trois décennies de distance, un jeune choucas des tours est tombé du nid dans le clocher d’une église de village. Plumes gris acier, bec jaune, aile blessée traînant par terre. Les chou- cas et les pies partagent des liens de famille. La famille des corvidés. Des frères de charogne. Quelqu’un, peut- être le pasteur, est tombé sur ce jeune oiseau blessé, l’a mis dans une boîte et l’a emmené chez une femme du village, guérisseuse d’animaux à ses heures perdues. De là, le choucas a trouvé le chemin des mains de l’homme qui allait devenir mon père. La pie trouve son chemin jusqu’à moi.
premières plumes
1
Yana pose la boîte en carton et son précieux contenu sur le sol de notre chambre avec les plus grandes précau- tions. Sa sœur l’a trouvé ce matin, m’explique-t-elle, elle l’a ramassé et l’a apporté à leur atelier. Entre le marteau et la perceuse, elles ont nourri l’oiseau avec des asticots achetés à la boutique de pêche. Comme les asticots mordent, poursuit Yana impassible, il faut légèrement leur écraser la tête avec une pince ou un ongle avant de les déposer dans le gosier de l’oiseau. Elle soulève les rabats de la boîte.
Une boule de plumes noire et blanche de la taille d’un poing d’enfant est blottie dans un coin. À première vue, elle a l’air morte. À l’odeur aussi. Je lui adresse un claquement de langue et une de ses paupières s’ouvre en papillonnant. Son œil est d’un bleu minéral.
Je tâche de convoquer toutes mes connaissances sur les pies. Au début, tout ce qui me vient est la comp- tine “une pie tant pis” et l’image de ma mère saluant religieusement toutes celles qu’elle voyait dans la ferme où j’ai grandi, pour conjurer le mauvais sort qu’elles sont censées attirer. On n’est jamais trop prudent, me dis-je en portant la main à hauteur de ma tempe tandis que j’inspecte la boîte. Yana dit que les pies sont des oiseaux intelligents – très intelligents, comme tous les corvidés –, mais je me souviens aussi qu’elles sont sou- vent mal aimées, pour des raisons que je n’ai jamais très bien comprises. On raconte qu’elles mangent les oisillons et qu’elles pactisent avec le diable. Ce genre de choses. Et il paraît qu’elles ont un œil de pirate pour
les trésors volés – c’est dans le nid de pie le plus proche qu’il faut chercher une alliance perdue. À part la saluer, je n’ai aucune idée de la marche à suivre avec elles. Je me suis déjà vaguement occupé d’animaux blessés, ou du moins j’ai essayé enfant : des animaux ramenés par le chat, des écureuils éclopés, des oiseaux à la cervelle en bouillie après avoir percuté un carreau de fenêtre. Peu importe les efforts déployés, ils finissent apparem- ment toujours au même endroit : une boîte à chaussures au fond d’une tombe de fortune. Même les animaux bien portants n’ont pas eu beaucoup de chance entre mes mains. Je repense avec culpabilité aux magnifiques colombes blanches que nous avions il y a des années, que ma grand-mère, ma mère et moi avions teintes en rose pastel avant de les relâcher dans la ferme – résultat, le renard les avait englouties comme de la barbe à papa. Si c’était moi qui avais trouvé cet oiseau, j’aurais pro- bablement été tenté de le laisser se débrouiller dans le caniveau. Je ne vois pas très bien ce que nous pouvons faire pour lui, à part peut-être prolonger ses souffrances. Mon regard passe de l’oiseau à Yana. Elle porte, comme toujours pour une journée de travail, un bleu de chauffe et de solides chaussures de chantier. Ses che- veux châtain clair sont fermement maintenus par des épingles, dans un style précis et sévère qui relève de quelques degrés le tranchant de ses pommettes hautes et saillantes. Elle s’affaire déjà avec la pince. Je la regarde s’attaquer à un asticot frétillant avec son bec métallique et lui écraser la tête. Une substance pâle et visqueuse suinte des deux extrémités du malheureux invertébré qu’elle agite au-dessus du bébé pie pour l’amadouer. C’est un comportement typique, Yana est incapable de rencontrer un objet cassé sans vouloir le ramasser et le réparer. Il faut croire qu’elle a une part de pie en elle ; ce n’est pas exactement une voleuse, mais une vraie ama- trice de trésors trouvés. Elle a toujours un tournevis sous
la main et semble rarement y réfléchir à deux fois avant de rapporter chez nous des luminaires abandonnés dans la rue, des morceaux de marbre ou d’énormes sacs de déchets ramassés sur l’estran de la Tamise.
Notre maison est remplie de choses qu’elle a créées ou retapées : étagères, mugs, couteaux, jusqu’aux chaises que nous utilisons et aux pantalons que je porte. Elle prend un plaisir particulier à suspendre des objets au plafond. Dans le salon, un lustre qu’elle a fabriqué à partir de stalactites de verre tranchants tintinnabule chaque fois qu’un camion passe dans les parages ; au- dessus de notre lit, un entrelacs de bambous, de cordes et de plantes grimpantes a transformé notre chambre en jungle. Elle attribue ses talents de bricoleuse au fait d’avoir grandi avec six frères et sœurs dans une famille d’immigrés tumultueuse. Ses parents ont rallié la Suède depuis l’Ukraine soviétique avec leurs enfants et tout ce qu’ils pouvaient emporter, laissant l’urss s’effondrer derrière eux. C’était un environnement chaotique, et savoir se créer ses propres vêtements et ses propres loisirs était un vrai luxe.
Je l’ai rencontrée il y a deux ans à une fête dans une station de lavage désaffectée à Lewisham. Elle est appa- rue derrière une colonne de béton avec des cheveux blonds peroxydés et un maquillage rouge démoniaque autour des yeux et elle m’a harponné au premier regard. Ensuite, elle m’a ramené dans son appartement et m’a montré son serpent albinos, sa mante orchidée et sa collection de couteaux maison. Peu après, nous avons emménagé ensemble et nous nous sommes fiancés dans la foulée. Tout a été très soudain, si bien que je ne sais pas très bien comment j’en suis arrivé là. Parfois je me sens un peu comme un de ses objets trouvés. Je ne me suis clairement jamais imaginé me caser à moins de trente ans. Aux dernières nouvelles, j’avais le crâne rasé, les poings contusionnés, et je fonçais droit dans le mur.
Et là, on dirait bien que je vais me marier, que je fais mon nid.
Parfois je suis convaincu que j’ai tout rêvé, et que ça pourrait disparaître du jour au lendemain. D’autres fois, au contraire, j’ai l’impression d’émerger lentement d’un long cauchemar éprouvant. Je ne sais pas si c’était l’em- pressement de Yana à s’occuper de ce qui est détraqué qui l’a attirée vers moi – j’ai quelques doutes là-dessus. Mais sa force, sa solidité, son invulnérabilité figuraient clairement parmi les qualités qui m’ont séduit chez elle. Et voilà que cet oiseau de mauvais augure est arrivé.
Une chimère qui considère l’asticot agonisant de Yana avec méfiance depuis son coin de la boîte en carton. Ses deux yeux sont ouverts à présent. Bleus. J’ignorais que les yeux d’une jeune pie étaient bleus. Toutes les pies que j’ai vues jusque-là, jacassant dans les arbres ou dépeçant une carcasse au bord d’une route, devaient être adultes, avec des yeux étincelants couleur d’obsidienne. Si les yeux de cet oiseau sont pleinement ouverts, son bec noir acéré demeure obstinément fermé, malgré tous les efforts de Yana pour l’amadouer. Elle marmonne quelque chose qui ressemble à “idiote de pie” et repose sa pince. Réparer ce petit corvidé cassé risque, je le crains, d’être une tâche impossible, même pour elle.
– Il n’y a pas quelqu’un d’autre qui peut s’en occu- per ? je demande. Je ne sais pas, un véto, par exemple ?
Yana lève les yeux au ciel comme si je venais de sug- gérer de faire venir un électricien pour changer une ampoule. Ce qui est, pour être honnête, exactement le genre de choses que je serais capable de faire – pour le bien de l’ampoule. Si Yana représente l’ordre, alors je suis le chaos. Les choses semblent se désintégrer entre mes mains, et cet oiseau est bien trop vulnérable.
Yana m’écarte d’un geste de la main et reprend sa pince. Elle écrase un autre asticot et fait une nouvelle tentative auprès de la pie, cette fois en produisant des
piaillements stridents et en faisant claquer son bec métallique – tout comme, affirme-t-elle, le ferait une mère pie dans la nature. Avec un soudain regain d’éner- gie, le bec de l’oiseau s’ouvre et il se met à siffler comme une bouilloire. Yana lâche l’asticot dans son gosier rose vif et il est englouti d’un trait. Clairement il y a encore de la vie dans cette créature.
Yana me passe un asticot de la boîte en plastique dans son sac à outils.
- À ton tour, dit-elle tandis que l’asticot palpite sur la surface de ma paume, jaune et vaguement poilu, comme un orteil découpé qui se convulse.
J’utilise la pince pour lui écraser la tête, puis je joue à la maman. Réglé comme une pendule à coucou, l’oiseau s’ouvre en grand. Sa fragilité me terrifie. De la porcelaine dans un boa en plumes. Je dépose d’une main hésitante l’asticot encore frétillant dans son bec et attends qu’il commence à se goinfrer, mais l’oiseau continue de piail- ler et l’asticot tombe sur le côté.
- Il faut vraiment lui fourrer dans le gosier, me dit Yana en mimant le geste avec son index.
J’abandonne la pince. Je ne supporte pas d’employer un outil métallique aussi dur sur quelque chose d’aussi doux et délicat. Au lieu de quoi, je pousse l’asticot vers le bord de la gorge noire de l’oiseau du bout du doigt. Le piaillement s’intensifie, puis se mue en une sorte de miam- miam de diablotin quand le péristaltisme se déclenche et que l’asticot est emporté. L’oiseau ne s’arrête pas là. Je sens les puissants muscles circulaires de son œsophage se convulser autour du bout de mon doigt quand il essaie de m’avaler moi aussi. Je retire vivement ma main. L’oiseau piaille, cache sa tête derrière son aile et se rendort.
- Et maintenant ? je
- Va chercher d’autres asticots, dit Yana. Je crois qu’il faut le nourrir toutes les vingt minutes et nous sommes déjà à court.
2
Les deux jours suivants, je fais tout mon possible pour ignorer la pie dans la boîte. Plus que jamais, je suis convaincu qu’elle est destinée à une fin prématu- rée. Yana a repéré une espèce de parasite qui vit dans sa gorge, et la pie fait des crises régulières ; des épisodes horribles, déchirants, où elle se jette sur le flanc et se convulse comme une grenouille branchée au secteur. Je décide que c’est le problème de Yana. À chaque nouvelle crise, elle sanglote et verse des gouttes d’eau du bout de son doigt dans le bec de l’oiseau, ce qui le revigore quelque peu, mais la crise suivante n’est jamais loin. Je me dis que c’est à cause de ça que la pie a été boutée hors du nid. Les oiseaux savent quand un de leurs petits ne vaut pas la peine qu’on s’occupe de lui. Je lui tourne le dos, moi aussi. Inutile de s’attacher à une créature qui ne va pas faire de vieux os.
En outre, mon petit doigt me dit que Yana essaie en douce de me transformer en père pie. C’est tout naturel, j’imagine. Son travail de scénographe l’amène souvent à s’absenter plusieurs jours de suite. De mon côté, je suis un écrivain en sous-emploi et, ces jours-ci, je quitte très rarement la maison. Je m’efforce de mener une vie de reclus, mais le monde extérieur a manifestement réussi à passer le bout de son aile par ma porte. Si la créature survit, il semble assez inévitable que le rôle d’écraseur d’asticot en chef finisse par m’incomber. Si la pie sort indemne de ces turbulences, il est évident qu’il va lui falloir beaucoup de soins avant de pouvoir être renvoyée dans la nature. Elle est incapable de se nourrir seule ;
quant à voler, c’est encore un rêve lointain. Qui sait combien de temps elle mettra pour apprendre ?
Je tâche de feindre le désintérêt quand Yana s’occupe de la créature, bien qu’il soit difficile de ne pas se laisser entraîner. Le simple fait de veiller à ce qu’elle ait toujours le ventre rempli est un travail à plein temps. Yana tue des asticots à la pelle, forme des mini boulettes calibrées pour la pie avec de l’agneau haché, ramollit des biscuits pour chien dans de l’eau chaude et les lui fourre dans le gosier à l’entonnoir. Je ne sais pas comment elle sait faire tout ça, mais ça a l’air de fonctionner. La survie de la pie semble loin d’être garantie – elle est à peine assez forte pour supporter le poids minuscule de sa tête et elle continue de trembler et de se convulser horriblement – mais, sous l’aile protectrice de Yana, la fréquence de ses crises diminue. Ses yeux bleus restent ouverts pendant de plus longues périodes, et ils nous suivent voracement, Yana et moi, partout dans la pièce.
Quelques jours plus tard, l’inévitable se produit. L’agent de Yana l’appelle pour lui proposer une mis- sion lucrative au pied levé, à Paris. Yana essuie le jus de viande de ses mains, remonte la fermeture éclair de son bleu de chauffe et franchit la porte avec son sac à outils en bandoulière en un clin d’œil de pie. À dans une semaine, lance-t-elle en partant.
Je fixe l’oiseau. L’oiseau me fixe sans ciller en retour, la tête inclinée de côté pour m’avoir en plein dans le canon de sa pupille noire en pointe d’épingle. Je n’arrive pas à me défaire de l’impression qu’il y a une intelligence tapie derrière ces yeux de gemme pâle, une intelligence qui m’examine avec la même intensité que je l’examine. Je ne me suis jamais senti aussi exposé devant un animal. Je crains que les choses se passent mal. Je suis maladroit, tête en l’air, et notoirement connu pour me défiler devant les responsabilités.