Marco Ferri, hooligan devenu policier pour combattre la Fureur qui gronde en lui, entre dans l’équipe de Mastino, adepte des solutions expéditives et ultra-violentes, et bientôt responsable d’une unité antiterroriste. Dantini, le mentor bien-aimé de Marco, est assassiné. Tout a été préparé pour que le meurtre soit imputé à Guido, un jeune anarchiste qui doit mourir en même temps que sa cible, mais le garçon survit. Il est pris en charge par Lupo, le chef des Affaires internes, qui pressent derrière le crime la main d’un vieil ennemi, le Commandant. Sous les ordres de celui-ci, Mastino met en scène un énorme attentat islamiste. Entre ces hommes et leurs jeux de pouvoirs circulent Daria, la brillante assistante de Lupo, et Alissa, impitoyable tueuse marquée d’une fêlure d’enfance qui fera tout basculer…
Corruption généralisée et individus intègres, manipulations géopolitiques et guerres de civilisations : voici, dans une Italie crépusculaire et un Belleville de légende, une plongée dans les coulisses du monde contemporain comme nous y a habitués l’auteur de Romanzo criminale. Où tout l’enjeu sera de donner une forme à cet inégalable outil de gouvernement : la peur.
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« Des polars, j’en lis beaucoup, depuis toujours et de tous les styles : thriller, polar social, humoristique, ethnique, romans noirs, et j’en oublie… mais alors là je suis bluffée ! Du grand art, tout simplement ! »
Marie-Aube Nimsgern -
« Un très bon polar italien dans lequel s’affrontent policiers honnêtes et flics corrompus. Un roman très réaliste, une écriture dynamique… Magnifique. »
Librairie du Monde d'Arthur (Meaux) -
« Bravo pour la traduction du roman de Giancarlo De Cataldo que j'ai trouvé ébourrifant. Une peinture effroyable et effrayante de la manipulation policière et politique. ça fait peur mais on prend un plaisir fou à cette lecture. »
Ladislas BraultLIBRAIRE DE BAGATELLE (Neuilly-sur-Seine)
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« … le talent de l’auteur, notamment sa manière d’incarner ses constructions du pouvoir au travers d’exécutants aux personnalités jamais anodines, garantit à ses fictions une qualité, elle aussi, constante. »Nicolas DufourLE TEMPS
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« … un des écrivains du noir les plus intéressants d’Italie. »Laurent BonzonTAGEBLATT
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« Un polar prenant sur une guerre des polices impitoyable… »Jacques BerthoL’ALSACE
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« Où tout l’enjeu sera de donner une forme à cet inégalable outil de gouvernement : la peur. »Yves GittonX ROADS
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« … Giancarlo De Cataldo scrute notre monde. Il n’y voit que désordre et corruption. Une fois de plus, la littérature raconte avec conviction ce qu’on pourra lire demain dans les journaux. »Martine LavalTELERAMA
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« Meurtres, flics pourris, flics intègres, manipulations à tous les niveaux dans ce pays où l’opération judiciaire "mains propres" contre la corruption des politiques en 1992 continue de hanter les mémoires. L’Italie et ses paradoxes. Giancarlo De Cataldo, magistrat et formidable écrivain, explique cette réalité d’aujourd’hui en parfaite résonance avec celle d’hier. »Brigitte HernandezLE POINT
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« D’une lucidité réfrigérante. »Marie ChaudeyLA VIE
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Portrait à lire ici.Marc SémoLIBERATION
PROLOGUE
CAMPAGNE AUX ENVIRONS DE KNIN
République serbe de Krajina, 7 août 1995
Le jour où l’armée régulière croate reprit Knin et où l’opération Tempête effaça la république serbe de Krajina, ce même jour le Commandant tua quatre de ses meilleurs hommes. Ils s’étaient perdus de vue sur les hauteurs autour de la ville, pendant que sa bande et celle de Pilic donnaient la chasse aux quelques Serbes armés qui s’entêtaient à résister aux troupes de Franjo Tudman. La ténacité désespérée des Serbes remplissait d’admiration le Commandant. Même si un jeu complexe de circonstances l’avait obligé à se placer du côté de Zagreb, ses sympathies allaient à ces combattants impitoyables mais en même temps loyaux qui, au fond, ne faisaient que défendre leur vie. Malheureusement pour eux, les nombreux intérêts du Commandant ne prévoyaient, en ce moment, aucune forme de collaboration avec les Serbes de Krajina : autrement, peut-être, l’affaire aurait pris un tout autre cours.
Toutefois, si le Commandant avait décidé de se priver de quatre éléments valides, ce ne fut pas à la suite de considérations de caractère politique, et encore moins en raison d’un sursaut humanitaire. Depuis quatre ans se menait dans les Balkans une guerre sans merci. Et comme dans les guerres, ce qui compte, c’est de l’emporter sur l’ennemi, le viol ethnique, les déportations de masse, les exécutions sommaires et le surplus de cruauté auxquels les combattants de tous les bords s’abandonnaient durant les actions, toutes ces pratiques devaient être jugées en termes exclusivement militaires. Quelques semaines auparavant, c’étaient les Serbes du général Mladic qui avaient massacré Dieu sait combien de milliers d’hommes et de femmes seulement parce qu’ils étaient de religion musulmane. Certains excès, durant la guerre, sont non seulement inévitables, mais sans aucun doute utiles. Mais il faut comprendre quand est venu le moment d’arrêter.
Ce qui l’avait poussé à un geste aussi extrême – aucun commandant ne se prive de gaieté de cœur des gars avec lesquels il a partagé l’âpre odeur de la bataille et le risque de mort –, ce fut donc la nécessité de marquer la frontière nette qui sépare un soldat d’un assassin, un combattant d’un mercenaire. Le soldat, même quand il n’est pas encadré dans une unité régulière, même privé d’uniforme, obéit aux ordres sans discuter. L’assassin, le mercenaire, représente l’aspect anarchique de la guerre. On doit lui reconnaître une certaine utilité. Mais quand il commence à travailler pour lui-même et néglige la cause, il doit être inexorablement puni.
Le Commandant avait retrouvé ses quatre hommes – les frères Dorin, fascistes italiens de Lussinpiccolo, Mate et Carlo, oustachis de Sisak – dans une grotte sur la route pour Gracac. S’était joint à eux un gars de Pilic, paumé imprégné d’alcool. Dans l’acharnement avec lequel ils se déchaînaient contre une gamine, serbe à en juger par les traits doux et la beauté apeurée, il n’y avait rien de justifié, et rien de militaire. La bataille était gagnée. Les bêlements des pacifistes et des organisations humanitaires allaient se transformer en chœur assourdissant. Toute cruauté supplémentaire était hors de propos, à moins qu’elle ne soit suggérée par une utilité concrète et immédiate : séparer les hommes des femmes pouvait encore avoir un sens, ainsi que fusiller, à titre d’exemple et de dédommagement pour les pertes subies, les ennemis surpris armes à la main. Violer une gamine était un geste non seulement superflu mais, en perspective, contre-productif.
Le Commandant ordonna le garde-à-vous. Les hommes ne lui prêtèrent pas attention.
– Arrêtez, ou je vous tue.
Encore une fois, les hommes ignorèrent l’ordre. Un des deux Italiens rit et l’invita à se joindre au festin. Le Commandant empoigna le fusil-mitrailleur et les faucha, l’un après l’autre. Puis il pénétra dans la grotte. Il fut assailli par une odeur nauséabonde. Sang, poudre, sperme et décomposition. À quelques pas de la fillette, il y avait le corps enflé d’un civil. Le bras encore tendu vers elle, dans un geste de protection. Le père, peut-être, ou un autre parent. Ou peut-être juste un malheureux Serbe quelconque. D’un mouvement brusque, le Commandant renversa le corps de l’oustachi qui s’était écrasé sur la jeune fille. La mort l’avait foudroyé avec une expression de frayeur. Il ne croyait pas que son commandait mettrait la menace à exécution. C’était un mercenaire, pas un soldat. Un soldat aurait compris. Un soldat aurait obéi.
La fille était couverte de sang et quand le Commandant se pencha sur elle, elle se rétracta d’instinct. Elle avait les yeux écarquillés. Blessée dans sa chair et lacérée à jamais dans son âme, mais son jeune cœur continuerait à battre. Le Commandant lui murmura des paroles rassurantes, et la fille peu à peu parut se calmer. Elle ne devait pas avoir plus de quinze ans. Elle vivrait. Elle n’oublierait jamais. Le Commandant la nettoya de la saleté qui la couvrait, lui fit boire quelques gouttes d’eau-de-vie de sa gourde, la recouvrit de sa veste, se la chargea sur le dos et sortit de la grotte.
C’était un chaud soir d’été. Le soleil brûlait les collines de la Krajina. Le Commandant s’arrêta à quelques mètres de l’entrée de la grotte, disposa le corps sur un moelleux tapis d’herbe et lança à l’intérieur, en une succession rapide, quatre grenades. La dernière explosion fit crouler la voûte, enterrant sous un amas de roches et de détritus le mort enflé et les cinq mercenaires qui s’étaient crus soldats. Puis il reprit la fille sur ses épaules et se dirigea vers le campement. Quand il y arriva, vers le soir, la bataille était finie. Le président Tudman venait juste de déclarer aux télévisions du monde entier : “Enfin, la tumeur serbe a été arrachée à la chair croate.”
Pilic lui tendit une flasque de slivovitz, lança un coup d’œil à la fille et fit un vague signe dans l’air.
– Prise de guerre, dit le Commandant.
Pilic ne posa pas d’autre question. Il n’y aurait pas eu de réponse.
Deux jours plus tard, le Commandant conduisit Alissa – tel était le prénom de la jeune fille – à l’aéroport de Zagreb. Tous deux étaient en possession de passeports diplomatiques avec des noms de fantaisie. Pilic était resté en Croatie. En lui disant au revoir, il lui avait avoué son rêve secret.
– Je crois qu’on va me faire ministre, ou un truc de ce genre.
– Bonne chance. Mais si ça devait mal tourner, rappelle-toi qu’en Italie tu peux toujours compter sur un ami.
– Ça n’ira pas mal, mon frère. Pas pour moi.
Pilic était naïf. Le maximum qu’il pouvait attendre de l’avenir, c’était un tribunal international ou une balle dans la nuque. Mais il restait un homme aux mille ressources. Peut-être, un jour, pourrait-il être utile.
Ils attendaient dans la queue à la porte du vol pour Venise. Alissa, muette, se serrait contre le Commandant. Au moindre mouvement, elle sursautait et le scrutait de ses grands yeux verts.
– Je ne t’abandonnerai jamais, lui répétait-il. Avec moi, tu es en sécurité, et tu le seras toujours.
La jeune fille montra quelqu’un dans son dos.
Le Commandant se retourna et toisa un quadragénaire au physique sec, aux moustaches minces, avec des cheveux qui se raréfiaient. Il le fixait à travers la baie qui séparait les départs des arrivées. Le Commandant lui adressa un salut ironique. Son vieil ami Lupo détourna le regard et se dirigea vers la sortie.
Tandis qu’ils embarquaient, le Commandant pensa que, comme d’habitude, il avait prévenu d’un souffle la catastrophe. Lupo à Zagreb, cela signifiait à coup sûr des ennuis en vue pour beaucoup de braves gars qui avaient versé leur sang du bon côté. Lupo apportait toujours des ennuis.
Mais lui, à présent, était en dehors de tout ça.
Il se pencha sur Alissa pour la réconforter.
Elle lui sourit. C’était la première fois qu’elle le faisait. Le Commandant se perdit dans ce sourire lumineux et éprouva une sensation pour lui tout à fait neuve et incompréhensible, quelque chose entre la nostalgie d’un commencement et un subtil regret.
Elle ferma les yeux. L’avion se détacha du sol.