Un vieil homme hagard, entouré de sacs remplis de vêtements, est abandonné dans un self-service sur les Champs-Élysées. « Ne les laissez pas me tuer », c’est tout ce qu’il sait dire.
Pripiat, ville fantôme, à trois kilomètres de la centrale de Tchernobyl : dans les rues désertes, entre la grande roue neuve et les autos tamponneuses abandonnées, pas âme qui vive. Sauf les samosiol, ceux qui sont revenus dans la zone interdite. Laurenti Bakhtiarov chante Demis Roussos devant la salle vide du ciné-théâtre Prometheus, deux Américains givrés testent les effets de la radioactivité sur leur corps… Au cœur d’une apocalypse permanente, Vassia, l’homme à vélo, croit encore à la possibilité d’une communauté humaine.
Ce roman magistral est librement inspiré de la vie de Vassili Nesterenko, physicien spécialiste du nucléaire, devenu l’homme à abattre pour le KGB pour avoir tenté de contrer la désinformation systématique autour de Tchernobyl.
Des paysages hallucinés aux aberrations du système soviétique, Sebastián signe un texte d’une force rare, à la fois glaçant et étrangement beau, hymne à la résistance dans un monde dévasté.
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« l'articulation de cette vie incroyable, des contextes politiques traversés, et surtout de l'hymne à la vie symbolisé par ces portraits saisissants de cette communauté, font de ce roman un très beau texte. »
Adrien -
« j'ai adoré Le cycliste de Tchernobyl. C'est sensible, intelligent, original, très bien construit et très émouvant. Bref, un vrai régal. »
Emilie Pautus -
« La prouesse de Javier Sebastián est de ne pas tomber dans l'écueil du réalisme sans charme en livrant des portraits des habitants de Pripiat empreints de poésie. »
Charlène -
« Le Cycliste de Tchernobyl m'a beaucoup plu. Le mélange des genres et la narration qui alterne présent/passé, la description du petit groupe vivant à Pripiat malgré tout, ainsi que cette peur qu'a Vassili d'être éliminé, apportent au livre son originalité et le rendent incroyablement touchant. La fin est également très réussie (la stratégie déployée pour être recueilli par le SAMU social m'a étonnée, c'est ingénieux).
Merci, donc, de m'avoir permis de découvrir ce texte qui devrait laisser une trace pérenne dans ma mémoire. »Vincent LadoucetteLibrairie Gibert Joseph Carré de Soie (Lyon) -
« Empruntant à un réalisme quasi-journalistique et faisant hommage avec érudition à la littérature russe en général, Javier Sebastián signe un très grand roman soviétique traduit du castillan. »
David Rey -
« Un livre inclassable et passionnant, qui tient à la fois du roman d'espionnage et de l'étude scientifique, avec un zeste d'humour tout british, bien que ce roman écrit en espagnol se passe principalement entre Paris et Tchernobyl ! Le personnage du narrateur, entre naïveté et humanisme, n'est pas la moindre des trouvailles de ce récit tragi-comique qui est aussi une façon élégante de faire le point sur un sujet que l'auteur connaît manifestement à fond. »
Marie-Aube Nimsgern
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« A travers deux fils narratifs parallèles qui convergent pour ne faire plus qu’un, Sebastián nous plonge dans une humanité aux prises avec cette catastrophe technique et humaine majeure et met en scène de manière saisissante et crédible la réalité de la Zone d’exclusion de Tchernobyl au début du XXIe siècle. » Plus d'infos ici.Olivier FressardSite web Fondation de l’écologie politique
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« Javier Sebastián allie différents styles d’écriture avec brio pour signer un roman singulier sur le courage des hommes face à un pouvoir omnipotent. » Plus d'infos ici.Julien CassefièresCULTUROPOING.COM
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« Malgré la noirceur qu’il doit affronter, Le Cycliste de Tchernobyl conserve jusqu’au bout une poésie du désenchantement qui lui confère un état éthéré. Si bien qu’il donne l’impression de triompher de la désolation et du cynisme par la seule force de la fiction. » Plus d'infos ici.Mickaël DemetsBLOG L’Accoudoir
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Plus d'infos ici.interview de Javier Sebastián par Bernard StrainchampsSITE FEEDBOOKS
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« Émouvant manifeste aux visées humanistes, Le Cycliste de Tchernobyl éclate comme un hymne à la vie, croyance irréductible que les plus belles actions peuvent aussi surgir dans les contextes les plus sombres. Un message salutaire pour une des indéniables réussites littéraires de cette rentrée. » Plus d'infos ici.Adrien BattiniLA CAUSE LITTERAIRE
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« “La vie est toujours possible même en enfer ! ”, litote éprouvée par l’Espagnol Javier Sebastián dans un roman aussi émouvant que polémique. » Lire l'article entier ici.Dominique AussenacLE MATRICULE DES ANGES
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« Un livre terrible et très étonnant de l’écrivain espagnol Javier Sebastián, Le Cycliste de Tchernobyl, auquel je ne connais pas d’équivalent, qui allie la plus grande rigueur historique, documentaire à la plus folle liberté d’invention. » Lire l'article entier ici.Eric ChevillardLE MONDE DES LIVRES
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« Il y a dans Le Cycliste de Tchernobyl quelque chose qui tient du tour de force : cette capacité à relier la centrale folle diffusant sa radioactivité et l’avenue prétendument la plus célèbre du monde, à faire tenir ensemble des mondes si différents, à fabriquer un roman de facture classique et cependant d’une évidente originalité. » Lire l'article entier ici.Mathieu LindonLIBERATION
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Chaque seconde était éternelle, comme si tout se passait dans un fond marin.
J’ai levé les yeux d’un reportage que je lisais sur le naufrage du Lusitania en 1915 et je les ai vus monter l’escalier du restau- rant. 1 198 passagers de ce navire battant pavillon britannique étaient morts. Le vieillard et la femme paraissaient des rescapés de la catastrophe.
L’endroit était un moderne self-service avec des panneaux annonçant diverses formules de menus, garnitures et supplé- ments. Ils se sont dirigés vers une table près de l’étagère des serviettes et des dosettes d’assaisonnement. La femme portait deux sacs remplis de vêtements. Des sacs lourds, comme pour un déménagement. Je me suis efforcé de revenir à la lecture de mon supplément dominical, car ce que j’observais n’était pas de mon ressort. Celui qui avait ordonné de tirer sur le Lusi- tania, lisais-je, n’avait pas tenu compte des cruiser rules, ces règles de navigation imposant de débarquer les passagers d’un navire civil avant de le couler. Mais plus tard allaient venir les batailles de la Marne, de la Somme et des lacs de Mazurie.
J’ai regardé de nouveau ces naufragés fraîchement arrivés, je ne pouvais pas m’en empêcher. L’homme s’est assis, ou plus exactement laissé choir sur la chaise. D’innombrables douleurs rhumatismales devaient le tourmenter. La femme l’a un peu redressé car il était incliné dans une position dangereuse.
Comme ce n’était pas mon affaire, j’ai repris ma lecture. J’ai parcouru un article sur la taxe Tobin, dont seul le titre m’intéressait, tourné plusieurs pages et me suis arrêté sur une publicité. Au-dessus d’une hanche féminine, un Pentax digital. J’aimerais bien être à la plage en ce moment. Mais c’est impossible, nous sommes un dimanche de septembre, je suis à mille cent kilomètres de chez moi et personne ne regarde personne. Moi si, j’observe du coin de l’œil, j’observe tout : les deux Rescapés du Lusitania ont ouvert les boîtes du repas, de petites boîtes pour enfants, c’est la femme qui doit le faire, parce que lui n’y arrive pas. Peut-être est-ce l’anniversaire de l’un des deux qu’ils sont venus fêter ici. Le restaurant est situé sur l’avenue la plus célèbre du pays. Le pays, c’est la France. Et les baies vitrées offrent une vue qui doit être considérée comme un luxe et un privilège.
L’homme penche à nouveau. Mais, comme elle avait dû le faire souvent ce jour-là, elle le redresse pour qu’il ne tombe pas. Elle écarte les cheveux qui couvrent son visage.
J’avais besoin de serviettes, prétexte pour passer près d’eux. C’est là que j’ai tout vu. L’homme pouvait à peine mastiquer, et je crois même qu’il ne mangeait pas.
Il y avait en effet des vêtements dans les sacs. Je l’ai vu nettement.
De retour à ma table, j’ai étalé les suppléments domini- caux en éventail comme si j’allais rester longtemps dans ce self-service, qui m’a paru soudain un endroit accueillant, presque familial. J’ai encore jeté un coup d’œil. Le costume de l’homme était trop grand. La veste lui allait peut-être bien il y a quelques années, mais plus maintenant.
Elle se lève. Secoue les miettes de son chemisier. Pose les restes du repas sur le plateau avec la parcimonie de quelqu’un qui veut bien faire les choses, se lève et jette le tout dans une poubelle. Elle revient vers l’homme. Se penche un peu vers lui, comme si elle allait lui dire quelque chose à l’oreille, mais elle se ravise et se contente de replier le col de sa chemise qui était relevé sur la nuque. Elle lui donne un baiser sur le front, lui caresse le visage, un autre baiser, puis elle s’en va. Elle est partie.
La femme était partie, laissant le Rescapé du Lusitania dans le self-service avec deux sacs de vêtements. Dix minutes plus tard, elle n’était pas revenue. Un quart d’heure après, non plus, et même une demi-heure. Aussi, comme l’homme risquait de tomber de sa chaise, j’ai dû m’approcher et le rasseoir de manière stable. Le voir dans cette posture me faisait souffrir, lui ai-je dit de ma voix la plus conciliante.
Le Rescapé du Lusitania n’a pas répondu. Il m’a regardé comme quelqu’un qui ne comprend pas. D’un geste, il m’a demandé de quoi écrire, ou c’est ce qu’il m’a semblé, je lui ai donné une serviette en papier, écrivez ce que vous voulez, je lui ai dit, du moins si vous ne pouvez pas parler, si ça vous fatigue, on se comprendra par écrit. Prenez aussi mon stylo- bille. Mais l’homme a haussé les épaules et n’a plus voulu écrire.
Je l’ai aidé à se redresser. Ainsi, pendant que je reprenais mes affaires pour partir, il ne tomberait pas de sa chaise. Ensuite, il y aurait bien quelqu’un pour s’occuper de lui. Mais en descendant l’escalier, j’ai croisé un employé et pensé qu’après tout, cela ne me coûtait pas grand-chose de prévenir.
Je lui ai dit, regardez cet homme. Occupez-vous de lui, on l’a laissé seul.
L’homme de Pripiat se réfugiait dans la cabine des autos tamponneuses. Il rangeait les jetons par couleurs, certains après-midi il tuait des serpents avec une poêle. Il portait deux manteaux l’un sur l’autre et en avait un autre en réserve.
La cabine de l’attraction foraine était plus sûre qu’un appartement, car dans les cours des maisons les jardins et le palais omnisports Tchemigov rôdaient des chiens errants. Ils flairaient dans les coins et montaient par les escaliers. Et comme il n’y avait plus de portes, parce qu’on les avait enlevées, ils entraient partout. Des chiens efflanqués, souillés de boue, certains avaient les pattes pelées et saignaient.
C’était arrivé dans les autos tamponneuses. L’homme de Pripiat avait inventé un système donnant l’impression que les autos se déplaçaient toutes seules, et après il suffisait de crier bienvenue à l’électricité, vive la vie, qu’elle revienne, le pire est passé. Il avait pris des poulies dans un dépôt et de longues cordes, il voulait profiter du gel et de la piste glissante. Il passa les cordes derrière la rambarde et attacha un câble au volant de chaque auto tamponneuse.