Publication : 08/09/2011
Pages : 240
Grand Format
ISBN : 978-2-86424-735-7

L'Offense

Francesco DE FILIPPO

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20 €
Titre original : Sfregio
Langue originale : Italien
Traduit par : Serge Quadruppani

Peut-on gagner sa vie sans être mafieux quand on naît dans les quartiers populaires de Naples ? À 21 ans, Gennaro le voudrait bien. Mais le voilà convoqué par don Rafele, le parrain du quartier – et pas seulement du quartier, comme le garçon va le découvrir. Placé sous la surveillance de Paolino, l’effroyable colosse aux baroques pulsions, il connaîtra de près, dans leurs hideux détails, les trafics mondiaux de drogues, d’armes, d’êtres humains. Sa route croise celle d’agitateurs camorristes au service du maire, d’une tribu africaine avec son roi et son lion régnant sur les souterrains de la ville, d’une putain sud-américaine miraculeusement pure, d’une mère écrasée par l’élimination de son jeune enfant qui a vu ce qu’il ne devait pas voir.
Gennaro se détache de sa femme et de ses deux enfants, et, quand éclate la guerre des clans, le gamin des rues, l’as des virées en scooter se transforme…
Servi par la riche et savoureuse langue du petit peuple napolitain, ce récit nous plonge dans les entrailles noires du Système planétaire, avant de nous amener sur les toits d’une des plus belles cités du monde, d’où Gennaro cherchera la possibilité de la rédemption.

  • « Comment t’en sortir à Naples, quand tu t’appelles Gennaro, 21 ans à peine, que tu es paralysé par la peur au milieu d’une guerre de clans qui ne te concerne pas, que tu ne sais comment faire pour qu’une lumière te purifie du dedans et libère autre chose que la culpabilité, l’horreur ou la mort ? A quoi donc elle peut servir, ta vie aux barreaux invisibles, loin de ta femme Pamela et de vos deux minots prêts à embarquer pour l’Argentine ? Davantage qu’un polar, la radiographie effrayante d’une certaine réalité napolitaine. »

    Claude Amstutz
    Payot (Nyon (Suisse))
  • « Gennaro se débrouille. Au besoin il magouille, il rend service. Gennaro veut seulement être un bon père pour ses enfants et puis il y a Pamela, sa femme. Ils sont bien ensemble. Lorsque l'on a 21 ans certaines choses de la vie nous échappent encore. Le monde de Gennaro lui échappe. Il n'est pas bête, non, il sait où il vit : Naples, le quartier, la Camorra et don Rafele, le parrain. Non, il n'est pas bête Gennaro. Un petit service de temps en temps, cela n'engage à rien et l'argent rentre. Mais Gennaro ne comprend pas tout. Du moins, pas tout de suite. Son «parrain» qui règne bien au-delà du quartier, l'ampleur que prend le trafic de drogue, le port qui est un grand marché aux missiles, les souterrains de Naples qui regorgent de lions affamés, les prostituées que l'on ne peut aimer. Alors viendra le moment où il s'apercevra que rendre service à la Camorra vous lie jusqu'à la mort, que la Finlande n'est pas assez loin pour fuir, que les morts pleuvent en pleine guerre des clans. Il verra, il sentira, il goûtera toute la noirceur de Naples et ayant beau pleurer comme un minot sous les étoiles attristées, la culpabilité lui collera à la peau telle l'écriture de Francesco De Filippo (si bien servie par la traduction de Serge Quadruppani !), indissociable de son récit. L'emploi du dialecte napolitain, l'usage du monologue intérieur, enferment un peu plus Gennaro dans cette ville sacrifiée dont la violence et la folie semblent ne devoir jamais s'arrêter. A l'image de ce personnage qui ne peut fuir, nous sommes sans cesse rattrapés par la langue, par ces mots qui nous encordent au bord de l'abîme. »

    Joël Gastellier
    LIBRAIRIE L’ÉTOILE POLAR (Nantes)
  • « Réquisitionné par la Camorra, Gennaro subit ses nouvelles fonctions entre dégoût et terreur. Excellent roman à l'ambiance pesante et violente. En le refermant, on espère que c'est vraiment une fiction !!! »

    Claire
    Fnac (Grenoble Victor-Hugo)
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    « Le journal du samedi »
    RSR
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    Mikaël Demets
    L’ACCOUDOIR
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    Michel Thibaut
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    Mikaël Demets
    L’ACCOUDOIR.COM
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    Benjamin Berton
    FLUCTUAT.NET
  • « Un roman d’une rare puissance. »
    Alain Bandry
    LE PATRIOTE
  • «A quoi donc elle peut servir, ta vie aux barreaux invisibles, loin de ta femme Pamela et de vos deux minots prêts à embarquer pour l’Argentine ? Davantage qu’un polar, la radiographie effrayante d’une certaine réalité napolitaine.»
    Claude Amstutz
    SELECTION PAYOT
  • « Puissant roman. »
    Christophe Laurent
    VAR MATIN
  • « L’Offense est donc un roman on ne peut plus contemporain, doublé d’une puissante œuvre littéraire.»
    Olivier Van Vaerenbergh
    FOCUS VIF
  • « Journaliste et napolitain, Francesco de Filippo a opté pour une fiction noire, brutale, narrée à la première personne, afin d’accompagner la descente aux enfers de Gennaro. »
    Christine Ferniot
    TÉLÉRAMA
  • « Un livre grand, à la fois beau et monstrueux, déjà primé par le festival Paris noir. »
    Julie Malaure
    LE POINT
  • « Tout y est : la violence, le bling-bling, l’étalage hollywoodien de la richesse. Tout ce qui fascine Gennarino, un jeune prolo napolitain qui ne sait pas que, sous ces merveilles, se cache la Camorra. D’où son récit halluciné d’initiation à la vie, ou plutôt à la mort. »
    Marcelle Padovani
    LE NOUVEL OBSERVATEUR
  • « Roman noir par excellence, âpre, parfois insoutenable, qui décrit le parcours chaotique d’un type choisi par un cacique pour occuper une fonction au sein de la Camora et qui ne peut échapper à l’escalade de sa propre déchéance. La rédemption est difficile, amère. »
    François Joly
    L'ESSOR DE L'ISERE

AGORA FM, « La Noir’Rôde » émission du 2 novembre 2011

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GENNARINO

Moi, je ne travaille pas. Je m’en sors.
Dans le sens que je n’ai pas un travail de bureau que j’entre, disons comme ça, à huit heures vingt et que je finis à une heure un quart et puis je reprends à deux heures et demie et je sors à cinq heures vingt-cinq. Non, moi je fais aut’e chose, même si peut-être je travaille plus que quelqu’un qui fait un horaire, disons comme ça, normal. Peut-être même que c’est plus dur, passque celui qui fait un horaire normal, quand il n’est pas au bureau, il peut s’en foutre régulièrement de n’importe quelle question de travail, alors que moi, je suis toujours llà, toujours à disposition. Quand il le faut, moi, j’y va, je fonce?: que ça soit à Milan, à la mmer, à New York ou chez moi.
“Mais toi, t’as le couvert assuré”, m’a dit Peppino Sangsue, qu’est un cousin lointain à ma femme, qu’a trois familles, huit minots et qu’a jamais voulu marner. Vous, vous lui auriez répondu?? Moi, j’y ai pas répondu, qu’est-ce que j’y pouvais répondre?? Çui-là, il est toute la journée à la salle des paris et au bar de Manfredino, à Stella, le quartier, il est là qui achète et vend des faux portables, sans connexion, et des puces clonées pour prendre tous les satellites. Ça peut choper même la télévision australienne, mais, avé ses portables, t’appelles même pas ’o piano ’e sotto, l’étage d’en dessous.
Moi, au contraire, je suis toute la journée à disposition.
Le matin, je me réveille tôt passque j’aime pas que ma femme Pamela, elle ait déjà nettoyé la maison et mené les minots à l’école, et que moi je sois encore au lit. Alors, après qu’elle m’a porté le café, ça oui, dint ’o lieto, dans le lit, je me lève, je vérifie que mon portable est chargé et marche, qu’il n’est pas arrivé des messages, et je me lave bien bien. Si pendant que je bois ’o café, Pamela n’a pas ouvert la fenêtre et qu’elle a encore la chemise de nuit et vient balayer d’abord près de la table de nuit et se plie en avant puis en arrière, alors ça veut dire qu’elle veut faire l’ammour. C’est bon, le matin, je la prends par les hanches, je me l’emmène au lit ou sur une chaise et je me fais une belle sciammerja. Elle se dégage, se tord mais c’est pour faire semblant. Ça lui plaît que je la prenne comme ça, je la vaincs et je l’oblige, je prends le dessus et je me fais faire tout ce que je veux. Passqu’elle, elle aime tout, suffit que je l’oblige.
Bref, sciammerja ou pas sciammerja, je m’habille et me prépare. Je sors le scooter que je gare près du lit, je salue Totore ’o contrebandier, le dernier dans toute la ville qui vend encore ’e Pall Mall vertes, va savoir où il les fabrique, et je me fais un premier tour du quartier. Totore est toujours llà, matin et soir, le visage collé à la vitre qu’on dirait un berger de la crèche, im-mo-bi-le. Tu sors et tu le trouves llà, tu reviens et il est toujours llà, tu te mets à la fenêtre et tu le vois qui te regarde, que tu te dis, mais putain, çui-là, y dort pas, y pisse pas?? il fait même pas la cuisine. Qu’est-ce qu’y fait, y mange pas?? Sa vie est derrière cette vitre, à voir qu’est-ce qui se passe dedans la ruelle Vingt-quatre-mai. Il est devenu comme ça depuis qu’il a eu l’accident avec le bateau à moteur, depuis il peut plus conduire, il doit rester chez lui sans bouger. Qu’est-ce tu peux lui faire faire, à un type que l’hélice, elle lui a tranché les deux jambes??
Mais don Mimì La Spérance le garde quand même. Il l’a fait soigner à ses frais et il lui a dit?: “Guaglio’, mon gars, tu peux pus bouger, reste derrière la fenêtre et si tu vois quelque chose de bizarre, tu m’aviertis. Bref, tu me fais la sentinelle, t’as compris??”
Et Totore avait fait ça, il s’était mis derrière la fenêtre et il avait fait la vigie. Lui, il lui a sauvé la vie à son fils, à don Mimì, il avait sauvé la vie à Ciccillo Maserati – on l’appelait comme ça passqu’il courait toujours – le soir où trois de la bande de Pianura l’attendaient dedans une entrée. Totore les avait vus et il avait appelé, mais don Mimì était pas là, et il avait pas non plus trouvé Stefano, son garde du corps. Alors Totore avait attendu et, quand il entendit la moto de Maserati, il sortit le pistolet et tira deux coups en l’air. Personne savait que Totore ’o contrebandier avait le pistolet. En tout cas, Ciccillo comprit et fit marche arrière, mais les trois de Pianura aussi comprirent et ils tirèrent contre le basso de Totore. Ils le touchèrent pas mais qui sait ce qu’ils lui auraient fait si n’étaient intervenus les fils de ’Ndonettina, qui se trouvaient dans le billard d’à côté et qui arrivèrent en courant avec quatre ou cinq types de la salle de jeu. Les trois de Pianura eurent le temps de s’enfuir, parce que le Quartier était en train de se fermer et s’ils restaient dedans, ça chauffait pour eux?: d’abord, ils les faisaient parler et ensuite ils les mangeaient en petits morceaux.
C’était une autre époque, don Mimì La Spérance lui augmenta la mensualité et, chaque semaine, il lui envoyait chez lui Fiorella, la putain la plus belle qu’il avait, et elle restait toute la nuit dedans le basso, elle s’en allait au matin et Totore ’o contrebandier, mon cul que tu le voyais à la fenêtre le lendemain. Celle-là, elle le suçait à fond qu’elle lui laissait pas une ’tincelle de force. Le lendemain seulement on le revoyait, avec une sombre tronche d’enterrement toute défaite et des cernes bleuâtres. Mais il était heureux?: tu lui disais bonjour et, lui, il levait le menton.
Et puis, don Mimì La Spérance, les types de la bande de Materdei l’ont buté, Fiorella on l’a plus revue, si même elle est encore vivante, et Totore ’o contrebandier est resté llà, derrière la vitre. Maintenant, y doit avoir plus de soixante ans et ça fait vingt ans qu’y te répond plus quand tu lui dis bonjour. Mais gare à toi si au moins tu croises pas son regard, y se met en colère et, toutes les fois que tu passes, il te regarde fixement comme un vautour. Sûr qu’y te balance aussi quelque blasphème.
En tout cas, même si je passe cent fois par jour, à chaque coup je le regarde et de temps en temps je lui fais même un signe.
Bref, le matin, je prends ce putain de scooter et la première chose que je fais, je passe chez Paolino Sansvergogne. Je ralentis et je klaxonne quand j’arrive devant, si personne met la tête à la fenêtre et crie, alors je continue et je m’en vais à mes affaires?: c’est comme si je pointais.
Va le lui expliquer, à Peppino Sangsue. Moi je suis toujours dedans ’o Quartier, mais si je vais dehors, la veille, ou mieux encore deux jours avant, je passe devant chez Paolino bien cinq ou six fois jusqu’à ce que Tonino se mette à la fenêtre avec sa grosse tronche de garde du corps et le regard très mauvais et lui aussi, il parle pas, il lève le menton d’un air interrogatif, comme pour dire?: “Che bbuo’, qu’esse tu veux??”, et il regarde autour de lui d’un air soupçonneux. Moi, je m’approche et, à mi-voix, je lui dis?: “Demain, je suis pas là”, ou bien, je sais pas, “Je pars une semaine”. Et lui, selon ce que je lui ai dit, il me balance?: “Et va te faire foutre?!” ou “Garde le portable allumé?!”, et il rentre sa tronche.
Peppino Sangsue, beuaark ! moi, la journée, je me la gagne à la sueur de mon front. Pas comme lui qu’une fois sur deux il doit partir en courant quand y’a quelqu’un qui revient pour le dérouiller parce qu’il l’a arnaqué. Qu’ils lui démontent la tronche, on s’en branle.

Francesco De Filippo est né à Naples en 1960. Il est journaliste à l’agence Ansa et vit à Rome. Il est l'auteur de cinq romans.

Bibliographie