Publication : 07/03/2013
Pages : 250
Grand Format
ISBN : 978-2-86424-906-1
Couverture HD

Plats du jour

Sur l’idée de nouveauté en cuisine

Bénédict BEAUGE

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18 €

Aujourd’hui encore la plus grande partie de l’humanité ne se soucie pas de nouveauté culinaire. Bien au contraire, l’idée même de ne pas rattacher à la tradition cet acte si fondamental et symbolique peut paraître inconcevable. Pur produit de la civilisation occidentale, de cette conscience individuelle qui se manifeste à partir de la Renaissance et des mécanismes de distinction et d’imitation qui lui sont liés, cette notion n’a même concerné qu’une frange de la population jusqu’à récemment. Elle a donc une histoire. Ce qui ne laisse pas d’étonner quand on constate comme elle est aujourd’hui inhérente à nos comportements alimentaires, en particulier lorsqu’ils sont chargés de connotations esthétisantes ou hédonistes, multipliées par la surmédiatisation actuelle de la cuisine.
Cette histoire débute en France, au milieu du XVIIe siècle.
Le livre se divise en trois parties : la première, historique, et la deuxième, sociologique, couvrent la période allant de l’origine — 1651, date de publication du Cuisinier François de François Pierre La Varenne — jusqu’à la consécration de la Nouvelle Cuisine par Gault et Millau en 1973, qui ont constitué l’une et l’autre des ruptures décisives. Ces deux parties parlent en premier lieu de ce qui se passe en France, celle-ci occupant alors une place prépondérante dans ce domaine. La troisième partie traite de ce qui se passe dans l’univers de la cuisine depuis cette date, dans un contexte désormais globalisé. La cuisine devient, dès le début du XVIIIe siècle, objet de spéculations intellectuelles qui l’entraînent sur le terrain de l’esthétique, discipline qui naît au même moment. Le restaurant lui offre un lieu où peut se former un public. Le XIXe siècle, quant à lui, voit apparaître la notion du cuisinier créateur qui s’épanouit à partir de l’entre-deux guerres et triomphe avec la Nouvelle Cuisine. Libérant les cuisiniers de toute référence à une quelconque tradition et les sommant d’être inventifs, elle est avec la globalisation, la cause principale du développement mondial de la cuisine et de l’apparition, ici et là, de grandes cuisines nationales. Aujourd’hui, le débat autour de la cuisine semble se réduire bien souvent à des questions d’esthétique. En ce sens, le courant moderniste, incarné par ce que l’on a appelé « cuisine moléculaire », a accentué cette tendance. Il est à craindre qu’une esthétisation galopante vienne à bout de toute réflexion approfondie sur la perception gustative.
Est-ce la fin de la gourmandise ? Certaines transformations récentes du restaurant tendent à le faire croire. Les revendications pour plus de convivialité, sous la forme de pratiques nouvelles de celui-ci, la « bistronomie » entre autres, semblent le confirmer.Il paraît urgent de retrouver un équilibre : face à un cuisinier devenu omniprésent et quelque peu autocrate, les « gastronomes » doivent s’interroger sur leurs pratiques, afin de mieux percer les secrets de leur gourmandise et pouvoir, alors, revendiquer celle-ci bien fort.

  • « De cette idée de nouveauté en cuisine, Bénédict Beaugé tire un Plat du jour, bel essai nourrissant de plus de 300 pages. » ¨Plus d'infos ici.
    Marie-Hélène Massé
    BLOG Mardi ça fait désordre
  • « Ces Plats du jour sont servis sans quadrichromie ni papier glacé, à la seule force des mots et des idées qui animent leur auteur, Bénédict Beaugé. Ce garçon, qui n’est pas un perdreau de l’année – et dieu sait s’il sait les cuisiner – fait partie des rares personnes suffisamment averties des choses de la gastronomie d’hier et d’aujourd’hui capable d’en donner une vision globale, contemporaine et pertinente, nourrie à de multiples sources. » Lire l'article entier ici.
    JP Géné
    Le Magazine du Monde
  • « La modernité est une vieille histoire. » Lire l'article entier ici.
    Entretien avec Luc Dubanchet dans Omnivore Magazine
  • Chronique par Sébastion Demorand dans l’émission « Le Supplément » sur Canal +
  • Plus d'infos ici.
    Interview de Bénédict Beaugé par Monique Atlan dans l’émission « Dans quelle éta-gère » sur France 2
  • Plus d'infos ici.
    Chroniqué par Elvira Masson dans l’émission « On va déguster » sur France Inter
  • Chroniqué par Sébastien Demorand dans l’émission « Maison cuisine jardin » sur RTL
  • « Plus sérieux, l’ouvrage de Bénédict Beaugé entend faire un point historique et culturel sur l’idée de nouveauté en cuisine. En quittant dès le XVIIIe siècle sa seule dimension nutritive, la cuisine a rapidement basculé dans le champ du culturel et sur le terrain de l’esthétique. Dès lors, la nouveauté est devenue un enjeu essentiel. »
    Laurent Séminel
    GASTRONOMIE MAGAZINE
  • Plus d'infos ici.
    interview de Bénédict Beaugé par Stéphane Dubreil
    Atabula.com
  • « L’ouvrage de Bénédict Beaugé est à lire, tout autant pour s’instruire que pour s’interroger. » Plus d'infos ici.
    Blog « Stylo et fourchette : chroniques gourmandes »
  • dans l’émission de Franck Ferrand « Au cœur de l’histoire ».
    Europe 1
  • chroniqué par Philippe Vallet
    France Info
  • Plus d'infos ici.
    dans l’émission de Jean Lebrun « La marche de l’histoire ».
    France Inter

une idée pas si nouvelle que ça ?

Tous les ans nouvelle cuisine,
Car tous les ans changent les goûts ;
Et tous les jours nouveaux ragoûts ;
Soyez donc chimiste, Justine.

La cuisine semble, aujourd’hui, susciter un intérêt planétaire : des pays autrefois peu suspects de gourmandise s’avèrent en être devenus des consommateurs frénétiques, d’autres, qui semblaient voués à des nourritures plutôt rustiques, jettent les traditions par-dessus les moulins et deviennent les militants d’une avant-garde que certains souhaiteraient révolutionnaire, d’autres encore, qui peuvent s’enorgueillir d’un héritage quelquefois encombrant, ne savent que faire pour donner un coup de jeune à celui-ci et paraître toujours à la page. Et si cet engouement ne se manifestait seulement que dans les cercles d’initiés, les médias spécialisés… il semble, au contraire, tout contaminer : les pages ou les émissions économiques, les rubriques consacrées aux faits de société, les sommaires des magazines et les grilles des programmes de la télévision, sans parler d’Internet où blogs et sites consacrés à la cuisine ou à la gastronomie constituent un secteur florissant. Cet univers qui, pendant longtemps, a cultivé une image pondérée, voire conservatrice, semble tout à coup pris d’un irrépressible besoin de nouveauté et d’innovations. Comment en est-on arrivé là ?
Jean-François Revel, dans Un festin en paroles, une “histoire littéraire de la sensibilité gastronomique” [1979], nous alertait déjà : “La grande cuisine est par vocation une cuisine ouverte, par opposition à la cuisine close fondée sur l’esprit régionaliste. La première est condamnée à inventer, à chercher du neuf, la seconde est tenue au contraire de conserver ce que les siècles ont sécrété pour le meilleur et pour le pire.” Son avis peut paraître plutôt rapide quant à la cuisine “fondée sur l’esprit régionaliste” : l’histoire nous montre, en effet, que cette cuisine régionale est elle-même susceptible d’évolution et, en particulier, sujette aux métissages – ce qu’il reconnaît d’ailleurs un peu plus loin, mais l’important, ici, reste qu’il ait souligné, au moins pour la France, ce caractère de la grande cuisine, “condamnée à inventer”. Pour l’immense majorité de nos semblables, cette question ne se pose pas : la nouveauté est une idée neuve en cuisine. Ce qui est tout à fait relatif : avérée dès la naissance de la cuisine française moderne dans le courant du XVIIe siècle, cette vocation n’a fait que se confirmer dans les siècles suivants, avec quelques étapes marquantes, qu’il s’agisse de l’œuvre de Carême, de la naissance du restaurant, de l’apparition de la critique gastronomique ou d’une nouvelle manière de servir, ou encore des différents bouleversements que la cuisine a pu connaître au cours du XXe siècle, des croisades régionalistes à la Nouvelle Cuisine selon Gault et Millau, pour aboutir désormais à la cuisine globalisée que l’on connaît.
Pourtant, cette exigence de nouveauté n’a pas été la même tout au long de cette histoire ou, plus exactement, elle a recouvert divers changements de nature de la cuisine : si cette nouveauté, quelles que soient les formes qu’elle ait pu prendre, a conservé longtemps le même statut, des origines à la Nouvelle Cuisine, celui-ci a changé radicalement avec cette dernière et, plus encore, avec la globalisation qui est celle que nous connaissons aujourd’hui, dans ce domaine comme ailleurs.
Le rôle prépondérant joué sur la scène internationale par la cuisine française pendant plus de deux siècles et jusqu’à récemment justifie la place qui lui est accordée dans une bonne partie de ce qui va suivre. En aucun cas, cependant, cette prééminence ne doit être mise sur le compte d’un quelconque chauvinisme : au contraire, on y verra comment, au cours des trois dernières décennies, se sont constituées différentes hautes cuisines nationales – de l’Italie aux États-Unis, de l’Espagne à l’Australie, en passant par la Grande-Bretagne, les pays scandinaves ou la Slovénie – et comment celles-ci ont, à leur tour, conquis leur autonomie. Le rapport à la nouveauté, dans les cultures non occidentales, est extrêmement différent du nôtre, aussi cette question de l’innovation culinaire n’apparaît pas de la même façon – quoique, depuis quelques années, elle s’y fasse jour aussi, dans des termes qui s’en rapprochent.
Mais, en définitive, qu’est-ce donc que la nouveauté en cuisine ? La réponse n’est pas univoque… En effet, elle semble pouvoir être abordée de deux façons, suivant que l’on se place du point de vue du praticien, de celui qui produit, ou bien du point de vue du mangeur, de celui qui consomme. La première pourrait être qualifiée de technique, la seconde de socioculturelle. Bien évidemment, l’une et l’autre recouvrent un certain nombre de sous-catégories et peuvent interférer l’une sur l’autre, ce qui arrive souvent, mais pas forcément de manière bien synchrone.
Dans une histoire de la mode parue au début des années 1980, Bruno du Roselle faisait la distinction entre l’histoire de celle-ci proprement dite et celle du costume. Le même distinguo peut avoir cours ici, si ce n’est que l’on se retrouve confronté à la polysémie de certains mots dans la langue française, particulièrement frappante d’ailleurs dans le domaine du goût : alors qu’en anglais il existe différents mots pour parler de cuisine (food, cooking, cuisine… sans parler de kitchen), en français nous n’avons que celui-là ou alors d’autres trop particuliers, tels que recettes, techniques, etc. On aurait ainsi une histoire des recettes et de la technique culinaire, et une autre qui serait plutôt celle des ruptures, des prises de conscience et des regards portés sur cet “art”.
Pour ces différentes raisons, il peut être intéressant de chercher à comprendre ce qu’a pu recouvrir ce concept de nouveauté qualifiée ci-dessus, de manière assez vague, de “technique”, puis de se pencher sur son aspect “socioculturel”, qui, lui aussi, présente bien des facettes. Mais un exemple peut rendre plus clair ce concept même, selon qu’il est observé à travers l’un ou l’autre prisme. Lorsqu’on parle de nouveauté en cuisine, on imagine spontanément un plat qui n’a jamais existé, qui n’a été goûté par quiconque auparavant. Comme le dit encore Revel à propos du rapport entre patrons et cuisiniers au XVIIIe siècle : “Un cuisinier c’est un homme capable d’inventer ce que l’on n’a pas encore mangé chez les autres.” Or la cuisine dispose de quatre leviers pour aboutir à cela, qui correspondent à ses quatre actions fondamentales – choisir, cuire, assaisonner, assembler –, et chacun à son tour peut être facteur de nouveauté et conférer ce caractère à un plat : choisir et assaisonner, en introduisant des produits inconnus ou inusités jusqu’alors, cuire et assembler, en le faisant avec de nouvelles techniques, tandis qu’assaisonner et assembler, en traduisant le génie propre du cuisinier. Pendant des décennies d’ailleurs, la nouveauté culinaire s’est le plus souvent cantonnée à ce dernier type d’innovation : les produits inconnus, les techniques révolutionnaires n’étant pas si fréquents, l’innovation était surtout combinatoire. Mais reportons-nous presque deux siècles en arrière : ce même plat, servi à la française ou à la russe , à la table d’un prince ou dans un restaurant, n’était plus le même, le service à la russe, c’est-à-dire suivant un ordre successif, et non plus simultané, sa présence sur une carte lui apportait une dimension nouvelle avant même de le modifier d’un point de vue technique (ce qui n’a pas manqué d’arriver d’ailleurs). On le voit donc, un plat peut être véritablement innovant, mais la manière de l’offrir ou de le consommer peut l’être tout autant, lui conférant une dimension inédite, celle de la relation qui s’établit entre le cuisinier et son – faut-il l’appeler ainsi ? – “public”.
Dans un premier temps, il nous semble donc pertinent d’étudier ce phénomène de l’innovation culinaire sous l’angle d’une certaine parenté avec celui de la mode. Auguste Escoffier, le grand cuisinier réformateur de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, soulignait d’ailleurs cette parenté dans l’une des préfaces de son Guide culinaire : “Alors que tout se modifie et se transforme, il serait absurde de prétendre fixer les destinées d’un art qui relève par tant de côtés de la mode, et est instable comme elle.” Comment, donc, dans l’univers de la gourmandise, s’est mise en place et développée une demande de renouvellement de plus en plus exigeante, et en quoi celle-ci induit des réactions similaires dans un domaine comme dans l’autre de la part de leurs acteurs respectifs. Si un grand nombre des recettes encore présentes aujourd’hui dans les livres de cuisine ont été mises au point, à très peu près, dès la deuxième moitié du XVIIe siècle, innovations techniques, innovations formelles se sont cependant succédé à un rythme soutenu, bouleversant en profondeur la cuisine elle-même, de la même façon que le vêtement a connu des transformations radicales alors que certaines de ses pièces, les gants par exemple, ont traversé les siècles quasiment sans modification. Cette évidence n’est-elle pas, cependant, trop “évidente” ?
Dans une deuxième partie, la cuisine sera envisagée du point de vue de la conquête de son autonomie. La quête de nouveauté est sans doute l’un des facteurs principaux de cette dernière. Cette évolution se poursuit tout au long des trois siècles qui séparent Le Cuisinier françois de la Nouvelle Cuisine selon Gault et Millau. Si la création culinaire proprement dite est le déclencheur de cette transformation et l’accompagne, elle est soutenue au cours de celle-ci par un certain nombre de phénomènes qui lui sont intimement associés et relèvent, eux aussi, de ce désir de changement : une approche théorique originale de la cuisine, une démocratisation de cette dernière, la conquête par les cuisiniers de leur indépendance, enfin. Le premier de ces phénomènes concerne la pensée réflexive : les premiers cuisiniers se revendiquant français, s’emparant du pouvoir, timidement d’abord, face aux maîtres d’hôtel alors tout-puissants, s’affirment en publiant des livres ; ce faisant, ils inscrivent leur pratique dans un registre intellectuel qui n’était pas le sien, et enclenchent un mouvement émancipatoire qui concerne aussi tous leurs confrères. Il s’agira donc de l’étudier tant du point de vue de celui qui pose ces nouvelles bases théoriques que de celui qui s’y trouve confronté. D’autre part, en faisant de la cuisine un enjeu social, le système curial mis en place par Louis XIV suscite tout à la fois la naissance d’une “haute” cuisine et un engouement pour la table qui ne se dément plus, même aux heures les plus sombres de l’histoire nationale, poussant d’ailleurs tout ce que le pays compte de têtes pensantes à s’interroger sur le contenu des casseroles. Cette deuxième voie est celle de la démocratisation : si cette nouvelle cuisine française naît à la Cour, le fait qu’elle soit dès son origine un élément du paraître social et qu’elle ait son pendant à la Ville, en particulier dans une classe bourgeoise qui détient le pouvoir économique, l’inscrit dans le mouvement général vers une démocratisation toujours plus grande (suivant, d’ailleurs, en cela un chemin strictement parallèle à celui de la mode). Cette démocratisation se traduit de différentes façons : simplifications successives, institutions telles que le restaurant ou la critique gastronomique, assurant une médiation entre grand public et grande cuisine, et pour finir une médiatisation généralisée. La troisième voie de la conquête de son autonomie par la cuisine est celle de l’indépendance des cuisiniers : du statut de domestique, c’est-à-dire jusqu’à récemment pas grand-chose, voire celui de citoyen au rabais, le cuisinier devient peu à peu auteur et créateur. Très vite, les plus brillants représentants de la profession revendiquent le statut d’artistes et s’affirment en tant que tels. Sébastien Mercier peut ainsi déjà affirmer à la fin du XVIIIe siècle : “Peu s’en faut aujourd’hui qu’un cuisinier ne prenne le titre d’artiste en cuisine.” Ces trois axes structurent cette deuxième partie dans laquelle nous verrons comment, en les suivant, la cuisine parvient à inverser complètement son statut, passant d’un rôle bassement fonctionnel – au pire, flatter notre gloutonnerie, au mieux, nous maintenir en bonne santé – à celui de fait culturel marquant, voire de pratique esthétique.
Dans une troisième partie, enfin, nous nous intéresserons à la forme que revêt cette nouveauté aujourd’hui, dans un univers globalisé où la cuisine prend une importance inattendue. Selon que l’innovation s’inscrit dans l’une ou l’autre des tendances qui traversent cette dernière actuellement, elle pourra changer d’aspect. Depuis le début du millénaire a surgi ce qui peut être considéré comme un formidable indicateur du buzz gastronomique mondial. Il s’agit du World’s 50 Best Restaurants Awards (alias “W50”), lancé par le magazine professionnel anglais Restaurant. Très controversé d’un point de vue déontologique, le palmarès en question fonctionne plutôt bien du point de vue “mode”. Ainsi, au cours de ses dix premières éditions, à l’échelle mondiale, des tendances se sont dessinées, ont évolué. Certaines ont disparu, d’autres se sont renforcées. Cette géographie mouvante sera abordée dans le deuxième chapitre après un rapide état des lieux. Dans le troisième, nous nous pencherons plutôt sur ce que ne dit pas la compétition de Restaurant mais qui apparaît, malgré tout, dès que l’on creuse un peu, tissant une sorte de réseau invisible entre toutes ces adresses : il ne s’agit plus alors de ce qui est donné à manger, mais, davantage, de la manière dont cela est proposé et de cette frénésie culinaire qui semble s’être emparée d’une partie de la planète. Enfin, dans un dernier chapitre, il sera question de ce phénomène devenu une sorte de caractéristique de l’hypermodernité : l’esthétisation. Il a cependant une longue histoire dans la cuisine. Ce dernier chapitre, enfin, pourrait aussi s’intituler “Le monde à l’envers” : il n’est pas rare, en effet, d’assister aujourd’hui à une sorte d’inversion, non pas des valeurs, mais du sens. Le restaurant est devenu ainsi une sorte d’anti-restaurant – si l’on se réfère à tout ce qui a constitué son originalité jusqu’au dernier quart du XXe siècle –, le vieux peut incarner le neuf, l’histoire se dilue dans une sorte de présent permanent. Ces différents phénomènes, qui sont les conséquences du caractère éphémère pris par cette “haute” cuisine et son autonomisation de plus en plus grande, tissent de nombreux liens entre eux, donnant à l’univers de la cuisine une coloration tout à fait nouvelle et à sa pratique des formes inattendues.

Après des études d’architecture à Zürich et à Paris, Bénédict BEAUGE se consacre durant un temps aux décors de cinéma. A partir de 1990, il collabore à différents journaux et magazines pour les rubriques cuisine et gastronomie. Il organise par ailleurs des manifestations gastronomiques un peu partout dans le monde et anime des séminaires sur l’écriture gastronomique sur le thème du restaurant ou sur l’histoire de la gastronomie. Il crée en 1997 l’un des premiers sites gastronomiques français, www.miam-miam.com.
Il est l’auteur de nombreux livres, entre autres : L’Atelier d’Alain Senderens, Hachette, 1997, L’Atelier d’Alain Ducasse, Hachette, 1998, Aventures de la cuisine française, une histoire de la cuisine française contemporaine de 1945 à nos jours, Nil Editions, 1999, Rosbifs !, L’histoire des relations franco-anglaises au travers de la viande de bœuf, Textuel, 2006, Michel Troisgros et l’Italie, en collaboration avec Michel Troisgros, Glénat, 2009.

Bibliographie