Un blockbuster littéraire entre Orwell et Jurassic Park.
Au cœur de l’Amazonie, dans les années 80, un industriel admirateur de Walt Disney décide de construire Tupinilândia, un parc d’attractions consacré au Brésil. Mais le jour de l’inauguration, rien ne se passe comme prévu. Silence radio et télévision.
Trente ans plus tard, un archéologue qui ne cesse de répéter à ses étudiants qu’ils ne seront jamais Indiana Jones revient sur ces lieux et découvre une situation impensable. Commence alors une aventure jouissive où l’auteur renverse les clichés des romans d’aventures et des films d’action avec humour et une imagination foisonnante, tout en réfléchissant sur l’ambiguïté de la nostalgie, l’importance de la mémoire et les dangers du nationalisme.
-
"C’est vraiment génial, très original, mélange des aventuriers de l’arche perdue et Orwell".Alain Broutin
-
"A l'aube des années 80, un entrepreneur décide de construire un parc d'attractions à la gloire du Brésil, en plein cœur de l'Amazonie. Mais le jour de l'inauguration, rien ne se passe comme prévu. Tel est le ticket d'entrée de Tupinilândia, formidable roman d'action, qui convoque à la fois Walt Disney, Georges Orwell et Michael Crichton, et qui nous éclaire sur ce qu'est le Brésil depuis quelques décennies."Christophe Gilquin
-
"Avis aux amateurs de Jules Verne et de romans d’aventures sensationnels : Tupinilândia est fait pour vous ! Ce roman dense, nourri de multiples références à l’histoire du Brésil et de l’Amérique latine, nous transporte à la fois dans nos rêves d’enfants avec ce parc d’attractions incroyable et à la férocité du monde réel. Dans le Brésil des années 1980 qui se démène pour faire tomber la dictature militaire, un gros industriel, Joao Amadeus, fervent adorateur de Walt Disney, réalise son plus gros projet : créer un parc d’attractions gigantesque, aux allures de ville, dans le cœur de la forêt amazonienne. Les travaux sont gigantesques et le programme pharaonique.Toute la première partie du roman nous donne à voir un jeune journaliste qui interroge Joao Amadeus, sur ce projet inédit, mais aussi sur sa jeunesse, sur l’histoire du Brésil, ses rêves et ses espoirs déçus. Nous découvrons avec un plaisir évident ses élucubrations sur le plan du parc, les technologies qu’il compte y implanter et surtout les dessins des manèges tous plus incroyables les uns que les autres : nous y retrouvons un mélange savoureux entre Disneyland et Jurassik Park. Mais le jour de l’inauguration, des militaires prennent d’assaut le parc, font quelques 300 otages. Ces hommes ne veulent pas d’une quelconque évolution dans leur pays, et soutiennent le régime dictatorial. Cet assaut ne fera pas de mort, mais laissera le parc totalement à l’abandon au coeur de la forêt amazonienne.Des années plus tard, un archéologue s’intéressera de près à ce parc et y emmènera un petit groupe pour étudier les archives de cet incroyable projet. Mais, lors d’un voyage dans les vestiges des manèges, ils se rendent tous compte qu’en réalité, les otages et leur descendance sont toujours là, vivent ensemble dans une communauté autogérée. Mais nous ne sommes pas dans une quelconque congrégation hippie, mais au contraire au centre d’un micro régime totalitaire qui fait croire à ses citoyens qu’ils sont le dernier bastion de l’humanité contre le communisme. De surprise en surprise, nos héros réalisent la puissance de l’embrigadement de ces jeunes ; eux ne connaissent pas la civilisation et le monde se limite aux informations qu’on veut bien leur donner.Il est difficile en réalité de résumer ce livre volumineux, tant chaque thème est abouti. À partir des descriptions précises de chaque attraction qui nous plonge chaque fois dans un univers différent et nous conduit à de fines réflexions sur le nationalisme et la nostalgie, l’imagination prolifique de l’auteur tisse un vaste roman plein de personnages attachants et d’événements hautement périlleux, au gré d’une écriture talentueuse et passionnante. Prêts pour l’aventure ? Embarquez !"Ophélie
-
"Quand l'argent et la lutte pour le pouvoir viennent égratigner l'aura d'une nation. Jusqu'où peut-on aller quand on aime son pays ? Un récit haletant, une aventure folle !"Alisée
-
Samir Machado de Machado et Hubert Tézenas étaient les invités de Marlene Alves Pereira samedi 30 janvier dans son émission littéraire « Lusitania » sur Radio Aligre pour parler de Tupinilândia. Ecouter le podcast de l'émission iciMarlene Alves PereiraRadio Aligre - Lusitania
-
"Rêve de milliardaire ou cauchemar, le thème de la cité créée ex-nihilo dans l’espace vierge est exploré en profondeur par l’écrivain brésilien dans son dernier roman. Une fiction très libre où la logique même du parc à thème fait fonctionner le récit."Alain NicolasSite L'Humanité.fr
-
"Un roman d'aventures plein de rebondissements doublé d'un propos d'une totale actualité sur les dangers du nationalisme."Valérie ZerguineFemme actuelle senior
-
"L’auteur brésilien offre au lecteur un tout en un passionnant, entre film à sensation, conte ubuesque et manuel d’histoire."Emilie ThéveninTrends In Riviera
-
"On gage que, dans les pas de l’écrivain Erico Vérissimo (1905-1975) - auquel l’auteur fait constamment référence-, Tupinilândia pourrait s’affirmer comme le grand roman sur le Brésil contemporain. Un livre qui revient sur l’histoire du pays, qui s’acharne à démontrer les mécanismes de la dictature militaire, qui montre comment une société noyée dans le divertissement tient à l’écart toute conscience politique, diluée dans le consumérisme tous azimuts." "C’est un regard aussi tendre qu’implacable que l’écrivain porte sur son pays […] un roman édifiant et spectaculaire, qui se révèle aussi salutaire qu’inquiétant lorsqu’il parvient presque à nous convaincre qu’il s’agit bien de notre "monde d’après" dont il parle finalement." Lire la chronique iciSite Usbek & Rica
-
"Ça se lit vraiment comme un roman d'aventures et la langue est hyperbien. On traverse près d'un siècle d'histoire du Brésil de manière aussi divertissante, haletante qu'un film de Spielberg et on apprend plein de choses sur le pays et sur les grands milliardaires mégalos du monde entier."Audrey Benaïch et Estelle LacosteLa dépêche du midi - La sélection de Gibert
-
"C’est indéniablement un des romans les plus inclassables et les plus intéressants de cette rentrée littéraire." Lire la chronique iciBlog Café Powell
-
"Avec son histoire bien construite, l’originalité de son sujet et le courage de ses personnages, Samir Machado de Machado m’a fait forte impression." Lire la chronique iciBlog Les lubies d'Eole
-
"C’est une très belle surprise littéraire, une très belle découverte. C’est un ouvrage divertissant qui ne manque pas de nous faire réfléchir sur la nostalgie, la mémoire et le nationalisme." "C’est au final un excellent roman qui mérite largement toutes les belles critiques obtenues à sa sortie." Lire la chronique iciBlog Froggy's delight
-
"J’ai adoré me promener dans les allées de ce parc et je vous recommande ce divertissement démesurément incroyable." Lire la chronique iciBlog Fairy Stelphique
-
"Cette lecture fut une réelle bonne surprise !" Lire la chronique iciBlog Les lectures de Marinette
-
"Foisonnant roman d'aventure de plaisante lecture, à l'écriture sobre et efficace."Antoine CormanEtudes
-
"Samir Machado de Machado écrit un récit foisonnant, passionnant, interroge la mémoire du Brésil et ses trous noirs, les silences de l’histoire, le poids du passé, les dangers du nationalisme, de l’autoritarisme, de la dictature, mais sans jamais oublier le rebondissement, la mise en suspension." Lire la chronique iciBlog Julie à mi mots
-
"Samir Machado de Machado nous offre un roman d’aventures foisonnant, flamboyant et trépidant." Lire la chronique iciSite Benzine
-
"Samir Machado de Machado pratique ici le mélange des genres avec brio, entrelaçant les charmes du roman d’aventures et la réflexion politique, parcourant d’une plume parfois un peu trop didactique un siècle d’histoire brésilienne."Hubert ProlongeauTélérama
-
"Un livre qui m’a fait chavirer." Voir le replay de cette émission ici (à partir de 00:42:50)Thomas Auxerre (Librairie L'Amandier)France 2 - Télématin
-
"Palpitant, intelligent, formidable."Béatrice SarrotL'amateur de cigare
-
"Ce roman brasse de nombreux thèmes : la dictature, la nostalgie du nationalisme et du totalitarisme, les années Sida, l’extermination des Indiens (le parc comprend un Musée de la Honte), les atteintes à la forêt amazonienne, l’importance du travail de mémoire (journalisme, écriture de fiction, archéologie) et tant d’autres encore… Tout cela mené de main de maître par l’auteur avec beaucoup d’érudition, de verve et d’humour. Les aventuriers au pays des utopies, une véritable fresque pleine de rebondissements, de bruit et de fureur." Lire la chronique iciSite Encres vagabondes
-
"En jouant le jeu, avec ses figures imposées, du roman d’aventures nord-américain, Samir Machado de Machado en réussit un à la sauce sud-américaine, ce qui ne l’empêche pas de faire éclater le cadre, plus que de le détourner : on est constamment au cœur du parc sans perdre une certaine distance, une saine distance. Le lecteur français devra accepter quelques dizaines de pages, au début, qui situent le contexte historico-politique, très utiles pour l’éclairer mais qui peuvent sembler un peu arides, il ne doit pas lâcher : la récompense est proche et la découverte des merveilles du parc, les actions des personnages, très bien définis, leurs rapports parfois surprenants, risquent seulement de le rendre accro !" Lire la chronique iciBlog America Nostra - Nos Amériques
-
"Tupinilândia fera voyager, rêver plus d’un lecteur et nombreux seront ceux qui seront séduits par une histoire contée avec une réelle passion par un auteur à la plume souvent très belle." Lire la chronique iciSite Nyctalopes
-
"Le bandeau rouge de présentation a raison, le roman est à mi-chemin entre le roman d'aventures pur à la Jurassic park ou Jumanji et le roman politique dystopique tel 1984 de George Orwell." Lire la chronique iciBlog Fragments de lecture
-
"Tupinilândia, grand roman, est un mélange, assez cinématographique dans ses scènes d’actions, de roman d’aventure, de dénonciation politique, de déclaration d’amour de la littérature et du septième art. Ce mélange rend l’œuvre inclassable et nous laisse admiratifs." Lire la chronique iciSite Addict Culture
-
"Ce superbe livre de plus de 500 pages est une mine d’enseignements, un divertissement de haut niveau, un conte, une métaphore, un manuel d’histoire." Lire la chronique iciBlog Evadez-moi
-
"Avec humour et des personnages bien campés, l’auteur s’est fait plaisir en écrivant un vrai-faux divertissement, qui nous parle aussi du danger des extrémismes, du racisme, de l’homosexualité, de la mémoire et de la transmission." Lire la chronique iciBlog Voyages au fil des pages
-
"Avec une imagination débordante, l’auteur s’empare du roman d’aventures pour mieux déconstruire ses clichés. Derrière une fiction à grand spectacle se dévoile une réflexion saisissante sur le nationalisme."Léonard DesbrièresLire Magazine Littéraire
-
Ecouter le podcast de l'émission iciAdriana BrandaoRFI
-
"[…] un vaste roman plein de personnages attachants et d’événements hautement périlleux, au gré d’une écriture talentueuse et passionnante. Prêts pour l’aventure ? Embarquez !"Ophélie DrezetPAGE des libraires
PROLOGUE
Mai 1981
Vous enregistrez déjà ? Par où est-ce que je commence ? Vous savez, il est difficile de définir le commencement, de dire d’où est venue l’étincelle initiale, en vérité il n’existe pas d’étincelle initiale, en tout cas pas pour moi, peut-être pour un artiste. Et je n’en suis pas un, je n’ai pas l’ambition d’être considéré comme un artiste, au mieux je suis un chef d’orchestre, comme Stokowski dans Fantasia. Vous l’avez vu ? Ce n’est pas de votre époque, je ne sais même pas s’il passe encore au cinéma. Ah bon, ils le ressortent ? Tant mieux. Il sera bientôt vendu en bande si la vidéocassette décolle. Vous venez m’interviewer sur quoi, déjà ? Ah, je pensais que c’était… mais non, impossible, vous ne pourriez pas… qu’est-ce que je raconte ? Peu importe, c’est un autre sujet, j’ai confondu, excusez-moi. Vous voulez savoir quand je l’ai rencontré, n’est-ce pas ? Ah, je vois mon fils qui lève les yeux au ciel, il a déjà entendu cette histoire tellement de fois… Roberto, ne fais pas cette tête, tu m’entends ? Il y a ici quelqu’un qui ne la connaît pas, et ce n’est pas tous les jours qu’on a un nouvel auditoire. Vous avez déjà visité un de ses parcs ? Je mélange toujours les noms, celui de Los Angeles a été le premier, ensuite il y a eu celui d’Orlando. Vous saviez que le deuxième n’aurait pas dû devenir un parc d’attractions ? Il aurait dû devenir une ville. Une ville modèle planifiée, utopique. Cet homme était comme ça : dès qu’un projet était achevé, il s’en désintéressait complètement, il passait au niveau supérieur. Ç’a été pareil pour tout : après avoir synchronisé le dessin et le son, il s’est attaqué à la couleur ; après avoir réussi dans la couleur, il a décidé de réaliser un long métrage d’animation. Il y est arrivé et on l’a traité de génie, Eisenstein est allé jusqu’à dire que Blanche-Neige était le meilleur film de tous les temps ! Mais il s’est tout de suite désintéressé de l’animation. On a dit qu’il ne s’était pas assez impliqué dans les productions suivantes, qu’il n’avait d’yeux que pour ce film censé être son chef-d’œuvre ultime, la fusion complète de tous les arts : musique, danse, dessin et cinéma. Et ensuite il n’a plus voulu entendre parler de dessins animés, il n’avait d’yeux que pour son idée de parc d’attractions, pas un parc d’attractions ordinaire, mais qui soit un microcosme de leur culture, une réinterprétation de leur histoire nationale. Vous saviez que la Main Street qu’on retrouve dans tous ses parcs est une reconstitution de la grand-rue de Marceline, la petite ville où il a passé son enfance ? Je crois que c’est ça qui m’inspire depuis toujours. Mais je m’égare, quel était le sujet ? Ah, le deuxième parc. Eh bien, après avoir terminé le premier, il n’a plus voulu entendre parler de parcs d’attractions, il a voulu faire un pas de plus : il a voulu construire une ville entière, une société planifiée, sa vision personnelle du futur de l’urbanisme. C’est une qualité que j’admire chez un homme, une qualité terrible que les dictateurs et les artistes sont les seuls à avoir, ce désir de remodeler le monde à leur gré, y compris par la force. Les psychologues parlent de “paracosmos”, et ce n’est rien d’autre que la création d’un univers fictif, inventé et contrôlable, étant donné que le réel échappe à notre contrôle. Tout artiste construit son paracosmos, et c’est peut-être mon seul point commun avec les artistes. S’il y a une chose en quoi je crois, c’est que, quand vous vous fixez un objectif très élevé, même votre échec dépassera de loin les plus grands succès des autres. Mais enfin, la ville. J’ai vu les maquettes, c’était de la folie, les transports en commun avaient l’air de sortir d’une BD, c’est dur à expliquer… Il en parlait comme d’un “prototype expérimental de communauté du futur”, d’où l’acronyme EPCOT en anglais. Ce qui s’est passé ? Eh bien, il est mort, et, lui mort, les autres ont renoncé à cette idée folle de créer une ville modèle. Du coup ça se réduira à un nouveau parc d’attractions, ils l’inaugurent l’année prochaine à Orlando. De quoi faire se retourner le vieux dans son tube cryogénique, ha-ha ! Oui, je sais que ce n’est qu’une fable. Il a été incinéré, en fait. Mais je m’égare encore, comment en sommes-nous venus à parler de ça ? Ah, oui. J’allais vous raconter ma rencontre avec lui.
L’ami brésilien
On est en 1941, et João Amadeus est un garçon chanceux :
à dix-huit ans, ce fils d’immigrés nord-américains se voit chargé de présenter Rio de Janeiro à la grande idole de son enfance. Le Rio de Janeiro des années 40 est un paysage qui ne peut être évoqué qu’en noir et blanc. Des photographies dans les pages du magazine O Cruzeiro aux films de la compagnie Atlântida, du pavage bicolore des promenades aux lumières des casinos sur fond de nuit dans la baie de Guanabara, de la façade laiteuse du Copacabana Palace à la peau sombre de ses employés. C’est là notre Antiquité néoclassique, avec son lot d’idéalisations simplistes et son oppressant sourire de bonne volonté : les charmes habituels du fascisme.
“Notre famille avait déménagé depuis peu de Porto Alegre à Rio de Janeiro, et j’étais trop naïf pour percevoir la situation politique qui nous entourait. Les films que je voyais étaient une réalité plus concrète pour moi”, se souvient João Amadeus Flynguer. “Mon père n’avait pas beaucoup de sympathie pour Getúlio Vargas, par contre il en avait pour son projet nationaliste d’industrialisation. Mais il est facile de rester à l’écart de la politique quand on grandit dans un cinéma.”
Fuir la réalité était une tendance familiale. Son père racontait qu’il avait tenté de fuguer à dix ans pour suivre un cirque. Descendant d’Espagnols et de Français né à Baltimore, dans le Maryland, le vieil Amadeus Severo Flynguer avait d’abord été employé comme électricien sur l’Exposition pan-américaine de Buffalo, en 1901. Là-dessus, un cousin l’avait invité à venir au Brésil pour travailler à la construction du tramway électrique de Porto Alegre, où il s’installa avec son épouse Lilly en 1906. De fil en aiguille, il fut recruté pour participer à la création de l’Usina Municipal, qui allait remplacer l’éclairage public au gaz de la ville par un réseau électrique. Dans un domaine aussi prometteur, pur symbole de la modernité, un ingénieur électricien, même sans diplôme universitaire, trouvait aisément du travail. En partenariat avec des chefs d’entreprise locaux, il fonda ensuite la compagnie Fiat Lux, chargée d’électrifier le parc industriel de la ville pendant que la Força e Luz, pour sa part, s’occuperait du parc résidentiel.
“En réalité, ce n’est pas ça qui a rapporté à papa”, explique João, “c’est ce qui allait avec : les transports, le télégraphe, le téléphone, il a pris des participations dans tout.” Amadeus Severo développa ses activités dans l’intérieur de l’État et, face à la pénurie de charbon provoquée par la Première Guerre mondiale, il se diversifia : il devint le “gringo dingue” qui rachetait des terrains avec cascade dans tout le Sud. La construction de centrales hydroélectriques rendait indispensable l’aménagement de bassins de retenue, de barrages et de réservoirs, ce qui l’amena sur le terrain du génie civil et finit par attirer l’attention d’une entreprise américaine du secteur, l’Electric Bond & Share, qui proposa de lui racheter l’ensemble de ses activités. “Papa n’avait aucune raison de vendre, ce n’était pas l’argent qui nous manquait, mais il croyait dur comme fer à la théorie des cycles économiques et il a senti qu’une crise approchait”, se souvient son fils. “Du coup, il est allé aux États-Unis en 1928 et leur a demandé s’ils étaient toujours acheteurs. Ils l’étaient. Il a exigé d’être payé cash, et ils l’ont fait. Il est rentré millionnaire.” La Bond & Share unifierait le réseau électrique de la ville en construisant l’usine du Gazomètre de Porto Alegre. L’année suivante verrait la bourse de New York s’effondrer
– mais l’argent était déjà dans les mains de son père.
Amadeus Severo Flynguer fonda la Flynguer & Cie à Porto Alegre. Spécialisée dans l’importation de matériel électrique, elle commença par vendre des freins de tramway et des machinesoutils. Mais elle se diversifia et étendit ses activités à toute la région Sud, qui englobait à l’époque São Paulo et Rio de Janeiro, en commercialisant aussi des articles de luxe, de l’électroménager, des ventilateurs, des calculatrices – tout ce qui était synonyme de technologie et de modernité. Et dans le divertissement, cela signifiait le cinéma.
Il ouvrit sa première salle de projection en 1931, à Porto Alegre. “Je pense que, au fond, c’était toujours cette vieille envie de se sauver avec le cirque”, commente João. Le Ciné Baltimore, nommé en hommage à sa ville natale, ouvrit ses portes sur ce qui venait d’être rebaptisé l’Avenida Osvaldo Aranha. Plus que le secteur électrique, une activité qui à présent se gérait pour ainsi dire toute seule, ce fut le cinéma qui amena la famille à s’installer à Rio de Janeiro à la fin des années 30. Au fond, travailler dans le divertissement était la vraie passion d’Amadeus Severo. Il y acheta deux salles, le Pathé et le Plaza, puis signa un contrat avec la RKO, qui fournirait les films et rénoverait les cinémas pendant que lui les administrerait. Et voilà comment, à dix-huit ans, son fils aîné, João Amadeus Flynguer, se retrouva au bon endroit et au bon moment pour profiter de cette aubaine.
Qui arriva d’où on l’attendait le moins : depuis que la Seconde Guerre mondiale avait éclaté, le Brésil profitait de sa position géographique stratégique pour s’enrichir en traitant aussi bien avec les Allemands qu’avec les Alliés. Et les Américains, qui venaient de perdre le marché européen, jugèrent opportun de se tourner vers leurs voisins du Sud au travers d’une ambitieuse “politique de bon voisinage”.
L’investissement le plus lourd alla au cinéma, mais pas toujours avec de bons résultats : il semblerait que nos amis argentins n’aient guère apprécié Sous le ciel d’Argentine, sorti en 1940, avec son Buenos Aires pauvre en tango mais riche en crapules, tandis que Week-end à La Havane, l’année suivante, présentait la capitale de Cuba comme un immense casino d’escrocs entouré de champs de canne. On ne pouvait que redouter ce que cela donnerait quand les Américains décideraient de montrer le Brésil.
Quand le ministre Capanema le reçut dans son bureau et lui demanda s’il savait parler anglais, la réponse de João fut un yes, sir ! exalté et plein d’emphase. La délégation de visiteurs, lui expliqua le ministre, devait se poser en hydravion le lendemain, samedi 16 août, à Belém do Pará, d’où elle prendrait aussitôt un vol pour Rio de Janeiro. La capitale étant envahie de diplomates et de réfugiés européens, il y avait peu de place dans les hôtels, et, de ce fait, ses membres seraient répartis en deux groupes : le business crew descendrait au Copacabana Palace, tandis que l’équipe créative serait logée à l’Hôtel Glória. João devrait faire la navette entre les deux, s’informant chaque matin du programme
du jour au Copa et emmenant ensuite le groupe du Glória à la découverte de la ville.
Il va sans dire que, cet après-midi-là, João rentra chez ses parents sur un petit nuage : le fait qu’il ait grandi dans des salles de cinéma conférait à sa mission une dimension très personnelle. Au dîner, lorsqu’il annonça la nouvelle à sa famille – son père, bien sûr, était au courant de tout –, la réaction la plus fervente fut celle de sa petite sœur Cleia : “Donald vient aussi ?”
SOIRÉES À URCA.
Le lendemain, il eut du mal à contenir son impatience. “J’ai toujours adoré le cinéma et les dessins animés, et en un sens les cartoons ont grandi avec moi : d’abord le son, ensuite la couleur. J’avais quatorze ans au moment du premier long métrage ; j’en avais maintenant dix-huit, que pouvais-je rêver de mieux ?” se souvient João. “Le nouveau film n’était pas encore sorti au Brésil, mais des louanges spectaculaires nous arrivaient de l’étranger. La possibilité de serrer cette main-là était un moyen de remercier celui qui avait dessiné mon enfance.”
Mais il devrait patienter encore un peu : le groupe qui débarqua en fin d’après-midi à l’aéroport Santos Dumont était amputé de son élément principal, le visiteur illustre ayant décidé de s’attarder une journée à Belém et ne devant arriver que le lendemain après-midi. João se retrouva au milieu d’une bande de douze artistes, entre illustrateurs, musiciens et scénaristes, des noms qui signifiaient beaucoup pour les fans de l’animation. Des cartes de visite furent échangées. João, euphorique, parlait à toute vitesse : vous avez envie de sortir, vous avez envie de connaître Rio ? Débarrassons-nous de vos bagages et je vais tout vous montrer, je vais vous montrer Tijuca Copacabana Salgueiro Laranjeiras Botafogo Andaraí Méier Jardim Botânico Quinta Campo de Santana Cinelândia Niterói Paquetá Avenida Atlântica Leme Leblon Gávea le Pain de Sucre et le Corcovado ! Le Corco-quoi ? Le Cor-co-va-do, répéta-t-il aux Américains en tendant le doigt vers l’omniprésent Christ rédempteur au-dessus de leurs têtes.
– Or, as you Americans say : let’s go see the town !
L’un des artistes, découvrant ce soir-là la baie de Guanabara illuminée à sa descente de voiture, s’exclama avec émotion : “Ça alors, on dirait sept ou huit Hollywood entourés par la mer !”
Sur ce, ils entrèrent dans le casino d’Urca.
“Il n’y a pas de mots ni de photos capables d’exprimer ce qu’on ressentait en entrant pour la première fois dans le grill-room du casino d’Urca”, assure João. Le plancher de scène s’ouvrait comme un coffret à bijoux et l’orchestre en émergeait, entraîné par le maestro dans la folie féerique de la soirée, des artistes et des politiciens exhibaient leur vanité au sein de ce temple exubérant de la beauté et du luxe dans un brouhaha de conversations, de rires, de rencontres enthousiastes entre personnes qui ne s’étaient jamais vues. Puis l’orchestre entier redescendait, disparaissait sous son couvercle comme dans une boîte à musique géante, et le rideau du fond de scène s’ouvrait sur des files et des files de choristes dansantes, de jongleurs bondissants.
Le lendemain matin, quand João vint chercher le groupe à la réception de l’hôtel, un chasseur partit en appelant : “Le groupe, le groupe !” Ils passaient leur temps sur la terrasse, à dessiner le paysage pour tuer le temps. L’arrivée du patron n’était prévue que pour la fin d’après-midi, et il fallait les occuper : João proposa de les emmener avec leur matériel au Jardin botanique. Les artistes en arpentèrent les allées avec leurs planches et leurs couleurs, dessinant et peignant tout ce qui captait leur attention. Parmi tous ces hommes, une femme sortait du lot : l’aquarelliste Mary Blair, venue en compagnie de son mari Lee, lui aussi illustrateur. Cette tournée se révélerait décisive pour la suite de sa carrière. Le contact avec les couleurs intenses de l’Amérique du Sud serait à l’origine d’une de ses marques de fabrique : des teintes éclatantes utilisées dans la conception artistique de chefsd’œuvre comme Alice au Pays des merveilles aux fresques qu’elle peindrait plus tard pour les parcs d’attractions. “Cette ville ne ressemble pas à un lieu réel”, confia-t-elle à João, “on dirait un décor de film. Les pics rocheux, la jungle, la baie, les lumières de la ville… Aucune photo ne pourra jamais rendre ça.”
Pendant que les autres photographiaient, peignaient des aquarelles et dessinaient, João engagea la conversation avec Frank Thomas, le seul animateur de l’équipe. “Il était considéré comme l’un des tout meilleurs de son temps, un Laurence Olivier de l’animation, le spécialiste des scènes d’émotion. Il m’a expliqué la façon dont il étudiait les mouvements d’animaux qu’on lui amenait au studio, il était chargé d’animer une scène particulièrement difficile, celle d’un faon en train d’apprendre à marcher sur la glace avec un lapin.” Pour un nouveau long métrage ? Oui, adapté d’un livre autrichien qui avait remporté un grand succès aux États-Unis. Mais le regard de Frank fut alors attiré par un perroquet, et João sauta sur l’occasion pour l’initier à un classique de la culture brésilienne : les blagues de perroquet.
En fin d’après-midi, en ramenant les artistes à leur hôtel, João apprit que le visiteur illustre avait déjà atterri à Santos Dumont mais qu’il y était toujours, assailli par la presse, les autorités et les fans. Les membres du groupe attendirent son arrivée jusqu’à ce qu’on vienne les informer que le chef dînerait chez le ministre Osvaldo Aranha et n’arriverait qu’ensuite à l’hôtel, ce qui les libérait à nouveau pour la soirée. Où aller ? João emmena les Américains au casino Atlântica : fête, lumières, samba, choristes – ils furent tellement éblouis que, à un moment donné, Frank Thomas se tourna vers João et dit : ça alors, c’est tous les soirs Gatsby le magnifique, ici !
Rire est le meilleur remède
À force d’entendre sa fille réclamer un perroquet, le père lui en offre un pour son anniversaire. Sauf qu’il l’achète dans la rue, sans savoir que l’oiseau vivait avant dans un bordel. Le jour de la fête, sa fille souffle les bougies, les enfants mangent le gâteau, et quand quelqu’un lui demande quel cadeau elle a préféré, la gamine répond : “Ah, le perroquet ! Vous croyez qu’il parle ?” Son père est catégorique : “Bien sûr qu’il parle, essaie donc !” La gamine demande : “Alors, Jacquot, comment tu as trouvé ma petite fête ?” Le perroquet regarde autour de lui, réfléchit bien et dit : “Bon, je connais déjà les gars, mais les filles qui travaillent ici sont toutes très jeunes.”
À LA PLAGE AVEC WALT.
“Ne va pas me faire honte en te comportant comme un fan”, dit son père à João lorsqu’ils se retrouvèrent face à l’imposante façade du Copacabana Palace. La veille dans l’après-midi, en allant accueillir le visiteur illustre à l’aéroport, Amadeus Severo s’était agacé de cette foule surexcitée, qui avait encerclé l’Américain comme une armée de fourmis. “Ces gens n’ont pas de fierté”, disait-il. Ils franchirent la porte-tambour et s’avancèrent dans le hall riche en marbre de Carrare et en meubles français. On se bousculait au Copa à l’époque : c’était l’un des rares palaces au monde assez vaste pour accueillir l’élite européenne qui fuyait la guerre.
“Appelez-moi Walt”, dit l’Américain.
Il était en train de prendre son petit-déjeuner avec sa femme et les invita à s’asseoir. João le salua – touché par la main créatrice ! – tandis que son père commençait à parler affaires. Il se trouve qu’Amadeus Severo n’était pas seulement chargé d’organiser pour Disney un programme de dîners officiels et de rencontres avec des artistes locaux : les deux hommes avaient des intérêts communs. Le jeudi suivant devait s’ouvrir le 3e congrès sud-américain de la RKO, auquel assisteraient les directeurs de toutes les filiales du sous-continent, un événement intimement lié aux objectifs politiques de ce voyage. Et il se tiendrait dans un cinéma de la famille, le Pathé, où, par ailleurs, aurait lieu le samedi suivant l’avantpremière nationale du nouveau film de Disney, en présence, espérait-on, du président Getúlio Vargas en personne.
Cet après-midi-là, Disney devait donner une conférence de presse au siège de l’Association brésilienne de la presse, mais il souhaitait auparavant profiter du beau temps pour aller la plage. “Peu de gens peuvent se payer le luxe de dire : je suis allé à la plage avec Walt Disney”, remarque João. “Il était euphorique, à la limite de l’hystérie. J’ai su plus tard que, dans l’avion, il courait sans arrêt d’un hublot à l’autre, même quand il n’y avait rien à voir, et que sa femme poussait des petits cris à chaque secousse, comme une fillette sur un circuit de montagnes russes”, raconte João. “C’était la première fois qu’ils sortaient des États-Unis, et, plus que tout, il semblait y avoir du soulagement dans leur regard.”
Ce soulagement était justifié : à la suite du succès gigantesque de Blanche-Neige et les sept nains, Disney avait agrandi ses studios peu avant le début de la guerre qui, désormais, le privait de la majeure partie du marché européen. Plusieurs autres longs métrages étaient en cours de production, des créations ambitieuses et chères : il y avait trop de travail et pas assez d’argent, et les perspectives de rentabilité financière étaient faibles. En outre, si la propension de Disney à tout diriger lui-même avait bien fonctionné avec un groupe restreint d’artistes, cette méthode devenait impraticable avec une équipe qui atteignait maintenant plusieurs centaines de personnes et visait une production à l’échelle industrielle. Son rêve quasi utopique d’une entreprise où la bienveillance primerait sur le pragmatisme commençait à battre de l’aile, car en fin de compte la bienveillance ne paie pas les factures, et, pour chaque spécialiste de l’animation bien rémunéré, une dizaine d’autres étaient insatisfaits de la disproportion entre l’énormité de leur charge de travail et la maigreur du chèque de fin de mois. Du fait de la pression politique des syndicats, la cocotte-minute avait explosé au début de l’année sous la forme d’une grève inédite. La perspective d’une tournée sud-américaine avait donc été accueillie comme une planche de salut par les studios : les films qui en découleraient seraient financés par le gouvernement en tant qu’œuvres de propagande. En pratique, ils étaient déjà payés, qu’ils marchent ou non. Walt avait laissé les négociations avec les syndicats entre les mains de son frère Roy et s’était envolé vers le Sud en compagnie de ses plus fidèles collaborateurs.
FORDLÂNDIA.
Walt Disney était facile à repérer au sein du groupe : c’était toujours celui qui avait un appareil photo dans les mains. Le mardi, tout le monde fut emmené en excursion sur l’île de Paquetá, où João avait organisé un pique-nique dans le parc Darke de Mattos, avec animation incluse : des musiciens d’Urca vinrent apprendre aux gringos à danser la samba, et João leur fit goûter de la cachaça. Selon lui, Disney cracha “du feu par les narines” et se mit à siffloter la mélodie d’une chanson entendue au restaurant de son hôtel de Belém. João la reconnut sur-lechamp : une samba sortie deux ans plus tôt, discrètement à l’époque, mais qui gagnait petit à petit en popularité : “Oh, esse coqueiro que dá coco/ é onde amarro a minha rede/ nas noites claras de luar.”
Questionné par João sur la capitale du Pará, Disney avoua : “J’ai à peine eu le temps de voir Belém, pour être honnête. Si je suis resté, c’est pour visiter Fordlândia.” Il parlait de la ville planifiée construite trente ans plus tôt par Henry Ford en pleine forêt amazonienne, et à peu près oubliée aujourd’hui. À mi-chemin entre utopie et folie des grandeurs, elle avait été fondée dans le but d’abaisser les coûts d’extraction du latex avant d’être condamnée à l’échec par le mépris pour la recherche du magnat, qui ne jurait que par l’expérience pratique. Cela avait obligé ses hommes à pénétrer dans la jungle sans rien savoir ni sur elle, ni sur la culture des hévéas. Mais l’idée était toujours présente sur place, et qui pourrait affirmer que la folie de Ford ne fut pas transmise à Disney là-bas ?