Publication : 20/10/2011
Pages : 192
Grand Format
ISBN : XXXXXXXXXXXX
Couverture HD

El Sexto

José Maria ARGUEDAS

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18 €
Titre original : El Sexto
Langue originale : Espagnol
Traduit par : Eve-Marie Fell

Le jeune Gabriel est incarcéré au pénitencier El Sexto, au centre de Lima, dans le cadre de la répression des mouvements d’opposition étudiants. Là, il va rencontrer des représentants des partis politiques qui luttent contre le pouvoir despotique. Il découvre les hiérarchies de la prison, où en fonction des étages se côtoient en haut les politiques, puis les droits communs et les délinquants sexuels, et enfin, au rez-dechaussée, les clochards. Les politiques se divisent entre partisans de l’APRA (de gauche) et communistes, considérés comme “vendus à l’étranger”.
Sous la direction d’Estafilade les droits communs font régner leur loi, distribuent la drogue et forcent les homosexuels à la prostitution. Les maîtres de cet infra-monde s’affrontent à mort dans la lutte pour le pouvoir. L’assassinat d’Estafilade déclenchera une répression brutale qui mettra à jour la totale malhonnêteté des autorités légales.
Ce roman a été inspiré à l’auteur par son expérience de la prison politique en 1938. J. M. Arguedas avait manifesté en 1938 contre l’arrivée à Lima d’un représentant de Mussolini. Il définit El Sexto comme, à la fois, une école du vice et une école de la générosité.

Un grand classique de la littérature latino-américaine

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  • «Récit d’une expérience carcérale en 1937 au pénitencier d’El sexto.»
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    Michel Olives
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  • « Inspiré à son auteur par sa propre expérience de l’enfermement, El Sexto, classique de la littérature latino-américaine, initialement publié en 1961, n’a rien perdu de sa pertinence. »
    Laurent Boscq
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    Françoise Barthélémy
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  • « De son séjour au pénitencier d’El Sexto en 1938, José Maria Arguedas, figure majeure du mouvement indigéniste latino-américain, a tiré un roman coup de poing qui s’est imposé contre la critique. » Lire l'article entier ici.
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Préface

En juin 1937, José María Arguedas (Pérou, 1911-1969) suit des études de lettres à l’Université San Marcos, tout en gagnant sa vie comme employé des postes. C’est l’époque sombre de la dictature du général Benavides. Arrêté avec plusieurs de ses camarades étudiants à l’issue d’une manifestation antifasciste, il est d’abord détenu au centre d’arrêt de La Intendencia (“le Dépôt”), puis trans-féré au pénitencier El Sexto. Cet établissement sinistre, qui jouxte le Dépôt en plein centre de la capitale, accueille des droits communs et des prisonniers politiques qui restent à l’écart du processus judiciaire. Nauséabonde et vétuste (il n’y a même pas d’électricité dans les cellules), la prison sera détruite quelques décennies plus tard et remplacée par un hôtel de luxe.
Arguedas passe huit mois à El Sexto, un séjour plus bref que celui de ses camarades grâce à une appendicite providentielle. Finalement, les étudiants ne feront l’objet d’aucune poursuite et Arguedas, qui a perdu son emploi de postier, obtiendra l’année suivante sa nomination comme professeur de collège en province. Mais l’expérience est inoubliable. Selon les déclarations de l’écri-vain, c’est en 1939 qu’il décide d’en tirer un jour une œuvre de fiction, dont la rédaction commencera seulement vingt ans après son arrestation, en 1957. El Sexto paraît en 1961, trois ans après l’immense succès des Fleuves profonds, et il reçoit un accueil glacial de la critique locale. Le roman heurte le sentiment national en pointant les turpitudes du système carcéral dans un pays sous-développé et corrompu. Qui plus est, cette œuvre au noir fait voler en éclats l’image officielle d’un romancier qu’on avait définitivement classé dans le registre bucolique et indigéniste. Ignoré de la bourgeoisie intellectuelle, le livre, vendu et revendu sur les trottoirs de la capitale, connaîtra pourtant, grâce au bouche à oreille, un incroyable succès populaire.
El Sexto est plus proche de la littérature concentration-naire que du récit carcéral conventionnel. Il n’y est question ni d’évasion, ni de mitard, ni d’avocats, ni de matons, et aucune date n’y est mentionnée. La prison est tenue par les militaires de la garde républicaine (les non-gradés sont presque tous indigènes), avec l’aide de mouchards et d’indics en civil dont le statut et les pouvoirs restent assez mystérieux. Comme le Dépôt, El Sexto est construit sur trois niveaux, selon une hiérarchie verticale qui n’est pas sans rappeler la symbolique chrétienne du Jugement dernier. Au rez-de-chaussée, règne l’enfer du crime et du vice avec les grands assassins et les déchets d’humanité que la police ramasse dans les rues de Lima ; au premier étage, les petits délinquants côtoient les citoyens innocents, victimes de vengeances ou de délations ; enfin, le deuxième étage est le “paradis” où près de deux cents prisonniers politiques jouissent de conditions de vie un peu plus supportables. L’étanchéité de ces strates est un dogme qui s’impose à tous ; sous aucun prétexte les locataires du second ne doivent se mêler à ceux d’en bas et réciproquement. Le respect de ce protocole implicite fonde un ordre rigide, image de la société civile où l’élite se protège du prolé-tariat. Emprunter librement l’escalier unique, qui ne doit être utilisé que dans des circonstances bien répertoriées, c’est ouvrir la prison à la subversion, au chaos.
Dans la vie quotidienne, une politique du corps – pour reprendre l’expression de Foucault – axée sur la souffrance répé-titive a pour objet de briser les résistances. Tout est torture physique ou men-tale : l’usage des latrines, la faim et le froid qui tuent les plus démunis, l’attente odieuse d’un procès qui ne viendra jamais, le petit jeu de la fausse levée d’écrou, le médecin qui crée l’angoisse et qui ne soigne rien… La hiérarchie carcérale, qui confère aux caïds une totale impunité, y ajoute le viol, omniprésent et même lucratif. L’horreur ordinaire est démultipliée par l’impossibilité de trouver l’isolement, d’échapper au regard des autres. L’architecture d’El Sexto, conçue sans angle mort, permet à chacun de jouir du spectacle. Accoudés aux rambardes, les détenus ont un seul sujet de divertissement : contempler les violences infligées à d’autres, dont ils seront peut-être demain les victimes. Ce regard collectif, à la fois anxieux et rigolard, victimise les faibles, excite les sadiques et disqualifie les réactions d’humanité. Le “paradis” du deuxième étage est peuplé d’hommes, étu-diants, militants et leaders politiques, qui ont une solide forma-tion intellectuelle et de grands projets révolutionnaires. Les deux partis de la gauche péruvienne s’y font face : le parti communiste, aux effectifs modestes mais très structuré, et l’Apra (Alliance populaire révolutionnaire américaine, fondée en 1924 par Haya de la Torre), une vaste organisation de centre gauche aux contours idéologiques assez flous. Le jeune narrateur ne tarde pas à découvrir l’indifférence de ces acteurs de la vie politique face à la violence carcérale. Soucieux de reproduire en détention l’ordre de la vie militante, communistes et apristes multiplient les réunions et les séances de formation, mais ils choisissent d’ignorer, autant que faire se peut, les crimes du rez-de-chaussée.
La vie du second est donc rythmée par les épisodes d’un affrontement quotidien entre partis, qu’emblématise le “chœur” des hymnes partisans, chantés en même temps en parfaite cacophonie. Cette démystification du politique est à la source d’une spirale du désespoir qui conduit quelques détenus vers d’autres formes de subversion. Sans attendre de lointains lende-mains qui chantent, justice peut être faite, immédiatement. À la violence ordinaire répondront des actes barbares, une drama-turgie toute symbolique où les eaux lustrales du baptême sont remplacées par les flux sanglants du suicide et du meurtre. Le héros qui se rend aux autorités, à la fin du livre, voué à la torture et sans doute à la mort, n’est pas un homme de paix ; c’est un assassin et un juste, que saluent les militaires eux-mêmes. Par la grâce de sa lame vengeresse, l’offense quotidienne faite à l’homme est lavée. Rien n’a changé et tout est changé : une évidence troublante, qui laisse pressentir de futures convulsions au niveau national.

Eve-Marie Fell

Né en 1911, José Maria ARGUEDAS s’est suicidé en 1969 d’une balle dans la tête dans les toilettes de l’université de Lima où il enseignait. Il était l’une des figures majeures du mouvement indigéniste latino-américain, un écrivain connu pour son engagement politique et ses prises de position. Anthropologue, universitaire et intellectuel militant, il a écrit trois romans et des recueils de contes. Yawar Fiesta, son premier roman est paru en 1941. Sont traduits en français Les Fleuves Profonds et Tous les sangs. Mario Vargas Llosa lui a consacré un livre, L’Utopie archaïque (Gallimard).

Bibliographie