Publication : 15/01/2003
Pages : 264
Poche
ISBN : 2-86424-451-9

La Faute

Laura GRIMALDI

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13 €
Titre original : La Colpa
Langue originale : Italien
Traduit par : Geneviève Leibrich
Prix
  • 1er Prix du Polar Européen - 2003

Prix Polar Européen du Point 2003


Le cadavre de Carolina est retrouvé horriblement mutilé et violé, cette avocate féministe aimait les femmes, mais avait un amant. Et c'est lui qui est soupçonné et emprisonné.
Au-dehors, son frère est le seul à essayer de l'aider, à croire à son innocence malgré leurs rivalités. Au-dehors, la belle Maria Anna envoie des messages que personne ne comprend. Les enquêteurs veulent condamner très vite un coupable.
Avec le même talent pour le suspens psychologique que dans ses précédents livres, Laura Grimaldi démonte les mécanismes sociaux, les transformations des sentiments et tient le lecteur emprisonné dans son intrigue jusqu'au bout.
Qui a dit que les reines du suspens étaient toutes anglo-saxonnes?

  • "La victime ? Une avocate italienne, féministe, parfois homosexuelle. Le présumé coupable ? Un prof d'université, occasionnellement son amant. Equation de base pour un polar qui n'a rien de classique. En deux tours de passe-passe de la police et gr?ce à une tonne de malhonnêtetés de la justice, voilà que notre homme se retrouve en prison et, dans la foulée, vite fait bien fait, au mitard, histoire qu'il craque. Sauf que cette plongée au fond du trou va se révéler totalement inefficace pour lui faire avouer ce qu'il n'a pas commis... Laura Grimaldi détaille avec une précision clinique la métamorphose d'un homme qui va se découvrir tel qu'il ne se serait jamais imaginé."
    Rosita Boisseau
    BIBA
  • "Accusé d'avoir assassiné une de ses nombreuses maîtresses, Alfiero Falliverni, professeur d'université, est incarcéré et soumis à un régime d'autant plus sévère qu'il est vaguement apparenté au procureur et que le ministère public ne veut pas être soupçonné de laxisme. C'est en fait son frère, Aleardo, qui a pour beau-père le procureur Lo Popolo et il est d'ailleurs le seul à garder le contact avec celui qui est devenu le mouton noir de la famille. Si Laura Grimaldi démonte très efficacement les rouages du système judiciaire et de l'univers carcéral, elle est surtout sensible aux ravages qu'un drame provoque entre les personnages dans ce milieu de la haute bourgeoisie milanaise où la présomption d'innocence n'a pas vraiment cours. Comme dans La Peur et Le Soupçon avec lesquels La Faute forme une étonnante trilogie, Laura Grimaldi suit le cheminement insidieux d'une onde de choc qui va bouleverser radicalement les rapports entre les deux frères et révéler la nature profonde de chacun des protagonistes."
    Gérard Meudal
    LE MONDE DES LIVRES
  • "Par toutes sortes de détails, posés ici et là, l'ambiance se crée. Il y a la sueur dégoulinant le long du corps, un silence à couper au couteau, une manière de faire ronfler un titre, un coussin tenu serré contre son ventre, des heures de marche à travers la ville déserte. C'est écrit pointu, fin, aigu. On voit les fissures et on entend les craquements. Le style atteint à chaque fois sa cible. La Faute est une réussite. Le magazine Le Point vient d'ailleurs de lui décerner le prix 2003 du roman policier européen.[...] Laura Grimaldi dépeint surtout les derniers soubresauts d'une bourgeoisie milanaise enfermée dans ses appartements somptueux et dont la vie obéit à des codes immuables. Les vacances sur le bateau ; le goût de la culture, le sens du raffinement, la barrière de l'argent. La bourgeoisie meurt ici comme elle a vécu : dans l'indifférence."
    Marie-Laure Delorme
    LE JOURNAL DU DIMANCHE
  • « Grande analyse psychologique, une œuvre morale foisonnante nuancée, [...] débarrassée de pathos et d'effets faciles qui éclaire les mobiles profonds des êtres. Du grand classique européen. »
    Jacques-Pierre Amette
    LE POINT

LES FAITS

Corinna Lotus Martini ne fut pas assassinée par vengeance, ni par passion, ni par cupidité, mais bien par haine. Une haine froide et résolue qui englobait évidemment tous ces sentiments, mais finalement si réduite à sa quintessence qu'elle s'exprima par une détermination lucide, méthodique et glacée, avec la conséquence que Corinna fut frappée à la nuque par un objet lourd, puis crucifiée sur le parquet bien ciré de sa chambre par quatre gros clous d'acier cunéiformes, enfoncés dans la paume de ses mains (bras grands ouverts, aisselles à angle droit) et dans les chevilles (jambes écartées, aine éployée en un angle convexe). N'était le cul d'une bouteille de champagne qui sortait du vagin (dans lequel la bouteille avait été poussée à fond, déchirant les chairs et causant une hémorragie noirâtre) et quelque chose qui émergeait d'entre les dents de Corinna, le corps aux membres sveltes et encore luisants de crème, les petits seins aplatis par la position et le ventre à la musculature ferme, les bras et les jambes disposés en croix auraient pu ressembler à un dessin de Léonard de Vinci fixant le canon des proportions. (La comparaison, reprise par un journaliste qui l'avait entendue de la bouche du substitut du procureur, venait en réalité du médecin légiste.)

Le quelque chose qui émergeait d'entre les dents de Corinna et qui à première vue semblait être la langue tirée désespérément dans un dernier hurlement de douleur était en fait le clitoris de la femme (démesurément long et développé, décréterait l'autopsie, pour être un clitoris normal). Et donc, le sang noirâtre qui avait coulé sur le parquet n'était pas tellement dû aux ravages causés par la bouteille de champagne, mais bien plutôt au sectionnement radical du clitoris. De la femme d'antan il ne restait guère que ce simulacre raidi. Seuls les longs cheveux noirs répandus en éventail permettaient d'attribuer un sexe à ce cadavre auquel la mort paraissait avoir arraché toute identité. Un cadavre déplumé, sans duvet aux aisselles ni au pubis, qui n'en était pas plus féminin pour autant: ç'aurait pu être le corps d'un joueur de basket-ball à peine adolescent, ou celui d'un frêle mannequin au début d'une brillante carrière. Pourtant, avec ce corps a présent inerte, Corinna Lotus Martini avait prodigué de la passion avec libéralité, la gérant avec intelligence, avec même une certaine dose d'agressivité, au point de transformer chaque relation en un affrontement qui lui permettait de mesurer non seulement ses propres fantasmes érotiques, mais aussi son pouvoir personnel de domination.

Sa mort devait avoir bouleversé bien des vies et laissé des traces indélébiles dans certaines, notamment dans celle d'Alfiero Falliverni et de son frère Aleardo. Alfiero avait toujours été un homme aux principes fermes sinon inflexibles et il s'était toujours attaché à établir une distinction subtile entre le bien et le mal, sans trop s'interroger sur la justesse des idées qu'il exprimait. Professeur d'histoire moderne, auteur de diverses publications savantes, dont une consacrée à l'interprétation de documents nazis concernant l'école et l'éducation, et de deux essais a grand tirage, le premier sur le nazisme et les femmes et le second sur l'influence du langage fasciste sur les rapports familiaux, et que par paresse plutôt que par manque d'intérêt il avait préféré entériner plutôt que réfuter, accepter plutôt que mettre en question. Le fait de pouvoir distinguer ce qui était juste de ce qui ne l'était pas lui avait donné une assurance solennelle, une sorte d'appui solide auquel se raccrocher dans les moments difficiles, qui finalement n'avaient pas été tellement nombreux, jusqu'au jour où il avait eu le malheur d'être d'abord interrogé en qualité de témoin, puis inculpé officiellement du meurtre de Corinna Lotus Martini et incarcéré.

Alors, après une première période de stupeur, de ressentiment et d'indicible souffrance, il deviendrait peu à peu un homme très différent de celui qu'il était au début de cette aventure.

Mais comme l'histoire d'Alfiero et de sa transformation est longue et passablement complexe, comme toutes les histoires de mort violente avec les châtiments qui s'ensuivent, les conséquences de la faute et de ses significations possibles intervenant à la fin ou au début, elle sera racontée dans l'ordre et en tenant dûment compte de l'opinion de tous les protagonistes.

Et cela, moins par souci d'objectivité que pour mieux comprendre d'une part comment et jusqu'à quel point, dans le bien comme dans le mal, les drames de la vie peuvent influer sur les rapports entre les personnes, et d'autre part comment ils parviennent à faire émerger des profondeurs sentiments et passions jusqu'alors inconnus.

Ainsi seulement sera-t-il possible de donner un sens au changement profond intervenu dans les rapports et l'affection entre les deux frères Falliverni.

Laura Grimaldi est née en 1938, elle vit à Milan. Spécialiste du roman noir, elle est journaliste, traductrice et éditeur. Ses livres sont traduits en anglais aux The University of Wisconsin Press.

Bibliographie