Publication : 02/05/2013
Pages : 352
Grand Format
ISBN : 978-2-86424-925-2
Couverture HD

Le matériel du tueur

Gianni BIONDILLO

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20 €
Titre original : I materiali del killer
Langue originale : Italien
Traduit par : Serge Quadruppani
Prix
  • Prix Violeta Negra - 2014

Pourquoi un détenu, petit délinquant apparemment sans histoire, est-il libéré dans des conditions particulièrement sanglantes par un commando mafieux ? La commissaire d’une unité d’élite, Elena Rinaldi, se lance à ses trousses, assistée de mauvaise grâce par l’inspecteur Ferraro, un de ses ex. Avec l’aide de Lanza, hurluberlu génial de l’Agence européenne, ils découvrent qu’ils pourchassent en réalité un tueur redoutable, échappé des brûlantes brousses d’Afrique et des camions du trafic d’esclaves. Il poursuit seul une vengeance implacable et toute personnelle. Haile l’Érythréen a tout pour inquiéter : l’anonymat, la cruauté, l’intelligence et une volonté de fer, spartiate, militaire. Le matériel du tueur.
Gianni Biondillo, maître du roman noir, nous emmène dans un road-movie haletant, d’un bout à l’autre d’une Italie violente, nerveuse, divisée, pétrie de peurs anciennes et nouvelles, accablée par un ciel de plomb, où défile toute une humanité improbable mais bien réelle.
Le lecteur se laisse emporter, étourdi et reconnaissant.

  • « Et c'est un coup de cœur gigantesque pour ce coup de gueule et de maître !
    Gianni BIONDILLO a cerné les travers de notre formidable société, de notre merveilleuse bienséance.
    "Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres" !
    Une plume féroce, dure, cynique, subtile, poétique, ... bref. En un mot plutôt qu'en cent : MAGNIFIQUE ! LE roman à lire !!! »

  • « Le Matériel du tueur est un livre d’une richesse exceptionnelle, qui se lit avec passion tant l’auteur sait monter une intrigue, la faire évoluer, s’égayer sans cesse dans les digressions sur les sujets les plus divers et les plus inattendus, avec un art consommé du récit. » Plus d'infos ici.
    Serge Perraud
    BLOG Le littéraire
  • « Roman d’une génération perdue, certains sociologues disent broken, la mienne, les quarantenaires, cinquantenaire. Roman du colonialisme italien, et des restes, et du foot, un roman italien, noir, un roman enivrant, à lire absolument. » Plus d'infos ici.
    BLOG Unwalkers
  • « On apprend en s’amusant. Et surtout on se régale. Une vraie découverte pour moi. » Plus d'infos ici.
    Jean-Marc Laherrère
    Blog Actu du noir
  • « Avec ses personnages chamarrés, sa verve et ses bouffées de nostalgie de l’Italie d’avant l’euro et la télé-poubelle, Biondillo réussit un polar plein d’humanité et de fantaisie. »Plus d'infos ici.
    Frédérique Humblot
    LESECHOS.FR
  • « La douche est froide et le texte d’autant plus beau. » Lire l'article entier ici.
    Julie Malaure
    LE POINT
  • « Gianni Biondillo nous emmène dans un road-movie haletant d’un bout à l’autre d’une Italie violente, nerveuse, divisée, pétrie de peurs anciennes et nouvelles, accablée par un ciel de plomb, où défile toute une humanité improbable mais bien réelle. » Lire l'article entier ici.
    Patrick Beaumont
    LA GAZETTE NORD PAS DE CALAIS
  • « Ce qui compte ici, c’est la musique de la phrase, la surprise de la narration, la plongée dans une ambiance poétique et noire. Le plaisir de lire, tout simplement. » Lire l'article entier ici.
    Eric Libiot
    L’EXPRESS
  • « C’est un plaisir de retrouver l’inspecteur Ferraro, tant ce héros est à la fois guide culinaire, sociologue atypique fin observateur de la ville de Milan, enquêteur aux méthodes déroutantes. […] Un polar à déguster avec de bonnes pâtes al dente, afin d’en saisir toutes les saveurs transalpines. »
    PSYCHOLOGIE MAGAZINE

Hors d’ici


1


La brume, la brume, cristaux de glace suspendus, nuage pédestre, la brume qui monte, petite pluie fine, orgeat opalin qui cache les choses lointaines, halo blanchâtre, pâle, diffuseur laiteux d’abstraites réminiscences lunaires, la brume dure, presque, solide, trempée, des millions de gouttelettes dansantes, qui estompent, émoussent, amortissent l’ouïe, la brume qui presse, qui étouffe les chuchotements, capitonne les pas, fait taire les chiens, se couche sur la plaine, la brume, drap de coton étendu, voûte de voile, coupole de fumée, vapeur, brouillard, la brume, celle des contes de fées, mysté- rieuse, menteuse, domestique, la brume des rêves, celle que les enfants de Milan n’ont jamais vue, mur d’ouate, rideau de théâtre, haleine de la terre, la brume qui presse dans le cadre en damier de la fenêtre, qui voudrait se précipiter, gicler, entrer dans l’obscurité de la cellule, se répandre, glace sèche, fumigène, la brume qui enfin se retient, pudique, effrayée par les hurlements de détresse qui résonnent dans le noir profond, la brume qui se fait vague lueur, verre gravé, qui se retire, retourne dans le monde, et, vaincue, quitte les cris et les gargouillis de sang éructés par les mâchoires épuisées de l’homme, écroulé sur la civière, à un pas de la mort. Peut-être.


2


Effondré sur le fauteuil déchiré, en attendant la fin de son service de nuit, le gardien de prison ne prêta pas tout de suite attention aux hurlements dans la deuxième unité. Il serrait et manipulait avec fougue son engin entre ses jambes, dans une masturbation furieuse face aux mises à jour continues de YouPorn qu’il gardait ouvertes sur plusieurs fenêtres ; dès que celle de la blonde en levrette, servile comme les femmes devraient l’être (vu que la parité des sexes est une connerie de notre époque), plantait, il passait, d’une légère pression sur le touchpad, à la quinquagénaire couguar en train de sucer l’ami de son fils, si ce n’était pas carrément son fils. C’est du moins ce qu’on devinait d’après la présentation de la vidéo, étant donné qu’elle était en anglais (alors que les deux personnages semblaient ukrainiens), et comme dans la maigre rémunéra- tion de l’administration le cours intensif d’anglais par corres- pondance n’était pas compris, peu lui importait de découvrir les degrés de parenté et les éventuels arbres généalogiques incestueux de ces corps exposés pour son plaisir privé.
Puis, dans les cellules de tout l’étage, il y eut un tapage explosif de gamelles contre les portes blindées. Sans lui laisser le temps de remettre l’engin dans son slip, son collègue de l’étage inférieur ouvrit grand la porte pour l’insulter et lui dire de se bouger le cul, qu’apparemment il y avait une merde dans la cellule 42. Prends les clés, lui dit-il en regardant son érec- tion qui ne voulait pas dégonfler. Putain, la honte, pensa-t-il tandis qu’il sortait, le pantalon encore déboutonné, haïssant son collègue, la cellule 42, la prison de Lodi et le monde entier qui, depuis l’enfance, ne lui laissait pas exprimer le meilleur de sa créativité innée, comme il l’aurait mérité. Entre-temps, la couguar ingérait l’érection adolescente avec conscience et professionnalisme, suçant ainsi, en plus du jeune rejeton, le crédit restant sur la clé internet de l’artiste inexprimé, à présent serviteur affligé de l’État.
Ils avaient allumé les lumières de l’unité et des cellules. Sur tout l’étage régnait un bordel infernal, tous les détenus hurlaient, juraient, tapaient des pieds, cognaient leurs gamelles ou leurs couverts contre les portes. Comme ça, juste pour faire comprendre à leur façon qu’ils s’en battaient les couilles, des bonnes manières. Il y avait un homme, parmi eux, qui crachait du sang et il fallait faire vite, parce qu’on le sait très bien que vous, flicards de merde, vous n’en avez rien à foutre de nous ; on pourrait tous mourir comme des chiens enragés !
Le cœur des gardiens battait comme un marteau pneuma- tique. Le plus vieux des deux posa la main sur la matraque, puis fit un signe d’entente au branleur qui cafouilla un bon moment autour de la serrure avec son trousseau de clés. Il entra, l’autre resta sur le seuil. Ils étaient quatre dans la cellule. Aux deux hommes assis sur les couchettes supérieures fut intimé l’ordre de ne pas bouger, et puis il y avait celui qui hurlait le plus, son regard était halluciné. Ce n’était pas lui qui se trouvait mal. Mais c’est lui qui avait découvert son compa- gnon en train de vomir du sang et la chose l’avait beaucoup perturbé en le plaçant devant des thèmes à haut contenu philosophique qui ne le lâchaient plus : qui sommes-nous, d’où venons-nous, où allons-nous ; qu’est-ce que c’est que cette vie de merde, dans laquelle on peut mourir étouffé dans son propre sang à l’intérieur d’une cellule de merde au cœur de la plaine padane. Le gardien lui demanda de s’écarter, vu que c’était lui qui s’en occupait, maintenant, mais le taulard, agressif, continuait à se plaindre et à gesticuler, à dire de se bouger, qu’il n’y avait pas de temps à perdre. Entra alors dans le périmètre de la cellule le collègue galonné qui repoussa le philosophe existentialiste dans un coin, libérant la vue du lit où un noir gisait en position fœtale, son tricot de corps maculé de sang. Ses yeux étaient révulsés, le blanc des globes oculaires et sa boule à zéro dégouttant de sueur lui confé- raient un aspect démoniaque, de ceux qu’on se rappelle toute la vie. Aussi brève qu’elle puisse être.

Gianni BIONDILLO, prolifique auteur-architecte milanais, est né en 1966 à Milan où il vit. A été traduit en France Pourquoi tuons-nous ?, best-seller en Italie qui a été suivi de La Mort au cœur (Joëlle Losfeld, 2006 et 2009).
En 2003, G. Biondillo a créé avec un groupe d’intellectuels, artistes et écrivains, le blog Nazione Indiana, devenu une référence de la vie culturelle dans la péninsule. Le Matériel du tueur, suite des aventures de l’inspecteur Ferraro, a obtenu le prestigieux prix Giorgio Scerbanenco au Festival noir de Courmayeur.

Bibliographie