Publication : 28/04/2023
Pages : 208
Grand Format
ISBN : 979-10-226-1252-4
Couverture HD
Numerique
EAN : 9791022612951

Le plus gros jeu

Al ALVAREZ

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20 €
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12,99 €
Titre original : The Biggest Game In Town
Langue originale : Anglais
Traduit par : Jérôme Schmidt

Envoyé du New Yorker, le poète Al Alvarez se rend à Las Vegas pour faire un reportage sur le Championnat mondial de poker de 1981. Las Vegas est alors l’une des villes les plus extravagantes des États-Unis, une ville qui n’a qu’une promesse : votre vie peut changer d’une seconde à l’autre… si vous avez de la chance. Des millions de gens venus du monde entier jouent aux tables de poker, mais une poignée à peine se risque aux plus grosses tables. Les fortunes changent de main, le poker devient alors un sport extrême. Les joueurs sont tout autant aveuglés par le romantisme des grandes pertes que des grandes victoires, ou, comme l’explique l’un d’entre eux : « Notre poker est un art, les autres se contentent de tirer sur une cible mais nous, notre cible est vivante, et elle riposte. »
Dans ce livre, considéré comme « le meilleur jamais écrit sur le poker » et traduit pour la première fois en français, l’auteur, joueur lui-même, décrit avec finesse et humour l’élite du poker professionnel. Un hommage au hasard et au risque, une réflexion brillante sur l’argent et le capitalisme, et une lecture délicieuse qui rappelle que « le sexe, c’est bien, mais le poker, ça dure plus longtemps ».

  • "Al Alvarez est un grand écrivain du réel. Précis mais passionnant, il transmet sans l’épargner un monde inimaginable qui le surprend autant qu’il le repousse. Autant un hommage au jeu qu’une enquête sur les excès du capitalisme, Le Plus Gros Jeu est une immersion chez l’élite des joueurs de poker professionnels. L’auteur transcrit dans ce récit une expérience fascinante dans un décor définitivement contre-nature. Voilà un très grand récit qui, malgré ses quarante et quelques années, n’a pas pris une ride."
    Adrien Lemoine
  • "Envie de flamber à Vegas ? Suivez Al Alvarez sur les traces des meilleurs joueurs du monde, dans un classique de la littérature sur le poker."
    Magazine MK2 3 Couleurs
    Bernard Quiriny
  • "Le journaliste britannique Al Alvarez (1929-2019) fut envoyé en 1981 par The New Yorker à Las Vegas pour couvrir le championnat mondial de poker. Il en est revenu avec de beaux portraits et un tableau d’ensemble de ce monde en soi, où les horloges et l’air frais sont absents, et "où les magasins normaux et la vie quotidienne sont interdits"."
    Virginie Bloch-Lainé
    Libération
  • "Certes, une partie du livre est plus technique dès lors qu’Al Alvarez évoque des parties légendaires, la maîtrise du biais statistique et mathématique, ainsi que les manches du tournoi proprement dit. Mais son écriture nerveuse et enjouée, une construction sans temps mort, son habilité à sonder ses interlocuteurs pour débusquer leurs plus profondes motivations, font de ce texte un passionnant document, même quand on n’y entend rien au poker. Car au-delà du sujet, c’est l’humain qui nous apparaît dans ses failles comme ses exaltations, le poète étant parvenu à faire surgir nombre de moments de vérité."
    Geneviève Simon
    La Libre Belgique
  • "Une observation hors pair d’une jungle en plein désert. Unités de lieu, de temps et d’action : tout l’art dramatique est réuni autour des tables de jeu."
    Frédéric Laharie
    Sud-Ouest
  • "Ce livre est vraiment formidable, c’est tout ce qu’on a envie de lire sur le poker […] ; la description des personnages est folle, c’est du cinéma, c’est du Scorsese !" Ecouter le podcast de l'émission ici
    Daniel Riolo
    RMC Poker Show
  • "Un livre vraiment passionnant […]. C’est un livre sur la mythologie américaine via le prisme du poker et de l’argent, c’est pourquoi c’est universel." Ecouter le podcast de l'émission ici
    Benjamin Gallen
    Club Poker Radio
  • "Pour notre plus grand bonheur, les éditions Métailié continuent leur précieux travail de traduction du pape de la non-fiction, Al Alvarez (1929-2019). Injustement méconnu en France, mais considéré comme un monstre sacré de la littérature anglophone, adulé par Philip Roth, Sylvia Plath ou encore J.M. Coetzee, le journaliste britannique est un romancier du réel qui transforme ses passions, ses obsessions et sa vie de baroudeur en une grande aventure poétique au-devant du monde et des hommes. […] Entre les stratégies, le bluff et la chance, il compose un haletant western sur tapis vert où la défaite est un crève-cœur et la victoire une incroyable jouissance : "Le sexe, c’est bien, mais le poker, ça dure plus longtemps."
    Léonard Desbrières
    Lire Magazine Littéraire
  • « Le plus gros jeu […] est une enquête qui se lit comme le plus captivant des romans. […] Il n’est pas nécessaire de bien connaître le jeu en général, ou le poker en particulier, pour se passionner pour ce livre. La plume d’Al Alvarez est en effet fine et pleine de drôlerie, les portraits sont saisissants, les descriptions du déroulement du tournoi haletantes. Et l’analyse qu’il propose du milieu des professionnels du poker, comme étant la convergence de la mythologie western du pistolero solitaire ne pouvant compter que sur ses propres ressources et de la libre entreprise capitaliste la plus débridée, est particulièrement pertinente. »
    Marco Dogliotti
    Le Temps (Suisse)
  • « Un récit brillant. »
    Olivier Bousquet
    VSD

1
Mardi matin, 9 heures, à la fin du mois d’avril 1981, et selon les chiffres lumineux géants plantés au sommet du Mint Hotel, la température extérieure est déjà de 33 degrés. À l’entrée du Binion’s Horseshoe Casino se trouve le fameux fer à cheval lui-même, plus de 2 mètres de haut, recouvert de peinture dorée et abritant dans son arche un million de dollars en billets de dix mille. La centaine de billets est minutieusement rangée et protégée, pour la plus longue des éternités imaginables, derrière une sorte de super-plexiglas – résistant aux balles, aux flammes et aux bombes –, afin que le rêve ultime du flambeur de Las Vegas soit exposé aux yeux de tous, tout en restant intouchable. Si vous vous approchez trop près du fer à cheval, l’un des mastodontes qui font office d’agents de sécurité au Binion’s, manquant exploser dans son uniforme beige ceint de bretelles en cuir brillant, flingue dans le holster, avance d’un pas souple et s’interpose en silence.
Le fer à cheval à un million de dollars reflétait le halo du soleil du matin qui éclairait Fremont Street. Derrière, obscurité et mouvement : une longue pièce bas de plafond, plutôt miteuse, saturée de bruit et de fumée, et, contrairement aux autres casinos à une heure aussi matinale, bondée. Des femmes en dos-nu et des hommes en bottes de cow-boy et Stetson jouaient des coudes autour des tables de roulette et de craps, ébranlaient une armée de bandits manchots et étaient courbés en avant, en demi-cercle, devant les croupiers de black-jack ; même les sièges du petit espace dédié au Keno étaient presque tous pris. À l’arrière se massait déjà une petite foule le long des barrières qui séparaient le quidam de l’espace dédié au poker pour cinq semaines, comme chaque année depuis la dernière décennie.
Accrochée au mur de cette salle de poker de bric et de broc se trouve une grande bannière jaune barrée de lettres rouges : BINION’S HORSESHOE PRESENTS THE WORLD SERIES OF POKER 1981. Sur le mur opposé, un tableau noir d’une taille équivalente détaille tout en haut les différents cash-games proposés pour la journée, en parallèle des tournois en cours : “Hold’em, No Limit – 5, 10, 25” ; “Hold’em, No Limit – 25, 25, 50” ; “7-Stud – 50, 100” ; “7-Stud – 200, 400”. Sous chaque série de chiffres figurait une colonne de noms et d’initiales. Plus les chiffres sont élevés, plus la colonne située en dessous est courte.
La partie qui avait lieu dans l’espace réservé avait l’air d’avoir duré toute la nuit. Les joueurs avaient le teint grisâtre et étaient mal rasés. Ils se contorsionnaient sur leur chaise, comme courbaturés, bâillaient, grattaient vaguement leur chemise crasseuse, s’allumaient une cigarette à partir du mégot de la précédente. La plupart d’entre eux ressemblaient aux dormeurs des bancs de gare, comme s’ils avaient choisi ce lieu parce qu’ils n’avaient pas de quoi se payer une chambre d’hôtel. Seul le croupier était habillé pour l’occasion : il arborait une chemise blanche impeccable et un nœud papillon noir bien ajusté, façon Far West, avec le nom Horseshoe aux coins. Il a vérifié la hauteur des mises de trois joueurs encore dans le coup, puis ramené les jetons au centre de la table ; il a ensuite brûlé la première carte du paquet, avant de retourner une carte commune, venue s’ajouter aux quatre déjà dévoilées devant lui. Un cow-boy à sa gauche a tapoté à deux reprises de l’index sur la table. À la gauche de ce dernier, un vieillard ventripotent en tee-shirt informe a regardé d’un air méditatif les cartes au centre, avant de prendre deux jetons noirs de sa pile, puis de les jeter devant lui. Il n’avait absolument pas l’air concerné, comme si tout cela ne l’intéressait pas du tout. “Deux dollars”, a annoncé le croupier, d’une voix atone. Le joueur suivant, petit et nerveux, le visage barré par une moustache à la Zapata, a posé ses deux mains en protection sur les cartes devant lui, avant d’en soulever le coin, puis de les envoyer d’un geste élégant en direction du croupier, comme un dandy pourrait donner raison à son interlocuteur. Il ne restait plus que le cow-boy en jeu. Il a relevé de quelques centimètres son Stetson, puis dévisagé le vieillard impassible pendant une longue minute sans ciller. Alors qu’il l’observait, il n’a cessé de manipuler une pile de jetons noirs, de haut en bas, les séparant puis les rassemblant – de haut en bas et de bas en haut, comme un yo-yo au bout d’une cordelette. Ses doigts étaient agiles et étonnamment longs. Tout à coup, sa main a arrêté de bouger, il a pris sept jetons de sa pile sans sembler les compter, et les a misés au centre de la table. “Relance, d’un nickel”, a-t-il annoncé. Le vieillard ventripotent a croisé les bras, se penchant en avant comme pour mieux jauger le cow-boy. Un long moment de silence. Puis, de sa voix toujours atone, le croupier a précisé : “Cinq dollars pour suivre.”
Un nickel ? Cinq dollars ? C’était ma première matinée à Las Vegas, et j’ai dû m’approcher pour vérifier la valeur indiquée sur les jetons noirs. Au milieu de chacun se trouvait un cercle blanc décoré du logo du casino, autour duquel était imprimé “Horseshoe Club, Las Vegas, Nev.”. À l’intérieur du fer à cheval se trouvait un portrait du propriétaire, Benny Binion, en chapeau de cow-boy, tout sourire, au-dessus de sa signature. En dessous se trouvait le chiffre “100 $”. Là, je comprenais. Plus tard, on m’a expliqué que les gros joueurs n’indiquent jamais les zéros derrière les sommes qu’ils misent. Peut-être pour marquer leur indifférence. Plus la mise est élevée, plus on oublie de préciser les zéros. En argot de flambeurs, un “nickel” vaut 500 $, une “dîme” vaut 1 000 $, un “big dîme”, 10 000 $. “C’est plus simple”, m’a-t-on expliqué. C’est aussi plus irréel.
Irréel. Dans le coin du fond de l’enclos à poker, aussi éloigné que possible des regards des curieux, un autre groupe d’hommes s’apprêtait à lancer une nouvelle table. L’allure soignée, les vêtements repassés, les cheveux bien coiffés, il se dégageait d’eux un nuage d’after-shave et de talc. J’en ai reconnu certains d’après les photos des magazines ou du livre de Doyle Brunson, Super/System, un livre-somme, véritable traité des techniques de poker, réservé aux meilleurs élèves. J’avais étudié le livre en question comme un étudiant en théologie avant de partir de Londres, mais voilà que je réalisais, à mon grand agacement, que je me souvenais plus des visages que de la stratégie et des analyses de main qui s’y trouvaient. Brunson en personne était à la table, ainsi que Bobby Baldwin et Puggy Pearson, tous vainqueurs, chacun à leur tour, des World Series Poker Championship. Il y avait d’autres joueurs, certains dont je pensais vaguement reconnaître le visage, mais à qui je n’arrivais pas à donner de nom. La crème des joueurs se préparait à leur petite partie de plaisir du matin. Les hommes discutaient tout en vidant nonchalamment leurs racks de jetons, les installant devant leur place à table : d’impressionnantes tours de noirs, quelques autres de jetons gris à 500 $ pièce, et, comme s’ils les avaient presque oubliés, une tourelle plus basse de jetons verts à 25 $. Chaque joueur semblait avoir une architecture bien à lui en tête, mais pour finir, ils se trouvaient tous dotés d’imposantes forteresses du désert. Ils fouillaient ensuite dans les poches de leur pantalon pour en retirer des liasses de billets, qu’ils posaient entre les jetons et le coussin de protection en cuir qui entourait la table, comme autant de garnisons que leurs fortifications étaient prêtes à protéger. Les liasses contenaient uniquement des billets de cent dollars, aussi ripolinés que les joueurs, rassemblés par une ceinture de papier précisant “5 000 dollars”. On était en pleine semaine, à 9 h 15 du matin, et ces types se préparaient à une partie de cartes somme toute tranquille.
Bienvenue au Pays des Rêves.

Mais l’Angleterre, en cette fin de mois d’avril, n’avait pas l’air beaucoup plus réelle. C’était le printemps le plus froid du siècle. Des tempêtes ravageaient la côte, et les collines étaient recouvertes d’une couche de neige si épaisse que des agneaux tout juste mis bas y mouraient par milliers. La veille de mon départ, un groupe d’adolescents étaient morts de froid à Dartmoor, et les routes du sud-ouest du pays, une région connue pour sa météo tempérée, étaient impraticables. Les années normales, il n’y a pas grand-chose à dire sur la météo en Angleterre : hiver détrempé, été frais, une litanie de médiocrité humide à accepter en pénitence, avec quelques beaux jours en guise de récompense pour bonne conduite. Mais cette année, même le climat semblait avoir conspiré afin de démoraliser encore plus les troupes : récession, inflation, chômage de masse, grèves, émeutes et, désormais, la tempête. Cette nation tempérée de jardiniers du dimanche et d’amoureux des chiens semblait avoir été engloutie dans un passé éloigné digne des Contes de Canterbury.
Dans la mesure où il y avait des annulations, comme toujours, dans tous les aéroports, j’ai contacté celui de Gatwick afin de m’informer du statut de mon vol. J’ai attendu une heure avant d’avoir quelqu’un. D’une voix mécanique et sans âme, l’opératrice m’a répondu :
– Les passagers doivent se présenter deux heures avant l’heure de départ.
– Pourquoi deux heures ?
La voix a marqué une pause. Puis elle a lâché le morceau :
– Parce que c’est le bordel ici.
En raccrochant, elle rigolait encore.
En fin d’après-midi, le chaos avait eu le temps de se dissiper, et l’aéroport était calme à mon arrivée, même s’il a fallu attendre une demi-heure sur le tarmac avant de pouvoir décoller et que les moteurs puissent vrombir au-dessus des arbres gelés du Sussex. Plus tard, entre deux masses nuageuses, on a aperçu une Angleterre aux allures de Scandinavie – de la neige à perte de vue. Mais tout de suite après, une autre réalité a pris place. C’était le deuxième vol direct de Western Airlines reliant Londres à Las Vegas, et tout le monde était en grande forme, content de faire plaisir, et vaguement conquis par l’esprit de fête. Le flegme britannique s’est dilué dans les vapeurs de bourbon et les voix paisibles des hôtesses de l’air, tandis que nous filions tout droit vers l’Ouest, dans la pénombre d’une nuit continuellement prolongée.
Nous avons passé la douane à Denver, et après cet arrêt, l’énorme cabine de l’avion était quasiment vide. Tout comme l’aéroport de McCarran au moment où nous avons atterri à Las Vegas, juste après minuit. Tout comme la ville elle-même, vu que nous étions mardi matin et que la ferveur du week-end avait eu le temps de se dissiper. J’ai partagé un taxi avec un avocat anglais qui devait passer la semaine sur place pour un contrat. C’était la première fois qu’il venait à Vegas, m’a-t-il avoué, avant d’ajouter, l’air soucieux : “Je ne joue jamais, mais je suppose qu’ici, je finirai par m’y mettre.”
Dans le quartier de Downtown où le Binion’s Horseshoe, le Golden Nugget, le Fremont et le Four Queens se font face au croisement de Fremont Street et de Casino Center, la lueur des néons rappelait celle de l’acier en fusion. L’avocat était ébloui, et a commenté : “On n’a pas ça à Londres.” Mais lui aussi semblait s’être détendu au contact du personnel navigant chaleureux et de la température nocturne plus élevée que le plus chaud des étés britanniques ; le ton de sa voix était à la fois étonné et désarçonné, mais absolument pas négatif.
“Y a rien qui ressemble à ici”, a dit le chauffeur de taxi barbu.
“Y a rien qui ressemble à ici.” Pas pour le moment, en tout cas. Peut-être que la Lune ressemblera à Vegas quand les colonies minières s’y seront installées, illuminées sous leurs dômes transparents. Plutôt qu’être mise sous une cloche de verre géante, Vegas a choisi l’air conditionné. À quarante kilomètres de son centre, le barrage Hoover pompe les millions de kilowatts sans lesquels tout ce projet se serait écroulé, érodé par une chaleur invivable, pour être rendu aux Indiens Païutes, prospecteurs du cuir, et aux mormons, les premiers Blancs à s’être installés dans la région. Mais, maintenant, l’air conditionné et le désert œuvrent main dans la main au bon fonctionnement de l’économie du jeu : quand le soleil est à son zénith aux alentours de midi, il fait trop chaud pour jouer au golf ou au tennis, et même nager dans la piscine ; les casinos constituent la seule alternative. Peut-être que toute la culture de la Sun Belt, la ceinture du Soleil, qui comprend les États du sud et de l’ouest du pays, fonctionne de la même manière : sa population, transportée dans des véhicules climatisés depuis des maisons climatisées vers des bureaux et des usines climatisés, est artificiellement maintenue au frais et en grande forme dans les serres d’une nature inquiétante – une culture du futur, définie par une technologie dont elle est dépendante.
Las Vegas incarne la conclusion logique de tous les aspects les plus insolites de l’Amérique pour un étranger : le manque absolu de continuité entre les grandes villes et les campagnes environnantes. On avait l’habitude de dire qu’on pouvait traverser Londres en marchant uniquement sur des pelouses, et même si ce n’était pas strictement vrai, ce n’était pas non plus absurde. Le vert des campagnes européennes infuse dans les villes, et l’influence des villes s’étend vers l’extérieur, au-delà des banlieues, dans les deux sens, dans un aller-retour poreux continuel, domestiquant et assujettissant l’horizon. De Stockholm à la mer Méditerranée, on a l’impression qu’aucun endroit n’a pas été déjà foulé par quelqu’un avant nous.
Aux États-Unis, cette connexion subtile n’existe que très rarement. Des mégalopoles telles que New York et Chicago sont leur propre décor, créé par l’homme, à la fois infini et autonome, ce qui fait que lorsque vous en arpentez les rues, il vous est impossible d’imaginer ne serait-ce qu’un autre mode de vie. Pourtant, en une heure à peine, sur l’autre rive du fleuve Hudson, en sortant de la voie rapide, il y a des biches et des putois dans les bois qui vous offrent un avant-goût non pas de la campagne, mais de la nature sauvage. À Denver, il y a bien des années, avant que la ville n’explose démographiquement, alors que j’étais dans le centre-ville peuplé de petits bars country, j’avais tourné à un croisement et j’avais aperçu tout à coup les Rocheuses face à moi, parfaitement encadrées par la longue perspective d’une rue bardée d’enseignes de néon. J’avais l’impression d’halluciner. C’était comme si, regardant Broadway depuis Times Square, j’avais aperçu l’Everest. Les villes américaines ont tendance à regarder vers leur intérieur, comme si la terre au-delà de leurs limites était trop inhospitalière pour être admirée.
Plus vous allez vers l’ouest, plus la terre se fait sauvage et inhospitalière. Les déserts fauves du Nouveau-Mexique et de l’Arizona, tremblant sous un horizon bleu de chaleur, sont d’une beauté à couper le souffle mais restent aussi d’une indifférence à couper le souffle pour ceux qui tentent d’y faire leur vie, malgré eux. J. B. Priestley a souligné que dans le sud-ouest des États-Unis, on est plus conscient de la géologie que de l’histoire. La terre est trop grande, trop ancienne, trop asséchée, trop indomptable ; la seule alternative à la soumission reste la défiance, comme l’architecture néogothique de Brigham Young à Salt Lake City, érigée comme la gare de St. Pancras au beau milieu des étendues de grès et des mares de sel amer de l’Utah.
C’est Brigham Young qui avait envoyé les premiers colons blancs à Las Vegas, en 1855. Mais il a fallu près d’une centaine d’années avant que la ville ne construise sa version sauvage et science-fictionnelle d’un bâtiment néogothique. Las Vegas a été officiellement fondée le 15 mai 1905, lors d’une vente aux enchères de terres effectuée par la Compagnie de chemins de fer de San Pedro, Los Angeles & Salt Lake, mais elle avait vraiment commencé à se développer après que l’État du Nevada avait légalisé le jeu en 1931. Au début, il n’y avait qu’une poignée de saloons louches offrant du jeu, au niveau de l’actuel Downtown. Dans les années 1930, ceux qui voulaient de l’action et des paillettes allaient à Reno qui, en tant que localité d’éleveurs, possédait une réalité et une identité au-delà d’une simple ville de jeu. Mais en 1939, le gouvernement fédéral a entamé la construction du barrage Hoover, à Boulder City, et Las Vegas était la ville la plus proche où les ouvriers pouvaient flamber leur paye. Ce que Boulder City a initié, Los Angeles, située à moins de six heures de route de Vegas, de l’autre côté de l’aveuglant désert Mojave, l’a continué. Comme il va de soi pour une ville de jeu, Las Vegas a eu de la chance, géographiquement parlant. Sa population a dépassé le demi-million d’habitants et continue à augmenter chaque année.
La ville, dans sa forme actuelle, évoque la définition de l’amour donnée par le poète métaphysique Andrew Marvell : elle est “le fruit du désespoir face à l’impossibilité”. Pour être plus précis, elle est le fruit d’un tueur à gages de la côte Est devenu seigneur de la guerre des terrains d’alcali recouverts d’acacias au-delà des frontières de la ville. En 1937, le défunt Benjamin Siegel – également surnommé, mais jamais en sa présence, Bugsy, “le taré” – avait quitté le New Jersey pour rejoindre Hollywood, avec en tête la vague idée d’y jouer la comédie (il était ami avec l’acteur George Raft) et la mission de racketter les studios au nom de la mafia ainsi que de prendre le contrôle des paris sportifs de la côte Ouest. Il n’avait pas fini acteur, mais avait bien mis la main sur les paris et, par la même occasion, se rendait souvent à Las Vegas : il était venu, avait vu et avait vaincu les cotes. Il avait tout de suite compris l’opportunité que constituait ce casino géant à ciel ouvert situé sur la route de Los Angeles, idéal pour essorer les touristes qui y passaient. En 1945, il avait donc décidé de bâtir le Flamingo – un énorme bâtiment, cossu et étincelant de lumières du sol au plafond, comme défiant tous ceux qui passaient à proximité. Il l’avait conçu comme un monument en son honneur, et il avait d’ailleurs raison, mais pas de la manière qu’il imaginait. Lors de ses premières années d’exploitation, le Flamingo avait défié toutes les règles du jeu, et perdu énormément d’argent. C’était la faute à la malchance, se plaignait Siegel, mais ses investisseurs voyaient ça d’un mauvais œil. Ils l’avaient encore moins bien pris quand il avait refusé de rétrocéder le système de paris à distance de la côte Ouest au syndicat du crime national. Le 20 juin 1947, Bugsy Siegel avait été abattu à Beverly Hills, au 808 North Linden Drive – dans la maison qu’il avait achetée pour sa maîtresse, Virginia Hill. Trois jours auparavant, Mlle Hill avait opportunément quitté le pays pour quelques jours de vacances en France. À Las Vegas, la mémoire de Siegel est encore célébrée avec respect. Le Flamingo est une sorte de Rubik’s Cube des années d’après-guerre : une idée géniale et foutraque dont les autres pourraient tirer profit. Les casinos ont surgi de terre les uns après les autres, et la route qui sortait de la ville en direction de l’ouest est devenue le Strip. Elle s’étend désormais sur plus de dix kilomètres dans le désert de Clark County, palace après palace, folie architecturale après folie architecturale.
Les casinos trônent sur la terre brûlante comme des jouets extravagants échoués sur la plage, leurs enseignes clignotant, nous faisant de l’œil, s’emberlificotant, étincelant follement, comme s’ils vivaient leur chant du cygne, avant que la batterie s’épuise. “Las Vegas”, a écrit Tom Wolfe, “est la seule ville au monde dont l’horizon n’est pas constitué d’immeubles, comme à New York, ou d’arbres, comme à Wilbraham dans le Massachusetts, mais d’enseignes. On peut admirer Las Vegas à près de deux kilomètres de distance depuis la Route 91 sans apercevoir aucun immeuble et aucun arbre, juste des enseignes”. Mais ce que ces enseignes signalent avec tant de véhémence sont plus des invitations au fantasme qu’à la chance. Le Strip est un Disneyland pour quadragénaires, ses hôtels ne sont pas juste des endroits où dormir mais de véritables décors hollywoodiens, tous construits autour d’une idée, tous proposant à leurs invités l’opportunité d’être la star du film de leur choix. Ceux qui ont secrètement rêvé de Ben-Hur vont au Caesars Palace, où ils peuvent s’installer sur la Barge de Cléopâtre (avec vue sur les tables de jeux), tandis que leurs verres sont servis par des filles habillées en esclaves de l’Antiquité. À l’Aladdin, ce sont Les Mille et Une Nuits, au Dunes et au Sahara, on a droit à des versions édulcorées de la comédie musicale The Desert Song, et au Circus Circus, c’est Trois du cirque, avec ses trapézistes qui voltigent au-dessus de votre tête pendant que vous jouez et qu’une légion de spectacles répétitifs occupent vos enfants. Chacun possède son monde à lui, avec des staffs de plus de trois mille personnes, avec sa propre piscine, son gymnase, ses galeries commerçantes hors de prix ; la plupart des hôtels disposent également de courts de tennis ou de parcours de golf, proposent des dîners-spectacles élaborés, avec des célébrités et de nombreux acteurs, encore plus luxueux et coûteux que les comédies musicales de Broadway. Réunis tous ensemble, ces hôtels constituent une version cinématographique de la Borscht Belt, cette région des Catskill à la mode après-guerre sur la côte Est, surnommée les Alpes juives, à laquelle on aurait ajouté le jeu comme élément moteur supplémentaire de fantasme et de défoulement. Ils proposent également à tous, même ceux qui ont peu d’argent en poche, une illusion d’opulence, de luxe et du service obséquieux habituellement réservé aux très riches. Pendant les quelques jours où sa cagnotte subsiste, le touriste de passage à Las Vegas peut se sentir, de bien des manières, star de cinéma.
Le client type des hôtels du Strip est un quadragénaire de la classe moyenne – plus d’un quart des clients sont diplômés, et un cinquième sont entrepreneurs –, et cela convient parfaitement aux casinos, qui sont plus intéressés par le flux des joueurs que par les très gros flambeurs. C’est pour cette raison qu’ils n’arrivent pas à attirer les milliardaires arabes du pétrole qui préfèrent alimenter l’économie européenne du jeu. Les Arabes, m’a-t-on expliqué, trouvent que les règles de Las Vegas sont trop strictes. S’ils misent le maximum d’une table sur un numéro plein à la roulette, ils ne peuvent même pas doubler sur un cheval, un triplet ou un quart, afin de multiplier par trois ou quatre leurs opportunités de gagner, comme cela se fait à Londres. Les multinationales qui possèdent désormais la plupart des casinos ne veulent pas de gagnants ou même de perdants à hauteur de millions de dollars. Ils préfèrent des clients plus réguliers et modérés – ceux qui sont prêts à gagner ou à perdre des dizaines de milliers de dollars tout au plus. Ce qui, bien sûr, est déjà suffisant pour raser la plupart d’entre nous. Mais dans le monde du jeu à très hautes limites, l’ordre des choses est bien différent, et Las Vegas en est ressortie perdante. Ses casinos génèrent plus d’un milliard de dollars par an, mais de manière démocratique, grâce à une douzaine de millions de visiteurs du week-end, de congressistes, de touristes de passage et de quelque soixante mille couples utilisant la deuxième industrie de la ville : les mariages minute.
Il existe deux exceptions à cette règle, et elles convergent chaque année au même moment, à la fin du printemps. Las Vegas accueille les parties de poker les plus chères et les plus élevées au monde, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, durant les cinquante-deux semaines de l’année. Elle dispose également du Binion’s Horseshoe – le seul casino où les tables n’ont pas de limites de mise. Le joueur du Horseshoe a le droit de déterminer ses propres limites lors de sa première mise. En 1980, par exemple, un homme a débarqué du désert avec deux valises, l’une vide, et l’autre contenant 777 000 $ en billets de cent. Il a amené les valises à la cage située à l’arrière du casino, afin de changer ses jolies liasses en jetons puis, escorté par les agents de sécurité des lieux, il a posé ses racks de jetons à une table de craps, a tout misé sur un seul coup de dé, a gagné, est retourné à la cage avec le double de jetons, a rempli ses deux valises de liasses de billets, puis s’en est allé. Son seul commentaire a été : “Je me suis dit que l’inflation allait me bouffer mon capital de toute façon, donc je préférais doubler ou tout perdre d’un coup.” Il n’est jamais revenu.
À Las Vegas, cette scène ne pouvait avoir lieu qu’au Binion’s. Les grands casinos du Strip, derrière leur opulence et leur glamour de façade, n’auraient jamais envisagé d’accepter une telle mise, car leurs dirigeants ne sont guère plus que des employés d’organisations multinationales aux bureaux délocalisés. Le Horseshoe, par contre, est une entreprise familiale, fondée par Benny Binion, et dirigée par lui et ses deux fils, Jack et Teddy. L’un d’entre eux est toujours présent quand une telle décision doit être prise. Jack Binion, un quadragénaire élancé et passablement dégarni, avec un faux air de campagnard naïf – gros yeux, grande bouche, nez retroussé, oreilles décollées comme des poignées d’amphore –, évoque leur politique d’absence de limites de mises avec décontraction, comme si c’était une question de philosophie commerciale : “Un des problèmes du commerce actuel en Amérique, c’est que les grosses entreprises ont arrêté d’être orientées produit pour devenir des institutions financières. À cause de l’inflation et des fusions, les types des finances ont mis la main sur le pays et sur les boîtes. Les structures commerciales ont changé, parce que c’est là que se cache le profit. Je dirais que 80 % des cinq cents premières entreprises du pays sont dirigées par des types au profil de banquiers d’investissement qui viennent du secteur financier plutôt que d’avoir monté les échelons au sein de l’entreprise dans le secteur de la production. Très peu d’opérationnels sont à la tête de grosses entreprises de nos jours. Mais je pense que ça va changer, et que dans une dizaine d’années, les opérationnels vont reprendre le pouvoir.”
Mais peut-être était-ce juste une manière indirecte de rationaliser un goût et un mode de vie personnels, puisque les Binion sont eux aussi des flambeurs et que les gros joueurs qui viennent au Horseshoe sont principalement leurs amis. Les Binion ont déjà joué aux cartes avec eux, ou au golf et au tennis ; ils en ont même financé quelques-uns lorsqu’ils étaient ruinés. “Dans le monde du jeu, ta vie sociale et ta vie entrepreneuriale se confondent tellement qu’elles finissent par se rejoindre”, dit Jack. Les joueurs l’expriment d’une façon encore plus nette : “Pour n’importe quel joueur qui se respecte, les Binion incarnent le jeu à Vegas”, m’a-t-on expliqué. Les joueurs de poker professionnels avec lesquels j’ai discuté sont également unanimes dans leur rapport avec la famille Binion : ils n’éprouvent pas uniquement de l’admiration mais aussi – et c’est encore plus rare dans ce monde fermé et marginal du jeu – de l’affection. Ce sentiment est presque palpable dans ce casino miteux, mal éclairé et rempli nuit et jour. “On est petit”, dit Jack Binion. “C’est pour ça qu’ici, tout le monde est l’un sur l’autre. Mais les gens s’éclatent, et c’est ce qui fait qu’il y règne une atmosphère incomparable. Cela fait longtemps qu’on est là, et j’aime dire qu’on est un casino créé par des joueurs, pour les joueurs. Non pas que les autres établissements soient juste là pour plumer les touristes, mais ceux qui viennent chez nous sont des connaisseurs. On est le meilleur plan de la ville : rien de superflu, presque du self-service, mais avec les meilleurs prix possibles.”
Cette atmosphère locale et familiale ne serait pas possible au beau milieu des palaces pseudo-hollywoodiens du Strip, et cela ferait même tache. Le Horseshoe appartient au Downtown de Las Vegas, une entité géographiquement à part aussi connue sous le nom de Glitter Gulch – accessible en taxi depuis le Caesars pour 8 dollars, ou à vingt minutes en bus –, où les joueurs de Los Angeles débarquent par cars entiers, comme des travailleurs immigrés dans les fermes fruitières de Californie, et où les hôtels n’ont ni courts de tennis, ni parcours de golf, ni salles de gym, et seuls certains d’entre eux disposent de piscines (plus petites que celles des pavillons de la banlieue de Phoenix) cachées sur leurs toits. Le Downtown de Las Vegas est réservé au jeu ; il n’y a rien d’autre à faire, nulle part ailleurs où aller. Fremont Street est bordée de boutiques vendant des vêtements bon marché, des souvenirs hideux, des bagues en zircon et de la pornographie. À quatre blocs de là, on trouve plus de prêteurs sur gages que dans tout le Grand Londres. Mais je n’y ai croisé qu’un seul magasin, un seul Tout à 10 cents, et aucun endroit où acheter de la nourriture ou des fruits. Les magasins normaux y sont interdits, tout comme la vie quotidienne, réservés aux centres commerciaux et aux banlieues.
Glitter Gulch est réservé aux gens de passage, la plupart âgés et repérables de loin : des vieilles en pantalon vert fluo, jaune banane ou orange de Floride pétant, agrippées à un gobelet rempli de petite monnaie dans une main, le levier d’un des 50 000 bandits manchots de Vegas dans l’autre ; des vieux aux dents en plastique et costard bleu ciel en plastique en train de jouer au craps à 1 dollar, au black-jack à 50 cents et au Stud Limit poker à 3 dollars ; des épaves en fauteuil roulant ou derrière des déambulateurs, des bossus, des difformes, des squelettiques et des obèses claquant leurs aides de la sécurité sociale, leurs pensions d’invalidité et leurs retraites, attendant leur heure et le miracle d’un jackpot qui transfigurerait leurs dernières années marquées par le dénuement. Tous sont animés d’une ferveur digne du sabbat des sorcières de Walpurgis, un mélange d’optimisme du joueur mâtiné de nostalgie. À L’ANCIENNE, hurlent les enseignes de néon, en plus des CONSOMMATIONS AU BAR 50 CENTS, GAGNEZ UNE VOITURE 25 CENTS, ASPIRINE & TENDRESSE A VOLONTE. Pour ces Snopes des Temps modernes, telles les canailles du roman de Faulkner, Glitter Gulch constitue le dernier arrêt, absurde, sur le lent chemin qui mène au cimetière.
Les jeunes sont plus rares, et guère plus présentables. La jeunesse bien mise, au menton impérieux, qui semble déferler avec grâce et confiance dans tout le reste des États-Unis et également l’incarner en ambassadeurs triomphants auprès de l’Europe, a totalement évité le Downtown de Vegas. Ici, homme ou femme, on affiche des fesses proéminentes, des ventres de buveurs de bière et une peau grumeleuse à force de Big Mac et de frites. Les garçons ont les bras tatoués, et les têtes des filles sont permanentées et décolorées si ardemment qu’une chevelure naturelle semble d’origine divine ; vous la regarderiez l’air ébahi en vous demandant, mais qui est-ce donc ?
Les jeunes comme les vieux ne sont pas pires que les touristes du Strip ; ils sont simplement moins nombreux et considérablement plus bornés. Comme Glitter Gulch incarne l’essence du jeu, son esprit est dénué de prétention au glamour ou au luxe, ou même aux vacances. Les gens sont simplement là pour jouer, et la plupart d’entre eux finiront à un moment ou un autre par tenter leur chance au Horseshoe. C’est le décor naturel pour les World Series of Poker.

Al Alvarez (1929-2019) était un poète, critique littéraire (The Observer, The New Yorker) et professeur d’université anglais qui décide de tout quitter pour écrire des essais sur les sujets qui le passionnent et qui l’obsèdent : l’escalade, le poker, le suicide, le divorce, la poésie, la nage quotidienne dans un lac... Ses livres ont reçu de nombreux éloges et eu un excellent accueil critique et public dans le monde anglophone.

Bibliographie