C’est la fête à Humahuaca et, les soirs de fête, le papa de Pablo et Dolorès raconte des histoires. Il raconte le vent dans les roseaux du lac Titicaca et l’amitié de l’âne Gougou avec la grenouille Nénette; le courage de la poule Bianca en face de SSSik le serpent et la révolte du facteur Pigeon, parti dans les nuages avec Kiki le Condor...
Un livre écrit par un papa voyageur qui voulait que ses petits puissent s’endormir en l’écoutant, même lorsqu’il était loin.
Illustrations de Joëlle Jolivet
co-édition avec le Seuil Jeunesse
Parallèlement Bernard Giraudeau a enregistré un CD dans lequel il raconte ses contes. Ce CD est produit par Naïve.
Le disque a été retenu dans la sélection du guide de Noël 2002 de la Fnac.
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Les Contes d'Humahuaca, c'est un livre (Seuil/Métailié, 52 pages, 10 €) et un disque (Naïve, 7 contes musicaux, 6 chansons. Durée 72') Le livre est merveilleusement illustré par Joëlle Jolivet, une dessinatrice de 37 ans. Particulièrement à l'aise dans le dessin animalier, elle admire le travail de Calvo, Benjamin Rabier et du Maus de Spiegelman. « Je me suis efforcée d'insister sur le caractère des personnages et de ne pas m'échouer sur l'écueil de l'anthropomorphisme », explique-t-elle. Le disque est mis en musique par Oswaldo Torrès, l'ami chilien de Bernard Giraudeau. L'acteur dit son texte et fait toutes les voix des personnages. Il pousse même la chansonnette. Avec talent et humour.Alain BessecOUEST FRANCE
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L'an dernier, Bernard Giraudeau dévoilait ses talents d'écrivain au fil des pages du « Marin à l'ancre », chronique de ses voyages racontée à « l'ami immobile ». Cette fois-ci, l'acteur-voyageur s'adresse à un autre public. « Il y a longtemps, j'étais dans les Andes pour un long tournage. Mes enfants me manquaient. J'ai voulu leur raconter des histoires », annonce l'auteur en guise de préambule. Ces contes, inventés chaque soir, réapparaissent sous la forme d'un album illustré par Joëlle Jolivet. L'écrivain s'aventure dans le petit village de Humahuaca. Au gré de son imagination, on croise un ?ne qui sympathise avec une grenouille, un pigeon rebelle qui rêve de voyage, des serpents dorés et des flûtes qui chantent avec le vent, voire une truite poussée par le goût de l'aventure. Bernard Giraudeau tisse ses légendes d'une plume légère et joyeuse. C'est délicat sans être sucré, enfantin sans mièvrerie, à l'unisson des personnages dessinés par Joëlle Jolivet. Un livre à mettre entre toutes les mains, y compris celles des parents. Et pour ceux qui souhaitent prolonger le voyage, la voix de Bernard Giraudeau accompagnée de la musique d'Osvaldo Torrès est disponible sur CD.Frédérique BréhautLE MAINE LIBRE
La Fête à Humahuaca
AUJOURD'HUI, C'EST LA FÊTE À HUMAHUACA,
un petit village des Andes. Tous les enfants ont mis leurs très beaux habits
rouge, bleu, vert et leurs bonnets à oreillettes. Beaucoup sont venus de très
loin dans de vieux camions à bestiaux qui toussent très fort à cause de
l'altitude. Les jours de fête, le papa de Pablo et Dolorès a l'habitude de
raconter des histoires à tous les enfants du pays qui sont assis en cercle
autour de lui. C'est le conteur de la Quebrada d'Humahuaca. Il fait voler son
poncho comme un grand oiseau de bon augure, tout à coup s'arrête, fait un
signe à un homme qui frappe sur son tambour et demande aux enfants:
"Quel est ce coeur qui bat?"
Silence.
"C'est le tambour qui a mal. Les tambours sont fabriqués avec des peaux de
chèvre et quand on leur tape dessus, les anciens affirment que c'est le cœur
de l'animal qui se plaint.
Et le Charango? Connaissez-vous son histoire?
- Non ", répondent les enfants.
Bien sûr, tout le monde connaît son histoire mais les enfants savent si bien
mentir et le papa de Pablo et Dolorès connaît si bien les enfants.
"Alors je vous la raconte. Une belle araignée avait tissé sa toile dans
la carapace vide d'un tatou. Une feuille agitée par le vent effleurait les
fils. La musique était si belle que le vieux berger qui gardait ses lamas
revenait chaque jour pour l'écouter. Quand le vent n'agitait plus la feuille,
il regardait l'araignée danser sur les fils. Un jour, elle disparut. Le berger
s'empara de la carapace et caressa les fils fragiles. La musique était douce.
Il voulut jouer plus fort mais rompit la toile. Il resta seul dans le silence.
La musique lui manquait. Il ne pouvait vivre sans elle. Alors, il tendit des
fils de soie très fins et très solides au travers de la carapace et c'est
ainsi que le Charango est né. C'est une histoire que le vent m'a racontée, je
suis très ami avec le vent, c'est lui qui a inventé la musique et les hommes
n'ont fait que l'imiter. C'est ce qu'a fait un jour le sorcier des roseaux, le
fou du vent."
Le poncho du conteur vole et balaie la poussière.
"Un jour, il y a très longtemps, au bord du lac Titicaca, très haut dans
les Andes, où seuls poussent des roseaux, un lac sans arbres, un lac près
duquel vivent quelques Indiens, un jour donc, un jour de grand froid, un homme
revenait chez lui avec sur l'épaule un énorme fagot de roseaux séchés. Il
longeait les rives glacées du lac Titicaca, quand soudain le vent se leva, sec
et piquant. Immédiatement, il entendit une musique, comme un souffle.
Il se retourna pour écouter et pour voir d'où elle venait. La musique avait
disparu. "C'est étrange", se dit-il tout seul au bord du lac
Titicaca.
Il se remit à marcher et la musique de nouveau se fit entendre, mais cette
fois, il ne s'arrêta pas et continua son chemin. Il comprit qu'il n'entendait
la musique que lorsqu'il marchait et qu'il était dans le sens du vent.
Cette musique était si proche qu'elle semblait venir de son épaule. C'était
une mélodie plaintive à l'intérieur du fagot. Il se mit à danser pour se
réchauffer les pieds et les mélodies changèrent. Il y avait plusieurs sons,
comme plusieurs flûtes, mais il ne savait pas que c'étaient des flûtes car
personne encore n'avait inventé la flûte. Il aimait cette musique. Il dansa
tout le long de son chemin. Il paraissait fou. Heureusement, il était seul au
bord du lac Titicaca ce jour de grand froid. Il se promit une fois arrivé à la
maison de chercher qui, dans ce fagot, s'était caché pour jouer une si jolie
musique. Il avait bien entendu celle du vent dans les herbes, sous la porte de
la maison, mais celle-ci était autrement plus belle.
Arrivé dans sa cabane, il posa le fagot à terre, le délia, regarda
soigneusement partout et ne vit rien ni personne, que les roseaux secs. La
musique avait disparu avec le vent. Il fit du feu, se réchauffa un peu et
décida de réfléchir à ce mystère. Il prit un roseau et le regarda
longuement. Le roseau était creux, il se dit que le vent peut-être... Il resta
ainsi dix jours et dix nuits à contempler ce fagot.
La musique lui manquait. Le vent d'hiver n'était qu'une plainte, un cri de
détresse. Ce qu'il avait entendu était doux et chaud. La dixième nuit, il
attacha des roseaux de longueurs différentes et sortit de sa cabane. Le vent
était tombé, alors il courut dans tous les sens avec son petit fagot bien
haut. Tous les gens pensèrent qu'il était devenu fou. Mais la musique revint
comme une amie. Il s'arrêta et remplaça le vent, il souffla doucement et
l'amie se fit entendre de nouveau. C'est comme ça qu'une nuit, un homme, au
bord du lac Titicaca, avec la complicité du vent dans les roseaux, inventa la
flûte des Andes. C'est lui, le sorcier des roseaux, le fou du vent, et c'est
lui qui nous fait chanter quand on est triste ou gai.
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Pourquoi tu pleures, roseau?
-C'est le vent qui chante au bord de l'eau.
- Pourquoi tu pleures, roseau?
- C'est le fou qui souffle dans mon tuyau.
- Où étais-tu, roseau ? Je m'ennuyais sanstoi au bord de l'eau.
Pourquoi ris-tu maintenant?
- C'est le vent qui chante pour les enfants.
Qui es-tu, pour parler aux roseaux?
-Je suis le fou du vent, le sorcier des oiseaux."
Je vous ai dit, chers amis,
que le papa de Pablo et Dolorès était conteur. C'est aussi un père qui aime
emmener ses enfants dans la montagne, leur faire un feu le soir et, bien
entendu, leur raconter des histoires. Après la fête d'Humahuaca, ils
décidèrent de rejoindre tout là-haut un abri de berger près du petit lac des
nuages. Pablo et Dolorès sont sur leur petit âne gris. Ils traversent le Rio
Azul qui borde une vallée de cactus en fleur. Le conteur s'arrête un instant.
"Savez-vous pourquoi les cactus ont des épines et pourquoi ils sont si
malheureux?
- Non, répondirent les enfants.
-À l'origine, les cactus n'avaient pas d'épines et poussaient partout sur la
terre. Au printemps, ils se paraient de très belles fleurs jaunes et blanches,
et tout le monde pouvait les approcher sans se blesser. Les cactus étaient
très heureux et très aimés mais les hommes se mirent à cueillir ces fleurs
magnifiques, laissant les cactus tout nus et sans parure. Pour les protéger, la
nature leur donna de nombreuses épines et à partir de ce jour, personne ne put
les approcher. Comme les cactus ne peuvent pas vivre sans amour, c'est bien
connu, pour se faire la cour, ils se firent pousser des fleurs encore plus
belles entre leurs épines. Mais les hommes qui veulent toujours tout, et
surtout ce qu'ils n'ont pas, leur jetèrent des pierres pour faire tomber les
fleurs. Alors les cactus se réfugièrent dans les endroits déserts, là où
les hommes sont si rares, dans la Quebrada d'Humahuaca, ici, près du Rio Azul,
où ils fleurissent tous ensemble pour les pierres, le soleil, les lamas, les
tatous et aussi les petits lapins."