Né dans le Kurdistan irakien, Kerim ne connaît que la guerre, le pouvoir répressif des puissants, la violence : son père est tué sous ses yeux. A peine sorti de l’enfance, Kerim prend sa place aux fourneaux de la petite auberge familiale. Jusqu’au jour où, allant rendre visite à ses grands-parents dont la famille est sans nouvelles, il est capturé et enrôlé de force dans les rangs de ceux qui se nomment « les combattants de Dieu » : il ne s’en libèrera qu’au prix d’un crime.
Il n’aura dès lors qu’une idée : quitter l’Irak le plus vite possible et gagner clandestinement l’Europe, et plus précisément l’Allemagne.
Après une traversée clandestine épouvantable il débarque chez l’un de ses oncles à Berlin et commence une vie nouvelle. Là, l’intégration dans le quotidien européen ne ressemble pas à ce qu’il avait imaginé, son passé le rattrape, lui colle à la peau. L’échec est programmé.
Sherko Fatah révèle la puissance de son style dans cette évocation de l’inéluctabilité du destin de ses héros, aux prises avec les différentes formes des extrémismes, leurs multiples pouvoirs de séduction et leurs conséquences.
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« Kerim semble être né pour la souffrance. Né dans le Kurdistan irakien, où l'oppression est latente, il assiste à l'assassinat de son père. Puis, enrôlé de force par les "Combattants de Dieu", il ne peut s'en échapper qu'au prix d'un crime. Il survit alors à une traversée clandestine vers Berlin, où la vie légendaire qui devait l'y attendre n'est qu'une parenthèse annonçant son tragique destin. Sherko Fatah s'enfonce avec un réalisme sec, dénué de tout apitoiement, dans le quotidien kurde : si ses personnages semblent avancer avec des œillères pour essayer d'accepter la réalité, aucun n'échappe pourtant à son regard acéré. La pauvreté suinte dans chacune de ses descriptions et l'inhumanité transpire de tous les protagonistes. Toute la puissance de son style est là : avec une âcreté toxique, il déploie toute sa rage à l'égard des fanatiques qui utilisent les jeunes dont le quotidien est délétère et l'avenir tout tracé. Et, d'une plume poétiquement féroce, il révèle l'indicible. Avec Sherko Fatah, certes, le navire est obscur, mais il n'en reste pas moins magnifique. »
Nadège BadinaLIBRAIRIE BIRMANN MAJUSCULE (Thonon-les-Bains)
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Plus d'infos ici.Geneviève BridelRSR LA PREMIERE
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Plus d'infos ici.Marie- Anne SburlinoSUR LA ROUTE DE JOSTEIN
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Plus d'infos ici.Bruno EssardOPOTO.ORG
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Plus d'infos ici.Dominique Baillon-LalandeENCRES VAGABONDES.COM
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Plus d'infos ici.TOURNEZLESPAGES’S BLOG
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« On ne sait vraiment vers où l’écriture sobre et puissante de Sherko Fatah nous conduit mais elle nous maintient en éveil. »Jean-Marie DinhLA MARSEILLAISE
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« Les violences qui ont déchiré l’Irak et le désarroi de ses émigrés quand ils cherchent à refaire leur vie ailleurs sont des thèmes constants des romans de Sherko Fatah. »René FuglerDNA
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« On sera immédiatement saisi, séduit, emballé. »Daniel MartinLA MONTAGNE
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« Il y a du Dostoïevski dans ce roman. ». Plus d'infos ici.Mustapha HarzouneLE MAGAZINE DE LA CITE NATIONALE DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION
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« On ressent presque dans sa chair l’impact du fanatisme et de l’oppression sur l’existence de cet homme ordinaire. Un grand roman. »Isabelle DesobryAXELLE
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« Une plongée inquiétante dans les dérives violentes du monde contemporain. »Pierre SchaveyTHE LION MAGAZINE
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« Sherko Fatah appartient à une génération d’auteurs kurdes-allemands qui ont choisi de dire dans la langue de Goethe le tiraillement entre les mondes ; son écriture précise fait vivre aussi bien les montagnes du nord de l’Irak que les bas-fonds de Berlin, laissant le lecteur dans un balancement lancinant. »Frédéric SarterETUDES
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« Un livre important, et remarquablement bien écrit. »PARIS BERLIN
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« Une terrible histoire qui sonne juste et vraie pour des milliers de Kerim, originaires d’Irak ou d’ailleurs, échouant sur les plages de sable italiennes ou croupissant dans les bas-fonds de nos capitales. »Yonnel LiegeoisNVO
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« L’enfance de la terreur » à lire ici.Dominique ConilMEDIAPART
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« Du Kurdistan irakien, où il est né, aux faubourgs de Berlin, où il rejoint son oncle au terme d’une éprouvante traversée clandestine, le parcours de Kerim, un jeune homme en quête de lui-même et d’une vie meilleure, d’une vie où il peut échapper à la répression, à la guerre, aux extrémistes, à la trahison. »COURRIER INTERNATIONAL
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« Le Navire obscur prouve une fois de plus que le roman est une remarquable machine à dévoiler le réel. On y découvrira que ces hommes, que l’Occident a contribué à faire ce qu’ils sont, sont aussi une part de notre avenir. »François EychartL’HUMANITE
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«Un récit d’aventures doublé d’un impitoyable roman politique.»Pierre DeshussesLE MONDE DES LIVRES
PROLOGUE
C’était une journée d’été, chaude mais suffisamment venteuse pour qu’on ne le sente pas vraiment. Les ombres noires des nuages couraient sur les plaines et les coteaux comme si des vaisseaux spatiaux avaient traversé le bleu profond du ciel. C’était peut-être le plus beau jour de sa vie, pas à cause de cette lumière légère et de la douceur du vent, non : en cette journée tardive qui s’écoulait avec insouciance, il ressentait pour la première fois ce calme profond qu’assure la beauté, mais en éprouvait aussi la vanité.
À cette saison, les vieilles femmes sortaient de chez elles pour cueillir les herbes médicinales. Elles savaient à quel moment et en quel lieu précis elles devaient se rendre pour trouver telle ou telle plante. Elles n’avaient pas à monter bien loin, juste sur la colline. C’est là qu’il la vit : une petite file indienne qui remontait, comme si souvent déjà, le sentier que la végétation n’envahissait jamais totalement. Elles parlaient et riaient fort ; ici, dehors, elles étaient enfin entre elles, éloignées pour quelques heures des salles closes et des règles à respecter. Si elles avaient regardé autour d’elles, elles aussi auraient été frappées par l’intangibilité des herbes sauvages, des ombelles et des pierres chaudes. Mais elles balançaient leurs corbeilles et leurs tenues aux couleurs vives battaient au vent, elles avaient trop à faire les unes avec les autres. Il les envia presque d’être si entièrement absorbées par cette journée qui les encadrait comme une gigantesque fenêtre ouverte. Il leur courut après lorsqu’elles disparurent derrière les collines, juste pour continuer à les voir, minuscules mais pas perdues, et s’arrêta sur la hauteur. Il ne sentait plus la solitude ici, à l’extérieur, pas plus que l’âpre isolement de ces lieux, il voyait le paysage comme une main ouverte. Il respirait lentement. Je suis encore un enfant, se dit-il un bref instant, mes poumons ne sont pas assez larges pour cette journée. Et même s’ils l’étaient, pressentait-il, je ne pourrais jamais pénétrer assez profondément en elle.
Les femmes s’étaient dispersées dans le lointain et avaient commencé la récolte des herbes. Le bruit s’éleva, un faible écho, plus avalé que répercuté par les falaises. C’était un hélicoptère, il brillait aux rayons de la lumière tardive qui donnait même une note joyeuse à sa peinture de camouflage. Il se protégea les yeux avec la main et regarda le ciel. Il vit les deux rotors, au centre et à l’arrière, et entendit le tonnerre qui enflait. Mais rien, pas même cette machine, n’était capable de déranger la paix profonde qui régnait sur les collines. L’hélicoptère poursuivit sa course, revint et décrivit un large cercle au-dessus de lui. Deux soldats étaient accroupis devant la porte latérale ouverte, l’un d’eux lui fit un signe. Ce jour-là, tout était possible : il répondit sans crainte au salut du militaire. L’hélicoptère décrivit sa trajectoire et descendit au sol avec une lenteur irréelle. Il en avait ressenti le désir secret et enfantin, et c’était devenu une réalité : l’appareil atterrit, très loin de lui sans doute, mais il atterrit. Ils vont peut-être m’emmener, se dit-il ensuite, je vais peut-être pouvoir voler avec eux.
Il se mit à courir en faisant signe et en appelant, des pierres au bord tranchant et des buissons de chardons piquants jalonnaient son chemin, mais rien ne le fit trébucher, rien ne lui causa la moindre douleur. À une grande distance, un nuage de sable tourbillonnant enveloppait l’hélicoptère, des roseaux séchés tournoyaient dans l’air. C’est trop loin, je n’y arriverai pas, se dit-il au moment où il vit les deux soldats sauter de l’appareil et courir, courbés, vers les femmes. Celles-ci avaient posé leurs corbeilles, tenaient les mains sur les hanches ou sur le front, elles regardaient les hommes qui approchaient. Il vit les soldats les pousser vers l’hélicoptère, il aperçut indistinctement la scène à travers la poussière, et il s’arrêta sur place. Je n’y arrive pas, regretta-t-il une fois encore, mais le simple fait que cette scène se soit produite, cette sortie totale et absolue de l’ordinaire, le consola. Debout, immobile, il les regarda décoller, d’abord par à-coups, puis dans une course irrésistible, comme tirés vers le ciel, jusqu’à ce qu’ils s’arrachent au nuage de poussière, en dessous d’eux. Avec légèreté, l’hélicoptère se pencha sur le côté et décrivit une nouvelle fois sa large courbe, s’éleva peu à peu jusqu’à l’instant où, libéré, il sembla partir à la nage dans le ciel. Lui les suivit du regard, en leur faisant signe une nouvelle fois. Et de fait, l’appareil se rapprocha, le tonnerre gronda de plus en plus fort, jusqu’à le forcer à se boucher les oreilles. La tête levée vers le ciel, il vit les femmes. C’est alors qu’elles tombèrent, précipitées l’une après l’autre par la trappe, elles brillèrent dans la lumière, les bras écartés, et comme pour les retenir, le vent tirait sur leurs vêtements.