L’Art de la Joie, façon Rosa Montero !… C’est peu de dire qu’on l’attendait avec ferveur, la traduction de ce nouveau roman de l’une des plus talentueuses auteures de l’Espagne contemporaine, et nous voici comblés, illuminés par cette lecture. On y retrouve l’extrême finesse de l’analyse psychologique, la profonde sensibilité qui imprégnait « L’Idée ridicule de ne plus jamais te revoir » (traduit chez Métailié en 2015), mais aussi le prodigieux talent de l’écrivaine pour construire des intrigues à tiroirs, confrontant des personnages aux personnalités complexes et aux parcours de vie tortueux, interagissant les uns avec les autres pour changer des destins dont le cours semblait irrémédiable, selon un schéma narratif déjà efficacement rodé dans le magnifique « Instructions pour sauver le monde » (Métailié, 2010). Au début du livre, le passager d’un train observe, avec fascination, lors d’un arrêt dans la gare d’un bled perdu, la façade miteuse d’un appartement à vendre. Quand le train s’arrête dans la gare suivante, il descend et s’empresse vers un guichet pour prendre un billet de bus, monte dans le car qui le ramène vers la localité concernée, fait des pieds et des mains, sous les regards héberlués du propriétaire – néanmoins ravi de l’aubaine… - et du notaire, pour acheter immédiatement ce misérable appartement… Un acte apparemment insensé, qui installe d’emblée le lecteur dans un épais mystère : qui est cet homme ? Que cherche-t-il, là, à Pozonegro (« Puits noir », littéralement, et comme le nommera plus loin un des personnages, non sans rapport avec ce patronyme, le Trou du cul du Monde !), dans un lieu où il apparaît, en raison de sa mise soignée et de ses manières très policées, comme l’étranger absolu ? Un endroit où se cacher ? Peu à peu, tandis qu’il s’installe, avec le plus de discrétion possible, dans le village, et commence à croiser commerçants et voisins, on en apprend un peu plus sur ce personnage, architecte visionnaire, renommé dans le monde entier, au sommet de la gloire et de la prospérité financière, mais hanté, apparemment, par d’insondables secrets, poursuivi par de terribles et obscures menaces… Autour de lui, l’incompréhension de son ancienne collaboratrice et amante occasionnelle, la cupidité et la méchanceté de l’ex-propriétaire, la curiosité des autochtones inquiets de cette présence incongrue, le ballet de quelques individus louches ajoutent leur lot d’énigmes. Mais la rencontre avec Raluca, une voisine roumaine au passé tourmenté, va peu à peu modifier le visage du quotidien… Vrai thriller, bâti autour d’une intrigue aux multiples rebondissements, « La Bonne chance » est aussi une formidable histoire d’amour, évitant tous les obstacles de la mièvrerie, et un poignant récit de rédemption, presque un roman d’initiation, voire une allégorie de l’éternel combat du Bien contre le Mal, un de ces livres en tout cas dont on ressort illuminé, et pour longtemps ! Rosa Montero, qui l’a rédigé dans une période d’épreuves personnelles, a déclaré à quel point son écriture et, en particulier, l’apparition, comme suscitée par une étonnante force extérieure à l’auteure, de la personne de Raluca dans le texte, avec ses étonnants pouvoirs, l’avaient sauvée elle-même d’une forme de désespoir. Alors, en faut-il plus pour vous convaincre, dès parution, d’ouvrir ce livre au plus tôt ? Allez, descendez du train, prenez pied sur ce quai inconnu, et suivez, pour la plus belle des promenades littéraires, les pas de Pablo et de Raluca…
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