Dans la sélection Télérama des cinq meilleurs policiers de la rentrée
L’hiver est froid et dur en Laponie. À Kautokeino, un grand village sami au milieu de la toundra, au centre culturel, on se prépare à montrer un tambour de chaman que vient de donner un scientifique français, compagnon de Paul-Emile Victor. C’est un événement dans le village. Dans la nuit le tambour est volé. On soupçonne les fondamentalistes protestants laestadiens : ils ont dans le passé détruit de nombreux tambours pour combattre le paganisme. Puis on pense que ce sont les indépendantistes sami qui ont fait le coup pour faire parler d’eux.
La mort d’un éleveur de rennes n’arrange rien à l’affaire. Deux enquêteurs de la police des rennes, Klemet Nango le Lapon et son équipière Nina Nansen, fraîche émoulue de l’école de police, sont persuadés que les deux affaires sont liées. Mais à Kautokeino on n’aime pas remuer les vieilles histoires et ils sont renvoyés à leurs courses sur leurs scooters des neiges à travers l’immensité glacée de la Laponie, et à la pacification des éternelles querelles entre éleveurs de rennes dont les troupeaux se mélangent. Au cours de l’enquête sur le meurtre Nina est fascinée par la beauté sauvage d’Aslak, qui vit comme ses ancêtres et connaît parfaitement ce monde sauvage et blanc.
Que s’est-il passé en 1939 au cours de l’expédition de P-E. Victor, pourquoi, avant de disparaître, l’un des guides leur a-t-il donné ce tambour, de quel message était-il porteur ? Que racontent les joïks, ces chants traditionnels que chante le sympathique vieil oncle de Klemet pour sa jeune fiancée chinoise ? Que dissimule la tendre Berit malmenée depuis cinquante ans par le pasteur et ses employeurs ? Que vient faire en ville ce Français qui aime trop les très jeunes filles et a l’air de bien connaître la géologie du coin ?
Dans une atmosphère à la Fargo, au milieu d’un paysage incroyable, des personnages attachants et forts nous plongent aux limites de l’hypermodernité et de la tradition d’un peuple luttant pour sa survie culturelle. Un thriller magnifique et prenant, écrit par un auteur au style direct et vigoureux, qui connaît bien la région dont il parle.
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« Ce polar "nordique" est très fort ! Enfin un auteur français qui revivifie le genre avec un vrai style... depuis quand je n'avais pas lu un bon roman noir d'un auteur de chez nous ? hein ? »
Gilles Million -
« Je viens de finir Le dernier Lapon d'Olivier Truc qui est un véritable coup de coeur autant pour le fond que pour la forme. J'ai aimé cette découverte de la Laponie, de la culture des Samis, de cette brigade très originale des rennes mais également la complexité pour cette culture enclavée sur plusieurs pays.
Ce roman comme un joïk résonne encore au fond de moi et j'ai envie d'en parler au plus grand nombre »Sophie PeugnezFnac (Caen) -
«c’est très réussi, très maîtrisé, et on a un plaisir incroyable à le lire. L’univers en fait aussi tout le charme, c’est original à souhait, sans faire « exotique » non plus. Bref, un polar sacrément réussi (..).»
Natacha de la Simone -
« Ce 10 janvier, à Kautokeino, en Laponie centrale, plusieurs événements se préparent : le soleil va enfin renaître et rendre aux hommes leurs ombres ; puis, au Centre culturel sami, sera présenté en grandes pompes, un tambour de chaman, une pièce rare, première du genre à revenir sur les terres de ses ancêtres. Mais, le vol du tambour dans la nuit, puis le meurtre d'un éleveur de rennes va bouleverser la petite communauté. Persuadés que les deux affaires sont liées, le Lapon Klemet Nango, enquêteur désabusé de la police des rennes, et son équipière, la jeune Nina Nansen, dont c'est la première affectation, mènent l'enquête. Des fondamentalistes protestants aux indépendantistes sami, en passant par les éleveurs de rennes, toujours prompts à se quereller pour le territoire alloué à leurs troupeaux, ils devront remuer de vieilles rancoeurs, dont certaines remontent à la guerre et à l'expédition de Paul-Émile Victor en 1939, déchiffrer l'iconographie mystérieuse des tambours sami et les paroles sibyllines des joïks, les chants traditionnels.
Écrit par un Français visiblement maître de son sujet, ce premier roman aux allures de «polar scandinave» déroule, dans un paysage fascinant, une galerie de personnages passionnants et hauts en couleurs, comme Aslak le berger, à la beauté magnétique, héritier et gardien de traditions ancestrales. »Sarah ClémentLibrairie Interlignes (Limours) -
« Un roman à l’antipode des romans nordiques habituels, ça fait vraiment du bien. »
Ladislas BraultLibrairie de Bagatelle ( ) -
« Ce livre est de ceux que l'on referme avec une petite pointe de regret dans le cœur, car oui, c'est la fin du voyage. Une fin terrible, qui vous donnera envie de sauter pieds nus dans la neige, d'écouter des chants traditionnels lapons, d'enfiler un pantalon en peau de renne et de vous élancer, tel un Vatanen à skis, au milieu d'une nature profonde et insondable. A lire et à relire autant de fois que nécessaire ; quand vous lèverez les yeux et que vous ne verrez plus que de grandes étendues blanches, c'est que vous serez en train de lire, pour de vrai. »
Marie Guillaud-RollinBlog des littératures, site librairie Mollat « Ces mots-là, c'est Mollat » (Bordeaux) -
« Le véritable attrait de ce polar est de nous plonger dans un environnement géographique peu familier, la Laponie. Ici le soleil disparaît totalement pendant une partie de l’année et les conditions climatiques polaires semblent incompatibles avec l’activité humaine. Et pourtant les bergers samis continuent de vivre de leur activité traditionnelle d’élevage de rennes et il existe une police des rennes pour réguler cette activité. Les deux personnages principaux en font partie et nous allons plonger avec eux au cœur de l’histoire enfouie de cette région qui est au centre de tensions politiques et communautaires et fait l’objet de nombreuses convoitises pour ses ressources. Par le biais d’une intrigue bien menée le roman nous fait découvrir l’histoire des samis, peuple aborigène minoritaire dont la survie culturelle est sans cesse menacée.
Roman dépaysant donc et totalement original par son sujet. Une vraie découverte comme peut l’être celle d’un territoire méconnu. »Patrick Aubonnet -
« La Laponie, sa nuit polaire, et le froid.
Le décor est planté.
Les éleveurs de rennes, peuple sami, vivent en marge de la ville.
Une exposition dans la petite ville de Kantokeino et le meurtre d'un éleveur vont bouleverser la vie tranquille de ce peuple.
Deux flics mènent l'enquête, un troisième veut se l'approprier à des fins politiques.
Ethno-polar qui nous emporte, nous glace et fait que l'on a envie d'aller voir ces gens riches dans leur cœur. »
Lydie Zannini
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Le Dernier Lapon, "coup de cœur des voix d'Inter" : écouter l'émission ici
Yves DecaensFrance Inter -
"L'auteur a imposé son style, direct, musclé." Article à lire iciMarc GadmerFemme actuelle jeux
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"Pour sûr, Olivier Truc a... quelque chose! Ce roman devrait vous tenir en haleine jusqu'au bout de la nuit." Article à lire iciMarc GadmerFemme actuelle Jeux
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Catherine Fruchont-ToussaintRFI
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Plus d'infos ici.BLOG « Critique-moi »
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Plus d'infos ici.BLOG « Appuyez sur la touche lecture »
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Plus d'infos ici.Serge CabrolENCRES VAGABONDES
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Plus d'infos ici.Philippe HugotBAZ'ART
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Plus d'infos ici.Eivlys TonegLEXNEWS
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« Le dernier Lapon est un des meilleurs romans de la rentrée pour le dépaysement complet, pour une galerie de personnages d’une grande justesse, pour une histoire riche en rebondissements et habilement contée. L’auteur semble avoir encore beaucoup de choses à révéler sur cette région et les communautés qui y vivent. On ne peut que l’encourager à continuer à écrire de façon aussi passionnante. ». Plus d'infos ici.Serge PerraudLE LITTERAIRE.COM
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Plus d'infos ici.LA CAUSE LITTERAIRE
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Plus d'infos ici.Sophie PeugnezZONE LIVRE
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Plus d'infos ici.SofyZONE LIVRE
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Plus d'infos ici.« C’est à lire »RTL
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Plus d'infos ici.L'EXPRESS.FR
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Plus d'infos ici.Corinne NaidetEmission la Noir'Rôde
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Plus d'infos ici.Guillaume AudruTERRITOIRE POLAR
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Plus d'infos ici.LE SANG NOIR
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Plus d'infos ici.« Polars »FREQUENCE PROTESTANTE
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Plus d'infos ici.K-Libre.fr
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Plus d'infos ici.SweetieUNWALKERS
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Plus d'infos ici.Nicolas FanuelSITE ENCRE
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Plus d'infos ici.Yves MabonLE BLOG DE YV
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« Un thriller magnifique et prenant, écrit par un auteur au style direct et vigoureux, qui connaît bien la région dont il parle. » Plus d'infos ici.Catherine Fruchon-ToussaintRFI
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Plus d'infos ici.« L’Humeur vagabonde »FRANCE INTER
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Plus d'infos ici.TélématinFRANCE 2
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« Un roman noir qui rendra vos nuits blanches et, sous couvert d’enquête policière au suspens haletant, un fabuleux document littéraire sur une culture en voie de disparition. »Yonnel LiégoisNVO
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« Son premier polar est une parfaite réussite. »Daniel MartinLA MONTAGNE
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« Un polar polaire sur fond de lutte entre la culture lapone et le monde moderne. Un roman aussi original que ténébreux » . Lire l'article entier ici.Jean-Claude PerrierLIVRES HEBDO
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«Ambiance polaire, traditions religieuses et querelles d’éleveurs, le Français Olivier Truc réussit un étonnant thriller qui n’a rien d’une promenade exotique »Christine FerniotTELERAMA
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« Un solide polar français qui brise les clichés sur la Laponie ». Lire l'article entier ici.Françoise DargentLE FIGARO LITTERAIRE
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« Palpitant voyage sur des terres sauvages et verglacées à la rencontre d’un peuple luttant pour préserver son identité »Philippe BlanchetLE FIGARO MAGAZINE
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« On le dévore jusqu’à la dernière page ! »Rafael PicGRANDS REPORTAGES
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« Entretien avec Olivier Truc. Au-delà du cercle polar.». Lire l'article entier ici.Jérôme DejeanPAGE DES LIBRAIRES
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« Passionnante virée dans le Grand Nord »François EstradaL'ECHO
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« Un premier roman, qui se passe en Laponie dans un paysage désertique au cœur de l’ethnie des Samis. Un meurtre a lieu et l’enquête va remonter jusqu’aux années trente, lors d’une trépidante expédition de Paul-Emile Victor. Il y a un parfum de chasse au trésor dans ce très bon livre qu’on ne lâche pas. »Olivia MauriacMADAME FIGARO
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« C’est vivant, vibrant … et très vivifiant. » Lire l'article entier ici.Alain LeuthierMARIANNE
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« Un roman puissant et documenté, qui confronte modernité et tradition. »Martine FreneuilLE QUOTIDIEN DU MEDECIN
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« Le dernier Lapon pourrait passer pour un authentique polar scandinave si ce premier roman n’était écrit par un Français, Olivier Truc. » . Lire l'article ici.LE MONDE DES LIVRES
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« Olivier Truc, journaliste, correspondant à Stockhom du journal Le Monde et du Point, se risque ainsi, à son tour, au polar ethnologique. Avec un beau succès ! Son roman a le charme un peu inquiétant des paysages qu’il met en scène. » . Lire l'article ici.Michel AbescatTELERAMA
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« Un tambour sacré, pièce chamanique maîtresse d’un petit musée au Nord de la Norvège, a été dérobé. Pas de quoi fouetter un renne ? Pour les autochtones, les Sami, si. Et c’est là que le regard d’entomologiste de Truc, correspondant à Stockholm pour Le Monde et Le Point, fait des merveilles. » Lire l'article entier ici.Julie MalaureLE POINT
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« Le polar d’Olivier Truc se lit d’un trait sans pouvoir le lâcher. »Eliette GensacLA PROVENCE
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« Un style vigoureux et une intrigue bien ficelée, jusqu’à un final éblouissant. » Lire l'article entier ici.Julien BissonLIRE
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« Un livre aussi magnifique qu’exigeant. »Michel BélairLE DEVOIR (QUEBEC)
1693.
Laponie centrale.
Aslak trébucha. Signe de fatigue. Normalement, ses pas trouvaient toujours. Le vieil homme n’avait pas lâché son paquet. Il roula sur lui-même. Le choc fut amorti par la couche de bruyère. Un lemming s’en échappa. Aslak se redressa. D’un coup d’œil derrière lui, il estima la distance de ses poursuivants. Les aboiements approchaient. Il lui restait peu de temps. Il reprit sa course silencieuse. Le visage creusé et des pommettes rebondies lui donnaient un air mystique. Ses yeux étaient enflammés. Ses pieds trouvaient à nouveau seuls la trace. Son corps se dédoublait. Il sourit, respira plus vite, à s’en faire tourner la tête, léger, le regard aiguisé, les pas infaillibles. Il savait qu’il ne chuterait plus. Il savait aussi qu’il ne survivrait pas à cette nuit doucereuse. Ils le pistaient depuis trop longtemps. Cela devait finir. Il ne perdait pas un détail de ce qui l’entourait, le plateau qui s’élevait, le mouvement des pierres, la berge élégante du lac à la forme de tête d’ours, les montagnes au loin, pelées, douces, où ses yeux distinguaient des rennes assoupis. Un torrent s’écoulait. Il s’arrêta, le souffle à peine haletant. Ici. Il fixa les lieux. Le torrent qui s’écoulait et se déversait dans le lac, les traces de rennes qui filaient dans la montagne vers l’est, où la lueur du soleil à venir indiquait le début de sa dernière journée. Il resta grave, serra son paquet. Un petit îlot s’élevait dans un coin du lac. Il s’en approcha, trancha des branches de bouleau nain à l’aide de son couteau. L’îlot était couvert de bruyère et d’arbrisseaux. Les aboiements se rapprochaient. Il se déchaussa, jeta dans l’eau les branches pour éviter de laisser ses traces dans la vase. Il continua ainsi jusqu’au rocher, grimpa, souleva les bruyères et enfouit son paquet. Il rebroussa chemin, puis il reprit sa course. Il n’avait plus peur. Les chiens couraient toujours. Plus près. Les hommes ne tardèrent pas à apparaître derrière le sommet de la colline. Aslak fixa une derrière fois le lac, le torrent, le plateau, l’îlot. Les reflets mauve-orangé du soleil marbraient les nuages. Il courait, et pourtant il sentait que ses pas ne le portaient plus. Il fut bientôt rattrapé par les chiens, des dogues qui l’entourèrent en grognant sans le toucher. Il ne bougea plus. C’était fini. Les hommes étaient là, le souffle court, les yeux exorbités. Ils transpiraient, l’air mauvais. Mais les yeux pleins de crainte aussi. Leurs tuniques étaient écorchées, leurs chausses détrempées et ils s’appuyaient sur les bâtons. Ils attendaient. L’un d’eux s’approcha. Le vieux Lapon le regarda. Il savait. Il avait compris. Il avait déjà vu, par le passé. L’homme évitait le regard du Lapon, il passa derrière lui.
Le vieux eut le souffle coupé quand le coup violent lui fit éclater la joue et lui brisa la mâchoire. Le sang gicla d’un coup. Il tomba à genoux. Un deuxième coup de bâton allait tomber. Le Lapon était chancelant, choqué, même s’il avait tenté de préparer son corps. Un homme sec arriva. L’autre retint son geste et reposa son bâton. Il demeura en retrait. L’homme sec était vêtu de noir. Il jeta un regard froid à Aslak, puis à l’homme au bâton, qui recula de deux pas, le regard fuyant.
-Fouillez-le.
Deux hommes s’avancèrent, heureux que le silence soit brisé. Ils lui arrachèrent brutalement son manteau.
-Allez, diable de sauvage, ne résiste pas.
Aslak était silencieux. Il ne résistait pas. Mais ces hommes avaient peur. La douleur le gagnait. Le sang coulait. Les hommes le tiraillaient, l’obligèrent à baisser son pantalon en peau de renne, lui arrachèrent ses chausses, son bonnet à quatre coins que l’un d’entre eux jeta au loin en prenant soin de cracher dessus. L’autre lui prit son couteau en bois de renne et en bouleau.
-Où l’as-tu caché?
Le vent soufflait maintenant sur la toundra. Cela lui fit du bien.
-Où, esprit du diable? cria l’homme en noir, d’un ton si menaçant que même ceux qui l’accompagnaient reculèrent d’un pas.
L’homme en noir entama une prière silencieuse. Le vent était tombé. Les premiers moustiques se manifestaient. Le soleil prenait maintenant appui sur la montagne. La tête du Lapon dodelinait, douloureuse. Il sentit à peine le coup lorsque le bâton lui arracha à moitié la tempe.
La douleur le réveilla. Une douleur presque insupportable. Sa tête avait dû éclater. Le soleil était haut. Il sentit la puanteur l’entourer. Des hommes, des femmes, des enfants étaient penchés sur lui. Ils étaient édentés, en haillons, le regard torve. Ils puaient la peur et l’ignorance. Il était allongé par terre. Les mouches avaient remplacé les moustiques. Elles s’agglutinaient sur ses plaies béantes.
L’homme en noir s’avança, la petite foule s’écarta. Le pasteur Noraeus se posta devant.
-Où est-il?
Aslak se sentait fiévreux. Le sang imprégnait sa tunique poisseuse dont l’odeur l’étourdissait. Une femme lui cracha dessus. Les enfants rirent. Le Lapon pensa à son fils malade, qu’il avait essayé de sauver en invoquant les dieux lapons. Le pasteur gifla l’enfant le plus proche de lui.
-Où l’as-tu mis? cria-t-il. Les enfants se cachèrent derrière leur mère.
Un homme à la blouse bleu ciel s’approcha et chuchota à l’oreille du pasteur. Celui-ci resta impassible. Puis il fit un signe de tête. L’homme en bleu tendit la main vers le Lapon, et deux autres hommes le soulevèrent sous les bras. Le Lapon poussa un cri. Son regard était voilé de douleur. Les hommes le traînèrent jusqu’à la maison basse en bois qui servait à toutes les œuvres du village.
-Regarde ces icônes immondes, jeta le pasteur luthérien. Tu les reconnais?
Aslak avait peine à respirer. Son crâne semblait sur le point d’exploser. La chaleur montait. Les mouches le démangeaient de façon insoutenable. Sa joue déchirée semblait grouiller de vie. Les habitants du village s’entassaient dans la salle où la chaleur devenait suffocante.
-Ce porc est déjà bourré de vers, grimaça l’un des hommes d’un air de dégoût. Il lui cracha dessus. Le glaviot heurta Aslak comme un coup de poignard.
-Suffit, hurla le pasteur. Tu vas être jugé, Lapon! cria-t-il à nouveau en tapant sur l’épaisse table en rondins pour faire taire la populace.
Ces gens l’écœuraient. Il n’avait qu’une hâte, repartir vers Uppsala.
-Silence, vous autres! Respectez votre seigneur et votre roi.
Son regard noir se reporta sur les icônes des dieux lapons et sur la représentation de Tor.
-Lapon, ces icônes t’ont-elles apporté le moindre bien?
Aslak gardait les yeux à moitié fermés. Il revoyait les lacs de son enfance, les montagnes qu’ils avaient courues tant de fois, cette toundra épaisse où il aimait à s’enfoncer, ces bouleaux nains qu’il avait appris à sculpter.
-Lapon!
Aslak gardait les yeux fermés. Il bougea légèrement.
-Alles ont guéri, souffla-t-il dans un râle. Mieux que ton Dieu.
Un murmure emplit la salle.
-Silence, hurla le pasteur. Où est ta cache? vociféra-t-il. Où est-elle, dis-le, si tu ne veux pas brûler, maudit. Parle, créature, mais vas-tu parler!
-Au feu, au feu! cria une femme qui tenait un marmot sur son sein blanc et flasque.
Les autres femmes reprirent?:
-Au feu, brûlez-le.
-Silence, silence!
-Au bûcher le Lapon, au bûcher. L’enfer sur lui.
Le pasteur transpirait, il voulait en finir. La puanteur, la proximité de ce diable noiraud au visage en sang et celle de ces paysans abrutis et laids lui devenaient insupportables. Dieu le mettait à l’épreuve. Il ne manquerait pas de rappeler à son évêque d’Uppsala qu’il avait en ces terres vierges de Laponie servi le Seigneur avec zèle, alors qu’aucun pasteur ne voulait y monter. Mais maintenant cela suffisait.
-Lapon, lança-t-il en élevant le ton et le doigt pour imposer le silence, tu as vécu une vie de péchés, entêté dans tes superstitions païennes.
Le silence s’était installé, mais la tension était étouffante.
Le pasteur tira à lui une épaisse bible enluminée. Son doigt était tendu vers les mots accusateurs.
-ui sacrifie à d’autres dieux sera voué à l’anathème! cria-t-il soudain, grondant d’une voix caverneuse qui effraya les hommes.
Une grosse paysanne au visage congestionné poussa un soupir et s’évanouit, vaincue par la chaleur. Aslak s’écroula à terre.
-Le prophète ou ce faiseur de songes devra mourir, car il a prêché l’apostasie envers Yahvé ton Dieu.
Les hommes et les femmes se mettaient à genoux, marmonnant des prières, les enfants tournaient des yeux affolés, le vent s’était mis à souffler dehors, apportant un air chaud, lourd.
Le pasteur s’était tu. Dehors, des chiens aboyaient. Puis ils s’arrêtèrent aussi. Seule restait la puanteur de la salle commune.
-La sentence a été confirmée par le tribunal royal de Stockholm. Lapon, que les justices divine et royale soient rendues.
Deux hommes crasseux s’emparèrent d’Aslak et le portèrent sans ménagement dehors. Le bûcher était déjà dressé, entre la rive du lac et la dizaine de maisons de bois qui formaient le village.
Aslak fut solidement attaché au poteau qu’il avait fallu faire venir de la côte, par le fleuve, car on ne trouvait pas d’arbre adapté à ce genre d’office dans la région. Le pasteur se tenait debout, stoïque, tandis que les moustiques le suçaient.
Les villageois ne remarquèrent pas l’arrivée d’un jeune garçon en contrebas, dans sa barque remplie de peaux à échanger. Il resta figé en voyant la scène, comprenant aussitôt le drame qui se nouait. Il connaissait l’homme sur le bûcher. Il appartenait à un clan voisin.
Un paysan venait de mettre le feu au bûcher. Le feu gagna rapidement les branches. Aslak se mit à gémir. Il essaya de se forcer à desserrer sa paupière valide.
Il distinguait le lac devant lui, la colline. Il aperçut la silhouette du jeune Lapon qui paraissait tétanisé. Les flammes commençaient à le lécher.
-Il a sauvé les autres, qu’il se sauve lui-même! ricana un homme borgne à qui il manquait une main.
Le pasteur le frappa.
-Ne blasphème pas! hurla-t-il en le frappant à nouveau. L’homme fila en se tenant la tête de son unique main.
-Lapon, Lapon, tu vas brûler en enfer, cria-t-il en s’enfuyant. Maudit, maudit!
Un enfant se mit à pleurer.
Puis soudain le Lapon cria. Pris par les flammes, il délirait, hurlait, un hurlement inhumain, lancinant, un cri qui était le cri d’un homme qui n’était plus un homme. Le cri s’écoulait en un gargouillement insupportable jusqu’à ce qu’il semble trouver une fréquence au-delà de la douleur, comme si sa voix changeait de dimension. Une forme d’harmonie inattendue s’en dégagea, affligée de souffrance, mais cristalline pour qui savait filtrer le tourment.
-Le maudit, il chante ses dieux! lança un villageois apeuré en se prenant la tête à deux mains. Le pasteur restait impassible. Ses yeux cherchaient le regard du Lapon, comme si celui-ci allait lui révéler à travers les flammes où il avait caché ce qu’il était venu chercher.
Le cri d’Aslak pétrifia le jeune garçon lapon dans sa barque. Il reconnut, fasciné, terrifié, la voix de gorge d’un chant lapon. Il était le seul ici à pouvoir en saisir les paroles. Le chant, lancinant, guttural, l’emmenait hors de ce monde. Le joïk devenait de plus en plus haché, précipité. Le Lapon condamné aux feux de l’enfer voulait dans un dernier élan transmettre ce qu’il devait transmettre.
Puis la voix se tut. Le silence s’imposa. Le jeune Lapon aussi restait silencieux. Il avait fait demi-tour, voguant la tête pleine des râlements du mourant. Son sang avait été tellement glacé qu’il avait été saisi d’une évidence. Il savait ce qu’il devait faire. Et ce que, après lui, son fils devrait faire. Et le fils de son fils.