Dans la presse


Arni Thorarinsson :

Le temps de la sorcière est en fait le quatrième volume consacré au journaliste Einar. En 1994, par le plus grand des hasards, j'ai eu l'idée d'essayer de créer une version islandaise du héros hard-boiled classique. A cette époque, personne n'écrivait de romans policiers en Islande, et je ne prenais pas cette idée très au sérieux moi-même. Mais j'ai commencé à imaginer une intrigue juste pour le plaisir. Je n'ai terminé que quelques années plus tard, et il a été publié en 1998 sous le titre de N?ttin hefur ??sund augu (en anglais, The Night Has a Thousand Eyes). A ce moment-là quelques écrivains islandais s'étaient mis au polar et une nouvelle vague d'auteurs de romans policiers islandais était née. Deux ans plus tard j'ai publié Hv?ta kan?nan (en anglais, White Rabbit), puis, en 2001, Bl?tt tungl (en anglais, Blue Moon). Le temps de la sorcière a été publié en Islande en 2005 et dans quelques semaines ce sera le tour du cinquième, Dau?i tr??sins (en anglais, Death Of a Clown).
Dans ces cinq romans le personnage d'Einar a évolué et s'est développé, ce qui a toujours été mon intention, si je continuais à écrire ces histoires. Elles se déroulent dans la tête d'Einar, via une narration à la première personne et au présent. Pour moi il s'agit d'une sorte de roman d'apprentissage, avec un héros hard-boiled qui, sous la carapace, se transforme en soft-boiled. Dans le second roman Einar dit : « Je pense à un privé à l'ancienne. Au début de l'enquête, il est seul, puis il commence à fouiller la vie des autres à la recherche de la vérité sur un crime, et quand l'enquête se termine, il est de nouveau seul. » Un peu plus loin il dit : « Peut-être que les privés à l'ancienne n'enquêtent pas sur la vie des autres. Peut-être enquêtent-ils sur eux-même. ».
De mon point de vue c'est un thème central des histoires d'Einar. Einar est un nom assez commun en Islande, proche du mot « einn » qui veut dire seul ou solitaire. Einar est un solitaire mais ses missions l'amènent à partager les vies et morts d'autres personnes. Il est le descendant des héros hard-boiled mais il est une aberration de cette famille. Il n'arrive pas à être aussi cool qu'il le souhaite. C'est une protection qui ne fonctionne pas quand il en a besoin. Il est trop sensible, trop fragile, et en même temps trop ouvert. Ses enquêtes ne concernent pas seulement des crimes, mais l'amènent également à se découvrir lui-même. Ses préjugés fondent au fur et à mesure de ses enquêtes. Sur les femmes, les races, les homosexuels, tous types de gens, toutes les valeurs habituelles héritées de ses prédécesseurs enquêteurs de fiction, et aussi, et surtout, les illusions que nous avons tous sur les autres, dues essentiellement à notre propre insécurité. Einar est conduit par son sens de la justice, sa curiosité, mais il n'est pas politiquement correct. Il n'arrive pas à trouver un équilibre psychologique, mais il ne cesse d'essayer. Il est conscient de ses propres préjugés. Il se moque de lui-même. Dans un certain sens, il est sa propre parodie, et il le sait.