Dans la presse

ALGERIA-WATCH

Algeria-Watch a pu obtenir une interview d'Amid Lartane, l'auteur du très étonnant roman policier « L'envol du Faucon vert », publié par les éditions Anne-Marie Métailié, qui sort ce 25 janvier en librairie. Selon l'éditeur, Amid Lartane est le pseudonyme d'un ancien « haut fonctionnaire » algérien, qui « a quitté l'Algérie et travaille actuellement dans une organisation internationale ». Il nous a soigneusement caché son identité, mais il ne fait pas de doute, à la lecture de son livre, que c'est un fin connaisseur du milieu des « décideurs » algériens.
De façon assez transparente, ce roman propose une interprétation de l'« affaire Khalifa » qui répond à bien des questions que continuent à se poser les observateurs quatre ans après la chute de cet étrange « empire », né en 1998 et qui défraya comme on sait la chronique aussi bien en Algérie qu'en France. Des questions auxquelles le premier « procès Khalifa », ouvert au Tribunal de Blida le 8 janvier 2006, n'apporte à l'évidence aucune réponse. Au-delà de la fiction et des personnages hauts en couleur qu'il a inventés (même si certains, surtout s'agissant des « grands décideurs », ressemblent fort à certains « généraux de l'ombre »), Amid Lartane explique en filigrane que le fondateur de la banque, le jeune « Oulmène », fils d'un ancien du MALG (l'ancêtre de la Sécurité militaire et du DRS), n'était en réalité qu'une marionnette. Les tireurs de ficelles étaient une poignée de généraux, dont l'objectif était d'entreprendre une modernisation de façade de l'économie pour pouvoir continuer à détourner ses richesses.
Ainsi, raconte Lartane, le premier d'entre eux, le « général à la retraite Lamine Boutramine », « avait fait de la réforme bancaire son dada. [...] Il avait, après avoir été briefé par ses conseillers suisses et sud-coréens, l'envie d'ouvrir le secteur bancaire au privé. Mais il devait s'entourer de précautions ; le seul secteur privé acceptable est celui que l'on connaît bien, que l'on contrôle, celui où les règles non écrites de l'allégeance priment toutes les autres. [...] Si Lamine était fasciné par la Corée du Sud et ses très puissants groupes économiques, les Shaebols. Les Coréens avaient parfaitement réussi ce mélange d'affairistes plus ou moins louches, de nationalisme à consommation interne et de police secrète. [...] Le général boulanger et grand régulateur du régime aimait les références asiatiques, il trouvait que les mœurs extrême-orientales en matière de business étaient moins rigides qu'en Europe et donc plus adaptées à la culture des «indigènes», comme il appelait ses compatriotes lorsqu'il se retrouvait en petit comité ».
Comme le livre est un vrai polar, fort bien troussé, le lecteur ne s'ennuiera pas en découvrant comment « Si Lamine » parviendra à ses fins, par « Oulmène » interposé. Et comme dans tout polar, il y a des morts. Mais là, le livre fait écho à une réalité beaucoup plus tragique de l'Algérie des années 1990, celle de la violence aveugle ou ciblée attribuée aux « islamistes », largement contrôlée en sous-main par les « généraux décideurs ». « L'Envol du faucon vert » évoque ainsi la trajectoire de l'émir « Abou Nihaya », au départ combattant intègre contre le pouvoir, qui en deviendra finalement un sicaire sanguinaire.
L'intérêt majeur de ce polar, dont nous ne saurions trop recommander la lecture, dépasse toutefois très largement l'élucidation des dessous de l'« affaire Khalifa ». Les clés qu'il donne sont celles, pratiquement jamais évoquées dans les médias, du fonctionnement du système de pouvoir algérien, mixte étrange et inédit de totalitarisme orwellien et de clientélisme mafieux. Des clés qui aident à comprendre comment ce système a pu, au cours des années 1990, construire la « machine de mort » dont Algeria-Watch s'efforce de démonter les rouages depuis des années.
Laissons la parole à Amid Lartane sur le site Algeria Watch