Une nuit d’hiver, il y a très longtemps, alors que la neige venait de tomber, le diable a traversé le village de pêcheurs de Coldhaven en laissant la trace de ses pas dans les rues et sur les toits.
Michael a toujours vécu à Coldhaven et il s’y est toujours senti étranger, mais lorsque Moira, une de ses anciennes petites amies, décide que son mari violent est le diable et qu’elle se tue avec ses deux plus jeunes enfants en épargnant son aînée Hazel, elle met en marche un terrible engrenage qui va tout changer. Séduit et fasciné par la jeune Hazel, Michael va se laisser entraîner dans un voyage au bout duquel il sera forcé de faire face à ce qu’il est, d’affronter les démons de son passé.
Dans un style qui a la force limpide des contes traditionnels, l’auteur nous raconte l’histoire d’un homme marqué par la peur et la culpabilité et nous révèle ce que peut cacher une vie ordinaire. J. Burnside écrit là un roman d’une beauté aussi mystérieuse et terrifiante que les traces de pas sur la neige.
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- Arnaud Laporte, émission du 25 février 2008Tout arriveFRANCE CULTURE
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- Francesca Isidori, émission du 7 février 2008Les affinités électivesFRANCE CULTURE
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- Louis-Philippe Ruffy, émission du 25 janvier 2008Entre les lignesRADIO SUISSE ROMANDE
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- Joseph Macé-Scaron, émission du 18 janvier 2008Jeux d'épreuvesFRANCE CULTURE
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« Mais ce que contiennent ces 218 pages est bien trop vaste et riche pour souffrir le moindre résumé. »Louis HamelinLE DEVOIR -
« C’est toute la force de cet écrivain écossais, à la maîtrise narrative impressionnante, que de suggérer le maelström qui hante ses personnages. Cette tempête de sentiments multiples, complexes, voire contradictoires qui s’empare de la psyché. Pour empêcher souvent la libération de l’âme. »
Alain FavargerLA LIBERTE -
« L'auteur soulève ainsi avec subtilité la question du bien et du mal, sans y apporter de réponse. Au lecteur d'en tirer ses propres conclusions, comme dans un conte. »
Julia DubreuilLA GAZETTE DU NORD-PAS-DE CALAIS -
« Mais les histoires inoffensives, ça n'existe pas. John Burnside, qui est poète, écrit superbement celle-ci, chef d'œuvre d'ambiguïté et de suggestion élégiaque, exhalant une douce violence, celle des hommes comme de la communauté des hommes. Diablement beau. »
François MontpezatDNA -
« Sur les traces de l’enfance et de ses traumatismes qui hantent une vie d’homme. »
Claudine GaléaLA MARSEILLAISE -
« Dans son troisième roman, l’Ecossais John Burnside décrit une chute dans la solitude, l’adversité, la folie. Oppressante, mais terriblement belle. […] John Burnside n'écrit pas des histoires pour faire peur, il nous prend seulement par la main pour partager un traumatisme qui est à la fois celui de vivre et celui d'écrire. »
Dominique AussenacLE MATRICULE DES ANGES -
« Le roman de Burnside est d’une tranquille cruauté, écrit dans une langue qui coule de source. »
Daniel WaltherLE MAGAZINE DES LIVRES -
« Comme une réponse au dicton placé en exergue, écho d’une sagesse populaire : "Mieux vaut le diable qu’on ne connaît pas". Magnifique »
Julie CoutuCHRONIC’ART -
« Le plus talentueux romancier de cette fournée écossaise est néanmoins John Burnside […], il donne avec Les Empreintes du diable le plus abouti de ses romans et, sans doute, l’un des plus beaux livres de cette rentrée. »
Bernard QuirinyLE MAGAZINE LITTERAIRE -
« Poète reconnu avant de devenir romancier, volontiers sombre et mystérieux. Ses Empreintes du diable confirment un styliste hors pair. »
Julien BissonTECHNIKART -
« Burnside signe un roman authentique et mystérieux, où, aphorisme aux pieds fourchus aidant, des énigmes millénaires se frottent à un humour noir des plus modernes. »
Bruno JoffrinLES INROCKUPTIBLES -
« Un port glacé de la mer du Nord, un homme hanté par le passé : envoûtées et envoûtantes, Les Empreintes du diable confirment le style incomparable de John Burnside. »
André ClavelL’EXPRESS -
« L’auteur de La Maison muette invoque les superstitions qui hantent un village de pêcheurs pour ciseler un roman poétique envoûtant. »
Christophe MercierLE FIGARO LITTERAIRE -
« Porté par une langue magnifique, le lecteur ne peut que trembler et se réjouir de suivre sa piste, envouté par la possibilité d'une preuve, d'une explication, en sachant que tout disparaîtra pourtant avec la neige… »
Pascal JourdanaL’HUMANITE -
« Poète autant que romancier, l’écrivain écossais dissèque dans une prose enchantée ces tourments de la nature et de l’âme. »
Philippe ChevilleyLES ECHOS -
« Cela paraît étrange mais c’est ce qui se passe : cette histoire intime est un choix qui continue d’être fait, consciemment ou pas, à mesure que s’en déroule le récit externe – et vient le moment où la surface ne se déploie que pour protéger cette chose-là, ce souvenir exclusif, pour le mettre de côté et le sanctifier. C’est l’histoire qui existe en dépit de toutes les autres, dans son propre espace, dans ces profondeurs intimes où l’on n’a plus d’autre voisin que le vent. »
Mathieu LindonLIBERATION
Voilà bien longtemps, à Coldhaven, petit port de pêche sur la côte est de l’Écosse, les gens s’éveillèrent un matin dans l’obscurité de la mi-décembre pour découvrir non seulement que leurs maisons étaient ensevelies sous une couche de neige épaisse et irréelle comme il ne s’en voit qu’une ou deux fois par génération, mais aussi qu’une chose étrange s’était produite pendant leur sommeil, une chose dont ils ne purent rendre compte qu’au moyen de rumeurs et d’histoires qu’en honnêtes croyants, ils avaient honte de colporter, des histoires évoquant le diable, ou les esprits, des histoires reconnaissant à contrecœur la présence dans le monde d’une puissance cachée que, la plupart du temps, ils préféraient ignorer. En ce temps-là, la ville de Coldhaven était pratiquement telle qu’aujourd’hui, un enchevêtrement brouillon de maisons, de jardins et de chantiers navals exigus dévalant jusqu’à la mer au long de petites rues couleur de pluie et d’étroites venelles pavées appelées des wynds. Les habitants de l’époque étaient les ancêtres des voisins que j’ai côtoyés ces trente et quelques dernières années : des gens de mer obstinés, possédant leurs propres superstitions et terreurs, leur propre logique, leurs propres souvenirs des bancs de sable, des marées, de la traîtrise des flots… et, bien que les enfants de leurs enfants aient quasiment perdu cette parenté avec la mer, une parenté faite pour moitié d’amour et pour moitié de crainte, comme toujours, je m’autorise à imaginer que je les connais, ne serait-ce qu’un peu et de très loin. Peut-être s’agit-il d’un pur fantasme, si rare que cela puisse être, mais il me semble voir, dans leurs descendants à l’esprit lent, fermé, les fantômes de ces vieux marins, de ces hommes trop souvent contraints de retrouver le chemin du foyer au travers d’un brouillard dense ou d’orages impitoyables, de ces femmes dont le regard ne s’arrêtait pas à l’horizon mais voyageait bien au-delà, jusqu’aux rives et chenaux qu’elles ne connaissaient que par les cartes et les bulletins de météo marine, faisant d’elles des voyantes, des oracles, des harpies. Ce devait être un fardeau terrible pour elles, une affliction terrible et ordinaire que cette façon de scruter qu’elles avaient élaborée lors de quelques moments critiques, puis étendue à toute une existence, crispées et convulsées en un rictus d’anticipation et de prémonition. J’ai vu ce regard dans les yeux de la postière, don qu’elle ne peut ni utiliser ni rejeter. J’en ai vu les dernières traces fugaces dans les yeux des écolières et des jeunes épouses qui vaquent à leurs occupations, dans l’attente d’une catastrophe.
En ce matin d’hiver d’il y a bien longtemps, les premiers levés, boulangers et marchands d’accastillage, femmes sortant chercher du charbon, pêcheurs qui ne prenaient pas la mer ce jour-là mais s’étaient réveillés par habitude ou par impatience, furent les premiers témoins du phénomène que, plus tard, la ville entière décida d’appeler “Les Empreintes du diable”, désignation qui non seulement perdura, mais qui constituait en outre, pour des raisons jamais admises, même en leur for intérieur, une description aux évocations fantasques qui resterait à tout jamais, pour les gens de l’extérieur aussi bien que pour la descendance locale, voilée d’incrédulité ou d’ironie. Les Empreintes du Diable : un titre, tel celui d’un cantique ou d’un livre emprunté à la bibliothèque par un après-midi de pluie et relégué plus tard comme un ramassis de sornettes ; une formule jamais énoncée qu’en tant que citation, pour peu qu’elle le soit, comme si l’appellation attribuée par leur soin à ce qu’ils avaient vu leur avait été envoyée du tréfonds de l’au-delà, de même que ces traces dans la neige, des traces nettes, noir d’encre, laissées par quelque créature aux pieds fourchus, quelque être qui non seulement était allé sur deux jambes par les rues et les venelles d’un bout de la ville à l’autre, mais avait aussi escaladé leurs murs et traversé leurs toits pentus bordés de redents, poursuivant une trajectoire rectiligne au travers de leur territoire endormi. Plus tard, ils se pencheraient sur ce phénomène, cherchant une explication qui leur permette de retourner, sereins et bienheureux, à leurs fours, filets ou éviers, et découvriraient que les traces commençaient sur la grève, juste au-dessous du petit cimetière situé à la sortie ouest du bourg, comme si la créature avait émergé des vagues, franchi l’étroite plage lavée par les marées où la neige n’avait pas tenu, puis en silence, à grands pas décidés, avait remonté James Street, pris Shore Street, grimpé sur le toit de l’église pour ensuite en redescendre en sautant par-dessus le filet d’eau d’un torrent qui traversait Coldhaven par le milieu et départageait ainsi l’ouest et l’est de la ville, longé Cockburn Street et escaladé les maisons dans Toll Wynd avant de décamper plus loin dans les champs, vers l’arrière-pays, où personne ne prit la peine de suivre. Ils ne sauraient jamais jusqu’où cette ribambelle de nettes empreintes noires se poursuivait, mais ils seraient tous fixés, ou tous d’accord, plus tard, une fois la neige fondue, quand il n’y aurait plus aucune preuve du contraire, sur la nature de la bête qui les avait laissées. Ces empreintes-là n’étaient pas humaines, disaient-ils, et ce n’étaient les traces d’aucun animal, terrestre ou marin, qui ait jamais été vu dans ces parages. Pointues, fourchues, noires, c’étaient les empreintes d’un être agile aux mouvements rapides – l’impression de prestesse qu’ils avaient était indéniable, quoique totalement infondée – qui avait traversé leur mince bourgade de bord de mer comme pour fuir, ou poursuivre, quelque terrible résolution surnaturelle. Certains soutenaient qu’il devait y avoir une explication rationnelle à ce phénomène, d’autres affirmaient que tout ce qui se produit sur terre peut s’expliquer, car seul Dieu dépasse l’entendement, mais la plupart des habitants de la ville se contentaient de dire que le diable était passé par là, un être qu’ils n’avaient jamais tout à fait considéré comme réel, mais qu’ils tenaient pourtant en réserve pour ce genre d’occasion, de même que le croquemitaine, les lutins ou, tout bien considéré, Dieu.
Ce ne sont là que ouï-dire, bien sûr. On m’a raconté cette histoire lorsque j’étais enfant ; ou plutôt, je l’ai entendu raconter. J’en saisissais une bribe par-ci, un aperçu par-là, et je l’ai reconstituée petit à petit, avant d’y ajouter détails et modifications de mon cru, de l’étoffer, de la rendre haute en couleur, légendaire, solide. De la mettre en forme. J’ai imaginé cette ribambelle d’empreintes traversant un étroit jardin enneigé ou gambadant sur le toit d’une fumerie, et je les ai suivies, jusqu’au sommet de la colline et par-delà, devant le cottage de la vieille Mrs Collings, devant les ruines du manoir de Ceres, devant l’ancien chaufour. J’ai imaginé un enfant à la fenêtre de sa chambre, un garçon pareil à celui que j’étais lorsque nous habitions encore Cockburn Street, contemplant ce manteau de neige miraculeux dans la première lumière du jour et discernant les profondes empreintes noires qui en trouaient l’épaisseur immaculée, scintillante. J’ai imaginé le diable marchant à grands pas entre les cheminées : pas un homme à proprement parler, mais un être vivant, néanmoins, quelque part entre l’ange et la bête, entre Ariel et Caliban. Je savais, en mon for intérieur, qu’il n’existait pas plus que le père Noël, ou le séraphin au teint diaphane de ma bible illustrée pour les enfants, mais dans le secret de mon cœur, je croyais à ces deux-là aussi. Quand je les questionnais à ce sujet, les professeurs étaient gênés ou bien ils éludaient en riant mais, un jour, Mrs Heinz, mon professeur principal de quatrième, prit la peine de me donner une explication. Cette histoire, dit-elle, était une vieille légende qui se racontait dans le pays bien avant l’époque chrétienne. Aux dires de certains, le diable était un ancien dieu païen, un des esprits pictes implantés dans ces régions, et il était rare d’entendre de tels récits sur le littoral, car ils avaient cours dans les anciennes communautés paysannes et les bois sombres de l’arrière-pays. Chez nous, en bordure de mer, les légendes typiques faisaient état de monstres marins comme
les kelpies et de bêtes étranges pris dans les filets de pêche,
mi-poissons mi-humains. Ces histoires anciennes étaient inoffensives, dit-elle, dans la mesure où on ne perdait pas de vue qu’il ne s’agissait que d’histoires. Puis elle me prêta un livre intitulé Mythes et légendes des Grecs et des Romains et me conseilla de le lire. J’obéis, mais je n’y trouvai pas ce que je cherchais.