Trois jeunes gens et leurs mères, un conscrit en proie aux mauvais traitements de l’armée russe, un jeune Tchétchène à la recherche de sa mère, un voyou de bonne famille. La rencontre d’une âme sœur, une chimère.
Ce roman entrelace les histoires d’une poignée de femmes qui essaient de sauver leurs fils de la guerre, de la solitude et du crime. Tout se passe à Saint-Pétersbourg, ville littéraire par excellence, à la veille du tricentenaire de la ville et sur fond de guerre de Tchétchénie, mais l’action s’étend de la forêt amazonienne à la mer du Japon et met en scène des mères coupables, des pères absents et des fils égarés.
Bernardo Carvalho orchestre dans ce roman une multiplicité de points de vue et de voix sans jamais perdre l’axe et le motif récurrent de la maternité et de son revers, le sentiment d’être orphelin, sans protection, déplacé, dont la guerre est la représentation la plus crue. « Les mères ont plus à voir avec la guerre qu’elles ne l’imaginent. Au contraire de ce que tous pensent. Plus que les autres, les mères ont horreur de perdre (…). Tout le monde a une mère, même la pire canaille, le pire bourreau. Mais c’est tout de même une sorte de fanatisme », déclare l’un des personnages. Ce livre en est d’une certaine manière la démonstration poétique.
Tous les personnages du roman semblent n’être à leur place nulle part dans leur famille ou dans leur pays, ce qui donne toute sa force à la figure de la chimère, aberration rejetée par la nature et par l’homme, projetée dans des amours absolues.
-
« Je n’avais encore jamais rien lu de Carvalho, quel choc de lecture ! Je vais faire un grand coup de cœur dessus, si j’arrive à en parler, pas évident tellement il est bourré d’émotions... Merci pour ce très grand moment ! »
Coline HugelLIBRAIRIE LA COLLINE AUX LIVRES (Bergerac) -
« Un roman bouleversant et haletant où trois destins tragiques se croisent à Saint-Pétersbourg après avoir parcouru des chemins cabossés marqués par la guerre. Réussi ! »
Jean-Simon et StéphanieLIBRAIRIE LA GALERNE (Le Havre) -
« Ecrivain brésilien, Bernardo Carvalho a écrit un roman russe, viscéralement et organiquement russe ! (...)
L'auteur a voulu réhabiliter le rôle des mères en temps de guerre. Les véritables héros de son histoire ne sont donc pas les combattants russes ou indépendantistes, qu'on glorifie d'un côté comme de l'autre, mais les mères.
Toujours prêtes à se sacrifier pour un enfant, ou un petit enfant. C'est dans les situations les plus extrêmes qu'elles révèlent leur force doublée d'une abnégation sans borne. Des mères qui cachent les enfants, gardent les secrets, négocient elles-mêmes avec les terroristes au prix de tous les dangers.
Un magnifique roman !!!! »Jennifer Le MorvanLIBRAIRIE-CAFE SOIF DE LIRE (Strasbourg)
-
interview de Bernardo Carvalho par Francesca Isidori le 16 octobre 2010FRANCE CULTURE Les Affinités électives :
-
interviewde Bernardo Carvalho par Carline Broué le 24 septembre 2010FRANCE CULTURE La Grande Table :
-
Plus d'infos iciLARUELLEBLEUE.COM
-
Plus d'infos iciLARUELLEBLEUE.FR
-
Plus d'infos iciHélène DubucLECTURISSIME.COM
-
Plus d'infos iciMarie-Laure BellayRUEDESLIVRES.COM
-
Plus d'infos iciSarah ChellyLIVRES-A-LIRE.NET
-
Plus d'infos iciDavid AssolenECOLESJUIVES.FR
-
ACTUALITTE.COM
-
chronique de Jennifer SimoesBIBLIOBS.COM
-
« […] les sentiments exacerbés mettent les cœurs à nu dans un roman âpre et puissant. »Pierre MauryLE SOIR
-
« Cette tragédie moderne dont chaque personnage a une étonnante densité, nous renvoie à tour de rôle à ce que l’humain a de pire et à ce qu’il peut avoir de meilleur avec une acuité et un réalisme poignant. »Michel MonsayL’INFORMATION AGRICOLE
-
«… un roman puissant et bouleversant qu’on ne lâche qu’à regret. »Liliane TibériLA TRIBUNE BULLETIN COTE D’AZUR
-
« Tous les personnages, de mères, de pères, de beaux-pères, d’enfants, de ce roman sont remarquables, en ce qui les dépasse, qu’ils soient grands ou vils, et parfois même les deux à la fois. Le lecteur est emporté et remué, jusqu’à la dernière ligne, par ce récit qui brasse et fait se rencontrer brutalement toutes les ombres et la lumière de la nature humaine. »Sophie CreuzL’ECHO BELGIQUE
-
« Un roman sobre et d’une grande richesse documentaire. »Martin DanielLA MONTAGNE
-
« Ta mère est une fable politique puissante et noire. »Claudine GaléaLA MARSEILLAISE
-
« Oppression, racisme, homophobie... Dans cette élégie d’une Russie obscure et violente, Carvalho ne néglige jamais le fil de son récit, jusqu’à la saisissante scène finale d’où jaillit l’apostrophe qui donne son titre au récit : 'Ta mère. »François MontpezatDNA
-
« Une passionnante histoire d’amours absolues brisées par la guerre et un Carvalho plus vivant que jamais. »Dominique RuffinLE MUTUALISTE RATP
-
« Une belle leçon d’humanité. »Michel PaquotLE GENERALISTE
-
« L’écrivain brésilien Bernardo Carvalho signe là un livre émouvant. Il interroge la maternité, les liens familiaux, la paternité, des liens prêts à rompre à force d’être tendus à l’extrême. Et assemble le puzzle intime de chacun de ses personnages avec une aisance captivante. »Fabien FrancoKAELE
-
« Ces trois histoires qui s’entremêlent habilement nous font comprendre combien est fragile la vie des jeunes hommes, pas encore tout à fait adultes, et combien leur mère, aimante, les protègera, mais défaillante, concourra à les détruire. Un roman très dur mais dans lequel chaque mère pourrait se retrouver. »Laurence RigolletALTERMONDES
-
« Un roman dur et brillant. »Victor DillingerL’AMATEUR DE CIGARE
-
« Le Brésilien Bernardo Carvalho fait le portrait des mères des soldats sacrifiés dans la Russie en guerre contre la Tchétchénie. Un roman âpre et sensible. »Fabrice LardreauTRANSFUGE
-
« Magistral !... »LUI
-
« Le nouveau roman de Bernardo Carvalho parle d’engagement, de filiation, de sauvetage, de cruauté et d’humanité. Mais il décrit aussi le désir amoureux avec une acuité rare, quelque chose d’organique et de pudique en même temps. Face aux cadavres innombrables, aux camps de réfugiés qui confondent les morts et les vivants, Carvalho accorde au lecteur une respiration, de courte durée, un instant/instinct de survie sans lendemain. » Lire l'article entier iciChristine FerniotLIRE
-
« Un roman russe. L’écrivain brésilien signe un roman choral bouleversant dans lequel s’enchevêtrent les destins de cinq personnages. »Elisabeth PhilippeENVY
-
«Carvalho nous offre ici un roman russe, mélancolique et grave, entre Saint-Pétersbourg, Groznyï, Vladivostok, et une incursion en Amazonie. Il entremêle avec talent des histoires de mères et de fils, poursuivis par la guerre de Tchétchénie, le racisme et la corruption [...] Seule, dans ce roman singulier et troublant, une grand-mère héroïque parvient à incarner l’absolu recours. »Marie ChaudeyLA VIE
-
« Ecrivain brésilien longtemps correspondant du quotidien Folha de São Paulo à Paris et New York, Bernardo Carvalho emmène son lecteur des tranchées tchétchènes aux trafiquants d’Amazonie… un curieux mélange qui donne un livre superbe, 'Ta Mère. »Marianne EnaultJDD
-
« A Saint-Pétersbourg, une histoire d’amour et de guerre révèle un Carvalho toujours aussi virtuose mais plus vivant. »Véronique RossignolLIVRES HEBDO
-
« Mémoires et pays en ruine : sur ces terres infertiles ne peuvent naître que chimères, auxquelles le Brésilien Bernardo Carvalho donne une puissante réalité. »Anne de Saint-AmandLE FIGARO MAGAZINE
-
« Marqué du sceau de la haine et de la violence, 'Ta Mère heurte, bouleverse, mais, à travers un entrelacs de tragédies individuelles, raconte une histoire plus vaste, celle de la Russie d’aujourd’hui, la Russie de Poutine, toujours gangrénée par l’héritage soviétique. […] Un récit d’une implacable virtuosité. »Elisabeth PhilippeLES INROCKUPTIBLES
-
« Voilà sans doute la grande force de 'Ta Mère : l’humanité y jaillit toujours du désespoir. Bernardo Carvalho a l’art d’animer des pantins, robotisés par l’Histoire et par la guerre, pour leur donner rage et conscience. Il suffit de lire les deux références poétiques de ses personnages pour comprendre quelles valeurs animent cet écrivain battant : Anna Akhmatova et Ossip Mandelstam. L’engagement, l’endurance, et la foi en la beauté du monde. »Marine LandrotTELERAMA
-
« Une composition souple et brillante, où la virtualité se laisse oublier derrière l’émotion, le portrait de trois destins poignants et du malheur d’un pays. »Alain NicolasL’HUMANITE
-
« L’histoire est celle d’un chassé-croisé d’existences éliminées par l’Histoire, la guerre. Elle est racontée au présent, en trois parties et 23 chapitres découpés comme dans un scénario, donc rythmés par le temps. Il y a des voix de femmes, des dialogues et un narrateur qui va de plus en plus vite, comme on court devant ses tueurs, comme si ce narrateur cherchait à échapper au destin des êtres qu’il décrit. On voit, pour ainsi dire, la buée sortir des bouches et des phrases. Mais ici la littérature est discrète, elle se contente de préparer le terrain à la virginité du récit. » Lire l'article entier iciPhilippe LançonLIBERATION
-
Lire l'entretien completNovembre-Décembre 2010FLAVOR
-
« Fauteuses de guerre » à lire ici.Suzi VeiraBOOKS
I. TROIS CENTS PONTS
1. Saint-Pétersbourg, à la veille des
commémorations du tricentenaire
(avril 2003)
– Je ne peux pas avoir d’enfants. J’ai mis plus de vingt ans à l’avouer sans devoir donner d’explications. J’ai attendu que les femmes de notre génération arrivent à l’âge où elles ne peuvent plus en avoir.
– Alors, pourquoi es-tu venue ?
Toutes deux sont assises dans un café de la rue Rubinstein. Cela faisait presque quarante ans qu’elles ne s’étaient pas vues. Elles avaient été camarades de classe. Elles sont encore sous le choc du hasard et de leurs retrouvailles, bien qu’elles n’aient pas été vraiment très proches à l’école.
Au début de l’après-midi, Ioulia Stepanova avait profité de sa visite chez le médecin pour revoir le marché dans la ruelle Kouznietchni – un souvenir d’enfance, remontant à l’époque où sa mère l’emmenait acheter des légumes et de la crème – et faire ensuite ce qu’elle projetait depuis plusieurs jours, depuis qu’elle avait reçu le résultat de ses examens médicaux. Elle n’avait pas besoin de retourner au travail. Elle ne reconnaissait déjà presque plus rien dans ce quartier de la ville. Elle s’y rendait rarement. Cela faisait vingt ans qu’elle n’était pas retournée dans le cabinet de consultation du docteur Jouravliov. Il lui faudra décider maintenant si elle voulait reprendre les séances thérapeutiques et passer de nouveau par tout cela. L’environnement a changé aux alentours – ou bien il est en travaux, au stade des dernières finitions. “La ville va renaître”, prétend une affiche suspendue sur un édifice art déco, fantasmagorie typique du début du XXe siècle, décor récurrent de ses cauchemars d’enfant. Il y a davantage d’agents de police dans les rues, à cause des attentats, mais surtout depuis le massacre dans le théâtre de la rue Doubrovskaïa, à Moscou, en octobre dernier.
En sortant du marché avec un sac de fromage et un autre de fruits, elle a continué à longer encore trois pâtés de maisons jusqu’à la rue Raziéjaïa et s’est arrêtée devant l’entrée lugubre d’un immeuble toujours aussi délabré, malgré les préparatifs pour la célébration du tricentenaire. La voix du médecin résonnait encore dans ses oreilles : “Il y a vingt ans, nous avons opté pour un traitement radical pour une femme de votre âge, sans enfants, parce que nous ne voulions pas courir de risques. Et pendant vingt ans nous vous avons offert une vie de qualité. Maintenant, voyez-vous, nous nous trouvons confrontés à un nouveau problème. Je ne vais pas vous donner d’espoir. Il vous appartient de décider ce que nous ferons.” En entendant la sentence, Ioulia a senti pour la première fois qu’elle ne pouvait pas mourir sans sauver une vie.
Elle a examiné la plaque à côté de l’entrée décrépite : Comité des mères de soldats de Saint-Pétersbourg. Elle a gravi une première volée d’escalier. Un brouhaha émanait d’un corridor sombre. Mères et fils s’agglutinaient devant une porte au fond, pendant que deux femmes, l’une petite et l’autre grande et efflanquée, s’occupaient d’une file d’attente d’environ quinze personnes. Elles écoutaient leurs histoires à tour de rôle, éclaircissaient des doutes et examinaient les documents. Ioulia s’est approchée de la plus petite. Mais à peine avait-elle ouvert la bouche qu’elle a été interrompue par la harangue d’une femme dont elle ne parvenait pas à distinguer le visage parmi les autres dans l’ombre. Tous semblaient parler en même temps :
– Vous devez faire la queue, comme tout le monde ! Ça ne sert à rien de resquiller. Vous n’êtes pas la seule avec un problème de vie ou de mort.
Honteuse, elle est allée se placer au bout de la queue. C’était comme si elle avait été surprise en flagrant délit. Il n’était pas possible que la mort soit déjà imprimée sur son visage. Elle n’avait pas encore perdu la honte de la mort. Elle avait peur qu’on la reconnaisse sur son corps. Elle a attendu comme tout le monde. La queue avançait lentement. La femme de petite taille s’est enfin approchée d’elle et a demandé :
– C’est à propos de votre fils ?
Elle entendrait la même question répétée cinq fois d’ici à la fin de la journée, trois fois pendant qu’elle attendait dans le couloir en bavardant avec ses compagnes d’infortune. Elle est restée deux heures debout avant de pouvoir pénétrer dans une pièce avec de hautes fenêtres encrassées par la suie. Les deux garçons devant elle dans la queue n’étaient pas encore ressortis lorsqu’elle a ouvert la porte, obéissant à la grande assistante qui lui avait indiqué le chemin avec impatience :
– C’est à vous.
Ioulia est entrée et a fermé cérémonieusement la porte derrière elle. Les deux garçons écoutaient d’un air terrorisé ce qu’une grosse femme énergique et rousse, vêtue d’un pull à ramages et d’un pantalon noir en jersey, s’efforçait de leur faire comprendre à propos de leurs droits de soldat. Ioulia s’est assise sur un banc le long du mur, au fond où étaient suspendus les diplômes décernés aux Mères de soldats par des organisations humanitaires internationales. Elle a attendu que la femme en ait terminé avec les garçons. Soudain, la physionomie et la voix de la grosse femme rousse retinrent son attention. Et Ioulia la reconnut. Marina Bondareva, sa camarade de classe, était tellement hypnotisée par ses propres paroles qu’elle n’avait pas remarqué l’entrée de Ioulia dans la pièce. Et ce ne fut qu’après avoir remis deux brochures aux garçons et levé les yeux pour la première fois qu’elle s’est aperçue de la présence de la personne pâle, aux longs cheveux châtains, qui attendait en silence assise sur le banc du fond sous
les diplômes – et toujours sans la reconnaître, elle lui a demandé d’une voix sonore :
– C’est au sujet de votre fils ? Vous avez apporté les documents ?
La question la poursuivait depuis son entrée dans le bâtiment. Toutes les femmes étaient des mères. Mais cette fois, Ioulia ne s’est pas donné la peine de répondre, elle s’est levée et s’est approchée de la petite estrade.
– Marina ? a-t-elle bredouillé. Et, devant la surprise et le silence de son ancienne camarade de classe, elle a insisté : je suis Ioulia. Ioulia Stepanova. Tu te souviens ?
Marina a écarquillé les yeux et soudain tout s’est figé dans la pièce. Les deux soldats, penchés sur les brochures qu’ils venaient de recevoir et qui résumaient ce qu’ils avaient entendu de la bouche de la grosse femme, ne semblaient déjà plus lire, n’avaient plus l’air condamné comme à leur arrivée, n’étaient plus que des figurants pétrifiés dans le présent. Il n’y avait ni futur, ni appréhension, ni peur. L’espace d’un instant, rien n’arriverait à quiconque. Il n’était pas nécessaire de prendre la moindre mesure pour empêcher les événements de se produire. C’était une trêve et tous respiraient. Marina a répété tout bas, comme pour elle-même, le nom de son amie, afin de se convaincre ou de se souvenir. Puis elle s’est avancée, repoussant la table devant elle avec son corps massif, pour la prendre dans ses bras. Maintenant c’était au tour des deux soldats d’écarquiller les yeux, abasourdis par l’impétuosité de la femme qui s’était comportée jusqu’alors avec la dureté d’un général leur expliquant les stratégies possibles pour leurs guerres particulières contre le commandement de l’armée russe.
– Ioulia Stepanova ! Que t’est-il arrivé ? Il s’agit de ton fils, oh mon Dieu ! s’est-elle écriée, ayant du mal à contenir son émotion, bien qu’elles n’aient jamais été vraiment proches.
Ses yeux se sont emplis de larmes, comme si elle s’était posé la question à elle-même. Et Ioulia a compris qu’elle aurait beau faire, elle ne saurait jamais ce qui unissait ces femmes. Elles étaient en proie à une sorte de folie. Elles se consacraient à sauver leurs fils. Sauver était ce qui les faisait vivre. Aussi longtemps qu’elles étaient des mères, elles ne pouvaient pas mourir.
– Excuse-moi, a poursuivi Marina en s’essuyant le visage avec le dos de la main, avant que son amie puisse répondre. Tu m’as attrapée à un mauvais moment.
– Je ne veux pas te déranger…
– Non, tu ne me déranges pas. Ce n’est pas ça. Donne-moi juste deux minutes pour que je finisse d’expliquer à ces garçons ce qu’ils doivent faire. Tu as le temps de boire un thé ?
– Bien sûr.