Dans la presse

LE MONDE DES LIVRES

Alain Frachon

"Tout à la fois politologue, professeur, journaliste, Gérard Chaliand n'a cessé d'ausculter les zones de turbulences de la planète. Et de ces dix dernières années de tourisme stratégique, fort bien résumées dans cette collection d'articles et d'essais, on retiendra trois réflexions qui sous-tendent l'ensemble :
1. Sur le terrorisme islamiste. Gérard Chaliand n'est pas de l'école du Komintern islamiste. Il ne croit pas à l'existence d'un " centre " guidant, plus ou moins directement, les opérations de cellules terroristes disséminées ici et là. " Le mythe d'une internationale islamiste produisant un effet de dominos est aussi irréaliste que la théorie des dominos l'était durant la guerre du Vietnam ", écrit-il. S'il observe que le terrorisme, islamiste ou autre, a rarement fait tomber un Etat et ne menace sérieusement l'existence d'aucun des puissants, il ne nie aucunement la menace qu'il représente.
2. Les grandes déstabilisations présentes et à venir sont d'ordre économiques et sociales, estime Chaliand. Si la pauvreté a reculé ces dix dernières années, notamment en Asie, les inégalités ont augmenté. Dans certains pays les plus pauvres, l'Etat s'est effondré, accompagnant une dégradation de la sécurité dans les villes de plus en plus denses :
" l'activité guerrière offre aux mâles désœuvrés et sans perspective des moyens d'existence sans commune mesure avec la vie civile ".
3. Dans ce monde-là, le sentiment d'une hyperpuissance américaine est, très largement, le reflet de l'impuissance politique et militaire de l'Europe. Avec des budgets de la défense en constante régression, l'Europe-qui, face à la Serbie, puissance militaire médiocre, a dû faire appel aux Etats-Unis- se condamne, écrit Chaliand, " à se retirer de la grande Histoire ".