Dans la presse

LE SOIR

Pascale Haubruge

Les histoires, avance Bernardo Carvalho dans " Neuf nuits ", son nouveau roman, dépendent avant tout de la confiance de celui qui les écoute et de sa capacité à les interpréter. L'écrivain brésilien laisse au lecteur la place d'imaginer, lui donne des indices, construit habilement son histoire, mais joue avec le réel et la fiction de manière telle que l'interprétation est reine.
Ce qui m'amuse en tant que lecteur, confie le romancier, c'est quand l'auteur me prend au sérieux. J'aime les livres qui me donnent des idées, me font participer. Ce qui m'énerve, c'est que les gens n'aiment pas ça. Ils n'aiment pas être respectés? Certains m'ont dit que " Mongolia ", mon précédent roman traduit en français, était trop compliqué. Je ne suis pas d'accord ! Il demande juste d'aimer agir dans le récit.
Dans " Neuf nuits ", le narrateur part en quête de la vérité d'un homme, l'anthropologue nord-américain Buell Quain, mort par suicide en août 1939, à vingt-sept ans, au cours d'un séjour chez les Indiens Kraho, en Amazonie. En cours de route, par jeux de correspondances, le narrateur se révèle, évoque son passé, son père manquant.
C'est le récit d'une obsession, résume Carvalho, qui précise : La littérature est pour moi la possibilité d'inventer des discours pour rendre compte de la réalité. La réalité existe. Vraiment. On meurt vraiment. Je pars de là. J'aime l'idée que l'écriture commence avant l'écriture, dans l'expérience.
Romancier, nouvelliste, journaliste, auteur dramatique, l'écrivain est né à Rio de Janeiro, en 1960. Il vit actuellement à Sao Paulo. Son arrière-grand-père, Rondon, a donné son nom à un Etat brésilien, le Rondonia.
C'était le militaire positiviste, résume son arrière-petit-fils. Il a posé les premières lignes télégraphiques à travers la jungle amazonienne et rencontré alors des Indiens qui souvent n'avaient jamais vu de Blancs. C'est une figure ambiguë. On ne sait pas s'il faut l'aimer. Il voulait le bien des Indiens. C'était peut-être hypocrite, ou juste bête, naïf, mais il voulait les protéger. Une clé pour lire " Neuf nuits ". Il y en a d'autres dans la vie de l'auteur, qui préfère les taire. Pour rendre le lecteur actif. Et ce n'est pas là paresse, ni suffisance. Il veut vraiment nous lancer sur la piste de nos histoires au gré de ses romans.