Dans la presse

LE SOIR

Pascale Haubruge

C'est un roman-labyrinthe. Il a beau être court et ses dialogues, percutants, il ouvre sur un gouffre, un espace hors le temps où les pauvres bougres se perdent sans espoir de retour. Marlon, narrateur et personnage du roman, s'y égare d'ailleurs dès la première ligne :
"J'aurais pu mourir à l'aube, se souvient-il, quand je me suis perdu, non seulement parce que j'avais senti le souffle de la mort dans mon cou, mais parce que j'en crevais d'envie."
Ce perdu est Colombien. Et New York l'avale. Il est parti de chez lui avec sa belle, sa reine, son ambitieuse Reina, qui se rêvait américaine du nord depuis toute gamine. Il l'a suivie, sans fric, sans visa, sans rien d'autre que son amour et ses doutes, son timide :
"Mais Reina, je ne parle pas anglais?" n'ayant pas suffi à décourager l'ensorceleuse.
Une organisation au doux nom mensonger de Paraiso Travel s'est chargée du voyage (en enfer). Et, à peine arrivé, l'amoureux s'est égaré. Reina, comme jadis ses parents, lui avait pourtant dit : Non, Marlon, ne sors pas !, mais fou de rage, il s'est jeté tout seul dans la nuit.
La ville l'a happé. Les rues, les foule, les immeubles, dehors, tout se ressemblait. Il n'a bientôt plus su d'où il venait? Et l'
"immeuble illégal" (comme dit le langage officiel) de nous entraîner avec lui dans un New York de l'envers du décor, violent et sordide mais pas sans fraternité.
Voyage initiatique, Paraiso Travel n'est pas une lecture de tout repos. Il faut accepter de s'y perdre, comme Marlon, dans le dédale de voies sans soleil, pour y comprendre quelque chose?