Dans la presse

LE FIGARO LITTERAIRE

Bruno Corty

Les nouvelles collections de livres au format semi-poche ne cessent de nous enchanter. A des prix plus que raisonnables, elles offrent au lecteur la possibilité de redécouvrir des vieux chefs-d'œuvre ou des petits bijoux oubliés, d'avoir accès à des textes édités récemment ou encore de se procurer des inédits de qualité. Ainsi, en « Libretto » de Phébus, on trouve à la fois le sulfureux Dirty Week-End de l'Anglaise Helen Zahavi, qui n'était plus disponible après sa publication dix ans plus tôt chez Pocket, et Jack London (dernier volume paru : Martin Eden !). Ainsi, dans sa collection « Arcanes », Joëlle Losfeld nous propose-t-elle des textes de son auteur culte Albert Cossery, la réédition de l'introuvable et magnifique Portrait de Jennie de Robert Nathan et un inédit de Michel Quint, devenu best-seller en cours de traduction dans plusieurs pays d'Europe et aux Etats-Unis ! La collection « Suites » créée par Anne-Marie Métailié a le même profil. On y trouve aussi bien le grand Antonio Lobo Antunès, le classique Horacio Quiroga que la jeune Catalane Maria Mercé Roca Né à Port-Bou en 1958, ce professeur de littérature a commencé à écrire au début des années 80. A ce jour, son oeuvre compte plusieurs recueils de nouvelles et romans qui l'ont propulsé, avec Sergi Pamiès et Quirn Monzo, parmi les plus sûrs talents de la jeune littérature catalane. On l'a découverte en France en 1995 avec Basse Saison, récit sans concession de la brisure d'un couple vue par un homme de 40 ans. En 1997, avec Les Escaliers de Port-Bou, elle relatait l'histoire de sa famille et plus particulièrement l'amour qu'elle vouait à son cheminot de père, blessé par un garde civil alors qu'il passait en fraude du café acheté en France. Publié directement dans « Suites », Un temps pour perdre, paru en Espagne en 1999, raconte quelques mois dans la vie d'une jeune fille. Lorsque le roman commence, Laura, dix-sept ans, travaille dans une usine qui transforme des jeans neufs en faux jeans usagés ! Répétitif, fatigant, sans intérêt, son travail à l'usine lui donne les moyens de vivre honnêtement sans dépendre de ses parents, gens de peu. Sa mère est femme à tout faire chez des gens aisés. Son père est gardien de nuit. Avant, il travaillait dans une fabrique de papier mais l'explosion d'une chaudière lui a démoli un bras. Depuis, il ne parle presque plus. Laura a aussi une soeur, avec qui elle ne s'entend pas très bien. Le mari de celle-ci, chef de sécurité dans une discothèque, la regarde toujours bizarrement. Les repas de famille sont un poème ! Au dessert, Manel, le copain de Laura vient la chercher. A l'arrière de sa fourgonnette, ils flirtent mais pas plus, au grand dam du garçon. Allongée, Laura « regarde les parois puis le plafond et a l'impression d'avoir pris place à l'intérieur d'un cercueil ».. C'est chez sa copine Marga, plus âgée qu'elle, que Laura s'épanouit, loin de la pesante ambiance familiale. C'est à Marga qu'elle confie ses rêves de fuite, de départ. Un jour, les deux copines gagnent le premier prix d'un concours organisé par un supermarché. Deux billets pour passer quatre jours à Paris ! Le rêve de Laura se réalise. Que lui réserve ce coup de chance inouï ? Un temps pour perdre, malgré son sujet, n'est pas un livre triste ou déprimant. C'est une histoire simple, douce amère, sur les rêves d'une jeune Européenne d'aujourd'hui.