Diego et Walid font connaissance dans la salle d’attente d’un centre pour enfants gravement handicapés, où l’un et l’autre mènent leur fils chaque jour. Une amitié se noue entre eux, mais tandis que Diego parle volontiers de lui, de sa culpabilité, de la quasi-impossibilité de communiquer avec son enfant, du malaise de sa confrontation au monde, Walid reste sur la réserve. L’Arabe l’entraîne un soir dans une fête orientale, où Diego rencontre une fascinante danseuse du ventre, puis Walid disparaît. Des agents secrets prennent contact avec lui pour lui demander de les aider à retrouver Walid, qu’ils dépeignent sous les traits d’un terroriste.
En superposant l’intrigue prenante d’un roman d’espionnage à la description du vécu douloureux des pères d’enfant handicapé, De Cataldo renonce ici à son détachement habituel devant les folies du monde. Dans un récit tout en émotion retenue, il conte à la fois l’histoire d’une amitié entre hommes de civilisations diverses et les profondeurs de l’amour pour les plus faibles d’entre nous, enfermés à jamais dans une hermétique prison mentale.
-
« Roman tout en finesse sur la paternité et le handicap, mais aussi sur l’immigration et le regard de l’autre, ce qui ne fait que confirmer l’étendue de l’auteur. »
Marie-Aube Nimsgern -
« Un petit format, mais une histoire puissante, voilà ce qui résumerait très sommairement cette lecture. Vous voulez peut-être en savoir un peu plus ? Deux histoires intimement liées, celle de la douleur de Diego qui accompagne chaque semaine son fils dans un centre pour enfants handicapés, et celle du même Diego qui se lie d’amitié avec un autre père, Walid. Leurs différences les rapprochent, ainsi que quelques sorties communes que bizarrement, Diego cache à sa femme. Ce petit livre recèle bien des surprises, provoque bien des interrogations et en vingt petites pages, je savais déjà que je ne pourrais plus le lâcher. Diego est un personnage touchant, qui a des difficultés à prendre conscience de son amour pour son fils, Walid est plus mystérieux. Jusqu’où pourront-ils aller au nom de cette amitié ? Qui est vraiment Walid ? J’ai eu du mal à reconnaître l’auteur du roman-fleuve Romanzo criminale, dans ce court texte où l’émotion est présente mais discrète. Je ne regrette pas cette rupture de ton avec son précédent livre, les deux méritent incontestablement qu’on s’y intéresse ! »
KathelLIBRAIRIE DIALOGUES (Brest) -
« J’ai été très émue par ce petit roman. L’histoire de deux papas portant le même malheur, deux enfants handicapés. Et c’est à l’hôpital que va naître une grande histoire d’amitié entre ces deux hommes.
Emouvant !! »Sandrine GauzèreLIBRAIRIE LE MONDE D’ARTHUR (Meaux)
-
Plus d'infos ici.Cécile PellerinACTUALITTE.COM
-
Plus d'infos ici.BOOKNODE.COM
-
Plus d'infos ici.David AssolenECOLESJUIVES.FR
-
Plus d'infos ici.Bernard PoiretteC’EST A LIRE
-
Plus d'infos ici.Francesco RomanelloL’ITALIE A PARIS.NET
-
Plus d'infos ici.Joëlle SaulasEN LISANT EN VOYAGEANT
-
Plus d'infos ici.Yann Le TumelinMOISSON NOIRE
-
Plus d'infos ici.EskalionBLOG PASSION POLAR
-
« L’émouvante évocation de l’amour pour ces petits si démunis se double alors d’une étrange histoire d’espionnage. »Isabelle DesobryAXELLE
-
« ...un récit tout en émotion retenue… »Yves GittonX ROADS
-
« … de la honte à l’orgueil mêlé de douleur, pour arriver à l’amour. Magistral. »Marie ChaudeyLA VIE
-
Portrait à lire ici.Marc SémoLIBERATION
1
En attendant de récupérer son fils, Diego fumait cigarette sur cigarette. Il restait dix minutes avant la fin de la séance. Une fraîche brise d’automne soufflait et, au milieu de l’esplanade qui séparait le service des convulsions de celui des lésions cérébrales, quelques enfants épileptiques jouaient à chat perché sous le regard distrait d’une vieille femme occupée à tricoter. Deux infirmières essayaient de faire tenir debout un bambin à la tête microscopique. Diego avait déjà vu cette créature désarticulée qui semblait un jeu cruel de la nature. En son for intérieur, il l’appelait “le petit monstre”.
Il ne remarqua l’homme qu’une fois assis à côté de lui sur la partie du banc plongée dans l’ombre. La quarantaine, grand, la peau mate, de profonds yeux noirs, il était d’une élégance qui frisait la coquetterie. Diego se mit à fixer la pointe de ses chaussures.
En général, les parents échangeaient un signe de tête ou un commentaire sur le temps qu’il faisait ou sur leurs enfants. Diego ne s’était jamais accordé le réconfort d’un bavardage. En quoi les jérémiades ou les conseils des autres auraient-ils pu l’aider ? A une époque, ce malheur qui lui était tombé dessus l’avait rendu honteux. Puis il avait fini par se persuader que dans la douleur comme dans la colère, on est toujours seul et impuissant.
L’homme s’était mis à tapoter frénétiquement du pied sur le sol. Soudain il laissa échapper un profond soupir. Diego se surprit à le fixer malgré lui. L’autre croisa son regard et lui adressa un sourire empreint de douceur.
– Vous aussi, vous êtes ici pour votre enfant ?
Il avait prononcé ces mots avec calme, en appuyant nettement sur les accents. L’intonation était indéfinissable, mais à coup sûr étrangère. Probablement venait-il du Moyen-Orient, à en juger par son teint foncé et l’ombre d’une barbe qui semblait défier le rasage, même le plus soigné. Diego soupira à son tour, en acquiesçant.
– Chez moi, en cette saison, on organise de grandes fêtes dans les villages sur les hauteurs. On danse pour éloigner la peur de l’hiver. Je m’appelle Walid.
Diego serra la main qu’on lui tendait et murmura un “M. Marini” qui le fit se sentir à la fois ridicule et furieux.
– Vous venez de quel pays ? ajouta-t-il aussitôt.
– Oh, c’est un pays lointain. Pas très différent de l’Italie. Là-bas aussi il y a des montagnes et la mer, et des gens de tout acabit. Sur la côte, nous disons que les gens de la montagne se lavent peu, parce qu’il fait froid. Et ceux de la montagne disent que sur la côte nous puons le poisson. Voici mon fils Yusuf.
Il était donc le père du “petit monstre”. Étrange, en tout cas, lui si mat et cet enfant au crâne surmonté d’une touffe de cheveux blonds…
Il repensa alors à la façon dont il avait prononcé le prénom de l’enfant : avec orgueil et douleur. C’était ce que lui avait si souvent reproché sa femme : de ne jamais avoir su dire le prénom de son fils avec autant d’orgueil et autant de douleur.
– Le mien est encore à l’intérieur, marmonna-t-il en se levant brusquement, il est temps que j’aille le chercher.
Quand il arriva dans la salle de soins, les infirmières avaient déjà rhabillé Giacomo et une mère impatiente attendait son tour en serrant sur sa poitrine une petite fille aux joues rougies qui, de la langue, explorait sans arrêt l’intérieur de son palais.
Diego se pencha et chuchota quelque chose à l’oreille de son fils. Le visage du petit s’éclaira d’un sourire radieux et il l’entendit lancer son cri de bonheur, un “eeh-eeh !” à la fois monocorde et modulé par lequel il le remerciait de l’avoir délivré.
Pour lui, chaque séance était une torture : or selon les médecins, cette torture était nécessaire au développement de son cerveau malformé. Au bout de deux ans de soins assidus, Giacomo avait appris à sourire à ses parents et à remettre sa tétine dans sa bouche du dos de la main. Il arrivait à se tenir debout une trentaine de secondes en étant soutenu. Diego pensait être désormais résigné à la maladie de Giacomo. Pourtant à la maison, lorsqu’on respirait parfois un air de vague optimisme sur les “progrès” de l’enfant, il était pris de violents accès de rage. Tous ces efforts lui semblaient inutiles ou, pire, d’une insupportable absurdité. S’il avait été plus qu’un simple employé du ministère de la Justice, il aurait pu dire de lui-même qu’après la naissance de son fils, il était mort à l’intérieur.
En sortant, il retrouva Walid qui dansait au milieu de l’esplanade avec son petit monstre dans les bras. La tête du gamin penchait d’un côté, ses yeux étaient vides, mais sur ses lèvres affleurait le même sourire que celui de son père.
Ils se retrouvèrent côte à côte, chacun derrière sa poussette, et ils parcoururent ensemble le bout de route qui les séparait de la sortie de l’Institut. Sur le seuil de la porte vitrée qui conduisait à une longue allée très fréquentée, ils s’arrêtèrent pour installer plus confortablement leurs enfants. Giacomo souriait toujours, un filet de bave au coin de sa bouche gercée. Yusuf s’était endormi.
Ils échangèrent un geste d’adieu. Sur le visage de Walid apparut à nouveau ce paisible sourire, puis il se dirigea vers une longue berline noire stationnée devant l’Institut. De la voiture sortit un homme en uniforme de chauffeur, paraissant lui aussi venir du Moyen-Orient. Il s’inclina devant Walid et l’aida à soulever le petit.
Tout en regagnant sa Panda cabossée, Diego pensa qu’il aimerait bien revoir ce père si serein. Et il éprouva une honte profonde à l’idée d’avoir pensé à Yusuf comme à un “petit monstre”.