Dans la presse

IMPACT MEDECIN

Jean-Michel Ulmann

"En attendant de rencontrer les Italiens invités d'honneur du prochain Salon du livre, la lecture d'Andrea Camilleri est ce que l'on peut se mettre de plus appétissant sous la main en guise d'antipasti littéraire. Sa Disparition de Judas offre les styles les plus variés, les langues et les caractères les plus contrastés et les plus piquants de la société sicilienne. La typographie de chaque chapitre contribue elle-même à la multiplication du plaisir de le lire. Cette diversité n'est pas décorative ; elle correspond à l'échange de correspondance entre les différents protagonistes, qui mènent une enquête à couteaux tirés sur le sort du comptable Pato. Cet époux modèle a subitement disparu alors qu'il incarnait Judas dans la Passion du Christ, dit les Funérailles, spectacle édifiant donné chaque année dans le bourg de Vigata, province de Montelusa. L'enquête, menée à la fois par le délégué à la sécurité publique et par la brigade des carabiniers royaux, exaspère leur rivalité, éperonnée par leurs supérieurs hiérarchiques, et commentée par Pasquale Mangiaforte, gérant du «Héraut de Montelusa », à laquelle se mêlent les investigations d'autres localiers ainsi que les études et conclusions de savants étrangers. Mais Pato, discret fonctionnaire, reste introuvable. Son absence prolongée alimente la rumeur, nourrit l'imagination et les jalousies. à la manière d'un greffier consciencieux, Andrea Camilleri consigne chaque moment de ce fait divers pathétique dans un roman en forme de dossier, compilant chaque rapport dans la langue bureaucratique, savante ou rurale de son auteur. Cette manière quasi administrative de rapporter les témoignages fait tourner l'enquête à la farce. La Disparition de Judas bascule dans la commedia dell'arte et, pour sa plus grande joie, le lecteur s'aperçoit que sa vie, tellement grave, ressemble singulièrement au petit monde de Camilleri."