Dans la presse

TELERAMA

Michèle Gazier

La Fille aux ciseaux, premier roman de Jorge Franco-Ramos, un Colombien de 35 ans, raconte la vie d'une jeune femme pauvre introduite dans la société violente des cartels de la drogue. Ici, pas de langue syncopée, de recherche langagière pour dire la mort, le meurtre, les cris. Car le narrateur, Antonio, un jeune bourgeois amoureux de Rosario, la belle meurtrière, écrit et parle l'espagnol classique de ceux qui ont fréquenté école et université. Chez Jorge Franco-Ramos, c'est la situation de départ qui est violente : Rosario est mortellement blessée Elle est à l'hôpital, où Antonio attend le verdict de la médecine. Durant les longues heures de cette interminable nuit, il se remémore l'histoire de Rosario. Pour se sortir d'une existence de misère, pour échapper aux désirs des hommes violeurs, elle a pris les devants en devenant tueuse, et complice des gros bonnets du cartel de la drogue. Sur l'écran noir de sa nuit blanche d'angoisse, Antonio regarde défiler les images rouge et noir de la vie de Rosario, l'inaccessible qui campe depuis toujours de l'autre côté du miroir : celui d'où on ne revient pas.
[...] La Fille aux ciseaux dit l'impossible communication entre ces mondes parallèles que sont la bourgeoisie colombienne et l'univers sanglant des rois de la drogue et des pauvres qui les servent. Rosario est une enfant blessée, une gamine qui tue, la peur et la rage au ventre. Une héroïne tragique dans un monde sans cœur et sans mémoire.