Dans la presse

BISCUIT

Rachèle Bevilaqua

Le grand écran adore ses romans
José Angel Manas est ancré dans son temps. Espagnol, il parle un français impeccable avec un accent toulousain. Il a appris notre langue dans cette ville près de sa femme française. Aujourd'hui trentenaire, on l'aura vu dans Paris Dernière, déambuler dans Madrid, sa ville, dans Field dans ta chambre (Paris Première). Et son livre est le coup de cœur de Laurent Bonelli, chroniqueur dans l'émission de Pascale Clark sur France Inter. Ce jeune Européen, intéressé par le cinéma, nous entraîne dans les nuits madrilènes.
Ce roman est construit comme une pièce de théâtre. Il y a trois parties (actes) et un épilogue... 
Ce roman est né d'un petit récit : l'histoire d'un braquage. Et puis des suites se sont ajoutées. L'idée était de suivre le narrateur, de promener le lecteur dans des univers différents avec des atmosphères un peu dingues. J'ai l'impression d'avoir construit ce roman comme Rauschenberg pouvait le faire avec ses collages. La ville et sa folie sont le thème, la vedette de ce roman.
Comme dans Je suis un écrivain frustré, on retrouvé de la cruauté chez vos personnages...
Je suis cruel avec mes personnages car je mets toute ma négativité dans mes écrits. Je suis un écrivain frustré en est l'exemple type. Une bonne façon d'évacuer les tensions.
Pensez-vous que la drogue fasse partie de la nuit ?
Oui car elle permet aux atmosphères d'être folles. Il fallait donc l'intégrer pleinement. Pendant deux ans, j'ai eu un bar, à Madrid, avec des copains. Un Dj jouait jusqu'à 5 h du mat' et j'ai vu beaucoup de gens passer, tous étaient plus ou moins des personnages. Il y avait notamment ce jeune, avec un sac à dos qui inspirait le respect. J'ai parlé avec ces gens et, comme tous les écrivains, j'ai imaginé leur vie à partir de la question qu'est-ce qui se passerait si...
Et la techno...
La musique définit les gens comme leur look vestimentaire. Ce sont des langages qu'il faut savoir manier. Le jeune dont je viens de vous parler aimait beaucoup la techno. C'était un puriste, intransigeant, et j'ai aimé l'idée de ne rien comprendre à son monde. Je me suis renseigné sur cette musique en achetant des magazines spécialisés. C'est un univers incompréhensible car codé, on dirait de la science-fiction. Je voulais transmettre cette étrangeté : la techno remplit bien ce rôle.
Vous avez dédié ce livre à votre mère, ça paraît antinomique...

(Il éclate de rire) J'ai peu de famille et pour la forme je leur dédicace toujours mes romans. C'était au tour de ma mère, qui l'a lu, l'a trouvé loufoque mais en était très fière.
Que représente l'écriture pour vous ? 

C'est ma profession, elle me fait vivre. C'est ma thérapie, elle fait de moi une personne gentille. C'est aussi un refuge face aux agressions du monde extérieur. Elle me permet en effet d'être omnipotent et comme le disait Bunuel, c'est la liberté totale. Je prends cette liberté et je n'y renonce pas. L'écriture, c'est aussi de l'inspiration. Cette fois, j'ai lu beaucoup d'auteurs américains qui parlent de la jeunesse. Je viens d'écrire mon Attrape-cœur (de Salinger, ndlr). Un jour où l'autre, tous les romanciers y passent. A cette époque, j'ai aussi beaucoup lu Céline et les romanciers influencés par Joyce.
Le roman est également construit sur la lettre K. Que signifie-t-elle ? 

C'est une lettre agressive et un autre moyen de transmettre la tension et l'agressivité que vit le narrateur notamment quand il consomme de la cokaïne. Cette astuce de forme participe à créer l'atmosphère que je voulais. La substance contamine ainsi le texte. Je tiens beaucoup à 1'organisation textuelle car l'histoire doit aussi entrer par les yeux.
Bouchitey a adapté Je suis un écrivain frustré et le tourne en ce moment. Vous êtes-vous senti dépossédé par l'adaptation ?
 Non. Un film ne change pas le texte. Le texte reste. Je tenais uniquement à ce que Bouchitey reste fidèle à l'esprit du texte, même si, évidemment, il allait en faire autre chose. Quand j'ai vu Lune froide, j'ai compris que nous avions quelque chose en commun. Et j'ai été rassuré quand il a voulu tenir le rôle du prof. Mon expérience au cinéma ne s'est pas toujours aussi bien passée. Mes deux premiers romans ont été adaptés en Espagne. Pour le premier, je n'ai pas aimé le film, et pour le deuxième, le film m'a tellement plu que j'ai eu envie de retravailler le livre.