Dans la presse

LE MONDE

Jean-Louis Aragon

Après un cercle de traducteurs - La Traduction  -, c'est maintenant un groupe de neurologues contemporains que Pablo de Santis, né à Buenos Aires en 1963, explore, avec la même acuité. Les doctes Fabrizio, le maître, Lisi, Mosca et Lex, ses disciples, ont exclusivement consacré leurs travaux à la simulation de souvenirs, sans peur des compromissions, politiques ou morales. Fabrizio, décédé au moment où commence le roman, a même été jusqu'à créer un thé?tre de la mémoire, en collaboration avec un architecte concepteur de villes, Anibal Diago. Roman, fils de ce dernier, architecte lui aussi, est devenu amnésique, en tentant d'élucider la mort de son père. En charge de la santé de ce dernier, le docteur Nigro, par ailleurs narrateur, mène l'enquête avec la collaboration de Luciana, sa maîtresse, également épouse du patient.Le lecteur aura tout intérêt à saisir au bon moment les différentes clés données par l'auteur au cours de son récit, éventuellement à en chercher d'autres dans les meilleures
encyclopédies, car toute erreur pourrait être fatale à sa santé mentale. Et à méditer, avant d'entamer la lecture, la phrase suivante « le puzzle n'est jamais complet, sauf s'il manque une pièce. » On ne se plonge pas sans risques dans un tel enchevêtrement de mémoires, un tel dédale de souvenirs premiers, secondaires ou fantômes. D'ailleurs, interrogé sur les
motivations profondes qui l'ont poussé à choisir un thème si périlleux, l'auteur assurait ne pas se souvenir avoir écrit ce livre.