Dans la presse

TELERAMA

Michèle Gazier

Comme bon nombre d'écrivains voyageurs, Luis Sepúlveda parcourt le monde du réel et de l'imaginaire bardé d'un de ces carnets de moleskine rendus célèbres par Van Gogh, Matisse et Bruce Chatwin, dans lequel il note ses réactions, ses coups de coeur, ses tristesses, des souvenirs. De ces récits épars, sorte de journal sans égotisme, il a fait un livre qu'on lit comme un recueil de nouvelles. Pour notre bonheur, Sepúlveda a la tête politique et la plume romanesque, d'où son art de nous faire suivre une actualité décalée (les textes ici recueillis ont été écrits entre janvier 2002 et janvier 2004) avec cette passion qu'on éprouve pour ce qui nous est proche.
Militant, polémiste et homme de culture, Sepúlveda nous promène à travers notre histoire contemporaine en la reliant sans cesse à son autre passion : les livres, qui sauvent de la bêtise humaine, de l'horreur économique, des mensonges de George W. Bush, dont il trace de texte en texte un portrait terrible et grotesque, plus vrai que nature. Dans cet univers turbulent dont il décrypte et décrit les folies, des pauses de tristesse, des pages d'amitié et de deuil. Parmi ses chers disparus : Coloane, Dutce Chacon, Montalban... Et, au bout de ce voyage à travers les mots, les souvenirs et les révoltes, une image de sérénité : celle d'un grand-père (le sien, celui qu'il sera un jour) lisant le Quichotte à ses petits-enfants, puis quittant le monde, heureux. En paix !