Heredia est détective privé, il vit à Santiago du Chili avec son chat Simenon, traine dans les bars et les hôtels de cinquième catégorie, fréquente des personnages excentriques et marginaux. Sa clientèle vient du quartier pauvre qu’il habite.
Il a 50 ans et n’a pas de clients lorsque son éternel amour fugitif, Griselda, poussée par son amie Virginia, lui demande de s’occuper de l’assassinat de German Reyes, une affaire sans piste ni mobile.
Heredia se retrouve vite confronté aux fantômes du passé de la dictature, à la torture et aux tortionnaires, et à des coïncidences troublantes. Heredia communique ses réflexions dans une prose alerte et rapide qui mêle ses souvenirs à l’intrigue, et nous donne à lire un portrait de la ville, une image du passage du temps et des tours que nous joue la vie.
Un beau roman noir nostalgique et sans concession sur une période noire du Chili.
Un romancier en pleine possession de son talent pour le plus grand plaisir des lecteurs.
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« Avec Ramón Díaz-Eterovic, on déambule dans les rues de Santiago du Chili en compagnie de son privé, Heredia, dont c'est la cinquième enquête après : Les sept fils de Simenon, La mort se lève tôt, Les yeux du cœur et La couleur de la peau. Il nous avait manqué, Heredia, trois ans sans avoir de ses nouvelles, c'est long ! On le retrouve avec sa petite musique familière, qui nous rend ce personnage si attachant : sa mélancolie du quotidien, son désenchantement à vivre, ses réflexions douces amères sur le temps qui passe, son amour des livres... (Ses conversations avec son chat sont toujours aussi étonnantes ! C'est d'ailleurs souvent Simenon qui a le dernier mot – pour l'anecdote : entré un jour par effraction dans la vie d'Heredia, se glissant par la fenêtre, et s'étant installé sur une pile de livres de Georges Simenon, le chat avait trouvé son nom). Dans ce nouvel opus, L'Obscure Mémoire des armes, Heredia est engagé par une femme qui le charge d'enquêter sur la mort de son frère, German Reyes, abattu par balles par deux hommes à la sortie de son travail. Trente ans auparavant, lors du coup d'Etat militaire de Pinochet, German avait été arrêté et fait prisonnier à la Villa Grimaldi, sinistre lieu de tortures. Contrairement à d'autres, il en est sorti vivant mais cette terrible expérience l'a amené à s'impliquer dans une association s'occupant de dénoncer les bourreaux qui, en toute impunité, continuent de vivre leur vie cachés sous d'autres identités, sans jamais avoir expié leurs crimes. Heredia a l'intuition qu'il va lui falloir creuser dans cette direction pour trouver les raisons du meurtre... Pour l'anecdote, Ramón Díaz-Eterovic était à Bordeaux le week-end dernier, à l'occasion de la manifestation l'Escale du livre, et votre libraire, qui a osé l'approcher, a appris avec stupeur qu'au Chili venait de paraître la quatorzième enquête de Heredia ! (Si votre libraire prend des cours d'espagnol en accéléré, vous saurez désormais pourquoi). »
Plus d'infos ici.Karine -
« A sa manière de conteur, Rivera Letelier tisse la trame d’une tragédie burlesque sud-américaine. Sur fond de désespoir économique, il brode une histoire truculente faite de boucan d’alcool et de coups. ( …) Malarrosa est la continuité d’une fresque immense que Rivera Letelier avait entamée avec Les Trains vont au purgatoire, et qu’il n’a de cesse, depuis, d’enrichir roman après roman. »
Michel EdoLIBRAIRIE LUCIOLES (Vienne)
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Plus d'infos ici.Anthony QuindroitCHILI ET CARNETS
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Plus d'infos ici.Marie-Ange PinelliFRANCE BLEU BESANCON « Le livre du jour »
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Plus d'infos ici.Anthony QuindroitCARNETS DU CHILI
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Plus d'infos ici.Françoise BacheletLIVRES-A-LIRE.NET
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Plus d'infos ici.Cynic63NOIRS DESSEINS
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Plus d'infos ici.Jean- Marc LaherrèreACTU-DU-NOIR.COM
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Plus d'infos ici.Patrick ThibautARDENNE WEB.EU
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Plus d'infos ici.Philippe LançonLIBERATION.FR
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« Un cocktail étonnant et fort »Daniel MurazLE COURRIER PICARD
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« Polars à l’Ouest : ahora te vamos a llamar companero ». Plus d'infos ici.Dominique ConilMEDIAPART
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« Une plongée dans le passé et une déclaration d’amour à Santiago. » A lire dans l’Hebdo LausanneMireille DescombesL’HEBDO
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« Ramón Díaz-Eterovic a créé un personnage de loser lettré et sentimental, revenu des illusions politiques, mais fidèle à un idéal de justice. Avec l’appui de son chat Simenon, il traque les criminels déguisés en démocrates et les mécanismes de répression toujours à l’œuvre. »Isabelle RüfLE TEMPS
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« Dans ce dernier roman, […] le passé avec ses plaies ouvertes et ses bourreaux en liberté refait surface à l’occasion d’un assassinat faussement banal. Progressivement dévoilée au fil d’une enquête difficile, la vérité, on s’en doute n’a pas très bonne mine. »Mireille DescombesL’HEBDO LAUSANNE
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« Ce polar a vraiment tout pour lui. »Olivier Van VaerenberghFOCUS VIF
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« Superbe portrait au noir des dérives criminelles du temps de Pinochet et de leur persistance chez les victimes et bourreaux. »Gérard GuéganSUD OUEST DIMANCHE
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« Heredia est un détective privé quinquagénaire spécialisé dans les enquêtes légales. Faute de clients, il s’est mis à rédiger des comptes rendus de livres pour le bulletin d’une organisation. Le voici qui reprend du service lorsqu’on lui demande d’élucider la mort d’un homme dont il apprend qu’il était obsédé par la dictature et la torture. »Alexandre FillonLIRE
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« On suit les progrès de ce détective privé attachant et on revisite l’histoire du Chili. Une véritable découverte. »Jérôme CarronPOINT DE VUE
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« … on ne peut qu’aimer ce garçon un poil excentrique, qui écoute le sax de Ben Webster en citant Cioran. »Yann PlougastelLE MONDE MAGAZINE
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Article à lire ici.Jean-Louis AragonLE MONDE DES LIVRES
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« Heredia et Simenon, détective et chat, dans la nuit chilienne » entretien à lire dans LibérationPhilippe LançonLIBERATION
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« Le plus remarquable dans ce roman, comme dans les précédents, c’est le style et la narration de l’écrivain sud-américain : tout à la fois ludique et lyrique »Corinne NaidetLA NOIR'RODE
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« Au cœur du Santiago littéraire » à lire ici.Galo GhiliottoNATIONAL GEOGRAPHIC
Le pire, c'était de n'avoir rien à faire. Ou presque rien car, de temps en temps, je me donnais la peine d'allumer une cigarette, de mettre une autre cassette dans la chaîne stéréo et d'humecter mon index droit pour tourner les pages du livre que je lisais sans cesser d'être attentif aux coups que quelqu'un pourrait frapper à la porte de mon bureau. Parfois, j'essayais aussi de parler avec Simenon et, quand l'ennui me serrait la gorge, je quittais l'appartement et descendais au kiosque d'Anselmo parler des programmes hippiques de la semaine et des meilleurs spécimens que nous avions vu courir au fil des différentes étapes de notre passion pour les chevaux et les paris. Faute de clients, ma principale occupation qui, ajoutée aux gains de mes paris gagnants, me permettait de m'en sortir, consistait à faire le résumé de gros livres ennuyeux consacrés à la politique, à la sociologie, à l'économie et autres sciences occultes prétendant expliquer le comportement erratique de l'homme depuis ses premiers pas sur la terre. Ces comptes rendus finissaient dans le bulletin d'une organisation pompeusement appelée Institut de recherches internationales, et je me moquais bien de savoir si quelqu'un les lisait. Avec un peu de patience, j'étais parvenu à mener à leur terme mes cinquante premières années, un âge trop avancé pour changer de métier dans un pays où le poids des ans pèse comme une condamnation à l'heure de chercher un emploi. Un ancien camarade d'université m'avait trouvé ces comptes rendus à faire. J'étais tranquille mais je ne pouvais pas affirmer que j'étais heureux. La nuit, tandis que je faisais des efforts pour m'endormir, je pensais à mes enquêtes de ces dernières années et un élancement dans un endroit proche du cœur m'obligeait à reconnaître que je regrettais mes vagabondages à travers la ville à la recherche de fragments de vérité, éphémères comme l'éclat des étoiles filantes qui traversaient parfois le ciel sale de Santiago. Une ou deux fois par semaine, j'allais voir Griseta, la femme rencontrée treize ans plus tôt, à l'époque où elle était étudiante et cherchait à se loger pour quelques jours. Depuis lors, beaucoup d'eau était passée sous les ponts. Des moments agréables ou orageux, des séparations et des retrouvailles. Pourtant, malgré les peines et les joies, il me suffisait de la regarder dans les yeux pour savoir que notre histoire avait un sens et nous procurait la petite paix dont nous avions besoin pour poursuivre la pénible tâche d'ajouter un jour à l'autre.
Comme je n'avais pas grand-chose à faire, cela m'amenait à penser, entre autres, à un rêve qui me rendait visite certaines nuits, ponctuel et rigoureux, dès que je posais ma tête sur l'oreiller et fermais les yeux en essayant d'effacer les événements de la journée, la répétition monotone des heures, les feuilles sèches de l'ennui éparpillées sur ma table de travail. C'était toujours le même, comme le texte d'un scénariste soucieux de perfectionner l'effet d'une scène capitale. Toujours le même, identique, réitératif et brutal comme un coup dans l'obscurité : j'étais debout au bord de la mer, les pieds enterrés dans le sable et le regard fixé sur l'horizon où une vague commençait à grossir. Un vol de mouettes passait au-dessus de ma tête et, pendant un moment, la mer cessait de rugir et je pouvais entendre les battements résignés de mon cœur. Puis la vague avançait, sinueuse, souple, grise avec sa crête teintée de mystères. Vague serpent. Vague rapace. Je voulais fuir et je ne le pouvais pas. Dans mon rêve, j'ouvrais les yeux et j'avais du mal à reconnaître l'endroit où je me trouvais. Mystère, tout n'était qu'ombres et mystères. Peu importait mon désir de fuir. La mer finissait toujours par m'atteindre. Comme le passé, le mien et celui de beaucoup d'autres. Une vague, la mer, les énigmes et les vérités de sa fureur mêlées à des restes de naufrages.
J'occupais une bonne partie de mes heures à somnoler, les coudes sur mon bureau, ou à fumer le regard perdu au-delà de la fenêtre donnant sur le Mapocho et le quartier de La Chimba où rôdaient les fantômes ivres de Rubén Darío et Pedro Antonio González, des poètes que j'avais lus en feignant de suivre avec intérêt les connaissances inutiles infligées à ses élèves par le professeur de droit romain à l'époque où j'étais étudiant. Cela appartenait au passé et éveillait tout juste en moi un brin de nostalgie, celle de l'agilité de mes vingt ans et de ma chevelure jusqu'aux épaules. Mes cheveux étaient toujours vigoureux et abondants mais nuancés de blanc maintenant, ce qui m'obligeait à reconnaître que les feuilles du calendrier étaient tombées peu à peu avec leur inévitable rigueur. Pas de quoi m'inquiéter outre mesure sauf quand je me mettais à penser que la vie est une poignée de sable qui nous glisse entre les doigts.
J'ai arrêté le manège des souvenirs et j'ai quitté mon appartement dans l'intention de faire un tour dans le quartier. Écartant l'idée de prendre l'ascenseur, je me suis dirigé vers l'escalier de service. Je n'ai pas commis l'imprudence de compter les marches entre le septième étage et la rue mais, tout en descendant, j'ai pensé au peu de choses que je savais sur les habitants de l'immeuble. Je me souvenais de Steven, le voisin aveugle qui m'avait aidé à résoudre une enquête sur des fabricants de bombes, et aussi des jeunes filles qui prodiguaient des soins brûlants dans un institut de massage qui avait finalement fermé à cause des réclamations d'une dizaine de résidentes portées sur les prêches et les scapulaires. Quant aux autres, la plupart d'entre eux étaient un jeu de masques sans noms croisés en entrant ou sortant de l'immeuble. Je n'avais rien à leur reprocher. De temps en temps j'entendais leurs altercations ou la musique criarde qui jaillissait de leurs appartements, ce n'était pas une raison pour reprendre la guerre de Troie ou sortir dans les couloirs réclamer ma part de silence.
Ma promenade m'a conduit jusqu'au Pressoir de Don Quichotte où j'ai bu un verre de vin et me suis amusé à écouter la conversation de deux clients ; ils avaient passé beaucoup de temps en compagnie de Bacchus et avaient du mal à reconnaître les paysages s'étendant au-delà de leurs nez rougis. Je suis revenu ensuite au bureau dans l'intention de faire le compte rendu d'un des livres qui m'attendaient sur ma table de travail. En entrant dans l'immeuble, j'ai été arrêté par le concierge, un petit homme pâle, récemment embauché, qui essayait par tous les moyens de gagner la confiance des résidents.
– Vous avez des missives, monsieur Heredia, m'a-t-il dit en me tendant une demi-douzaine d'enveloppes.
– Des missives ?
– Des lettres, a-t-il précisé d'une voix où passait un brin de compassion devant ma possible méconnaissance d'un mot que j'avais lu, aussi loin que remontaient mes souvenirs, dans les vieux romans de piraterie de mon adolescence.
– Le facteur ne monte plus jusqu'aux appartements ?
– Je reçois le courrier à la loge et je le remets ensuite à ses destinataires.
– Très efficace, lui ai-je dis avec un soupçon d'ironie, comment vous appelez-vous, mon ami ?
– Félix Domingo Vidal.
– Feliz Domingo.
– Félix, avec un x, comme xénophobe et xylophone.
– Xipetotec et Xochicatzin.
– Xylographe et xérodermie.
– Xochipilli.
– Félix, avec un x, ne l'oubliez pas, monsieur Heredia.
J'ai pris congé de Feliz Domingo et j'ai examiné les enveloppes dans l'ascenseur. La plupart contenaient des brochures d'organismes financiers offrant le paradis terrestre en échange d'une hypothèque sur vos poumons pendant huit ou dix ans. Quant au reste, l'une renfermait une proposition d'abonnement à une revue consacrée aux crimes inoubliables, une autre la lettre et le chèque d'un ancien client reconnaissant de mes services qui s'excusait de son retard dans le paiement de mes honoraires. Le chèque n'était pas très gros mais suffisant pour régler les factures de l'appartement, acheter un livre ou deux, emmener Griseta au cinéma et garder plusieurs portraits d'Andrés Bello dans le portefeuille en peau de serpent à sonnette offert par un ami mexicain. La dernière enveloppe était adressée à un certain Desiderio Hernández, habitant l'appartement 707, à deux ou trois portes de mon bureau. J'ai envisagé de redescendre pour signaler son erreur à l'efficace Feliz Domingo, mais la distance m'a paru excessive et j'ai préféré réparer personnellement sa méprise. À la sortie de l'ascenseur, le couloir m'a semblé plus sombre qu'à l'ordinaire et la vue de la plaque en bakélite annonçant mon métier de détective m'a fait esquisser un demi-sourire. Elle était décolorée sur les bords mais le texte HEREDIA, ENQUETES LEGALES était aussi fier que la première fois où je l'avais lu. Arrivé devant la porte de l'appartement 707, j'ai appuyé sur la sonnette placée sur le côté. J'ai attendu et, au bout de quelques secondes, j'ai entendu le bruit d'un verrou tiré avec difficulté. La tête d'un homme est apparue. Ses joues étaient parfaitement rasées et assez rigides, comme recouvertes d'une couche de poix. Sur la lèvre supérieure, il y avait une moustache noire, teinte. L'homme m'a observé avec méfiance et ma présence n'a pas eu l'air de l'enthousiasmer.
– Monsieur Desiderio Hernández ? lui ai-je demandé en commençant à regretter mon travail de facteur improvisé.
– Vous désirez ?
La question était dure, coupante comme un poignard.
– Le concierge m'a remis mon courrier et, par erreur, une lettre adressée à votre nom se trouvait parmi les miennes. Comme nous sommes voisins, j'ai eu l'idée de vous la remettre et…
– Donnez-la-moi, a ordonné Hernández sans me laisser le temps de poursuivre mes explications.
Je lui ai tendu l'enveloppe, il a vérifié qu'elle n'était pas ouverte et a repoussé le battant sans dire un seul mot. J'ai de nouveau entendu le bruit du verrou et j'ai dû faire un effort pour ne pas balancer des coups de pied dans la porte.
– L'amabilité est chose rare de nos jours, ai-je dit à haute voix en me dirigeant vers mon appartement.
J'ai oublié l'incident en me préparant du café. Vivre avec d'autres personnes dans un même immeuble est une preuve supplémentaire du destin capricieux qui nous lie à des inconnus par des liens parfois étroits ou par des fils aussi fragiles qu'un salut au passage ou un léger mouvement d'épaules. La ville impose une vie rapide et impersonnelle, sans laisser beaucoup de chances aux sentiments. Pas de quoi s'inquiéter sauf si on a une vocation de voisine cancanière ou d'écrivain intéressé par les tracas d'autrui.
Je me suis installé dans mon fauteuil, face à mon bureau et, après avoir allumé une cigarette, j'ai ouvert le livre posé à ma portée et dont le titre Incidence du niveau éducatif dans le déplacement urbain me promettait des heures de bâillements.
– Tu es d'accord ? ai-je demandé à Simenon.
– D'accord sur quoi ? m'a répondu le chat tout en essayant d'attraper un faux bourdon aux ailes noires.
Je lui ai jeté un regard en coin :
– Depuis quelque temps nous n'avons pas beaucoup de sujets de conversation.