Publication : 02/03/2017
Pages : 208
Grand Format
ISBN : 979-10-226-0643-1
Couverture HD
Poche
ISBN : 2-86424-542-6
Couverture HD

Un Nom de torero

Luis SEPÚLVEDA

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Titre original : Nombre de torero
Langue originale : Espagnol (Chili)
Traduit par : François Maspero

Les 63 pièces d’or de la collection du Croissant de Lune Errant ont été volées par les nazis. Après quarante ans de sommeil, à la chute du mur de Berlin, elles réapparaissent en Patagonie et la course-poursuite commence entre la Lloyd Hanséatique et les anciens agents de la Stasi.

La Lloyd a un atout majeur: Juan Belmonte. Il porte un nom de torero et un lourd passé de guérillero de toutes les révolutions perdues de l’Amérique latine. La Lloyd ne lui a pas laissé le choix : partir à la recherche des pièces d’or ou perdre Véronica, son unique raison de vivre, brisée par la torture.

Dans cette course au trésor vers la Patagonie, Belmonte retrouve un Chili où le poids du silence n’a pas enterré la profonde humanité des habitants du bout du monde. Luis Sepûlveda montre une fois encore qu’il est un extraordinaire raconteur d’histoires.

 » L’excellent policier de Sepúlveda qui se rattache à l’école prometteuse du thriller sud-américain, absorbe sans servilité l’influence des maîtres nord-américains : efficacité des constructions, rigueur du style, morale sourcilleuse du héros dont les échecs accumulés attestent la grandeur. »

Jean Soublin, L’Express

 

  • "Ni héros ni salaud, Juan Belmonte est le genre d’immense personnage de littérature qui vous marque durablement par sa grandeur d’âme, sa vie de combattant pour la démocratie, pour ses causes défendues qu’elles soient finalement bonnes ou pas, prêt à donner sa vie pour autrui." Lire l'article ici

    BLOG NYCTALOPES
  • Guérillero chilien, Juan Belmonte a choisi d'habiter l'Allemagne. Loin d'une démocratie molle où cohabitent anciens opposants et tortionnaires d'hier. Loin de Santiago, où Véronica, sa compagne, sauvagement torturée par les sbires de Pinochet, vit murée dans le silence blanc de la folie. A 40 ans révolus, sa vie est une suite de combats perdus. Mais le voilà à nouveau rattrapé par l'Histoire. Durant la Seconde Guerre mondiale, soixante-trois pièces d'or appartenant à la Lloyd's ont été volées par les nazis, qui en ont été à leur tour dépossédés par deux policiers du III? Reich. Quatre décennies plus tard, on apprend que cet or si convoité sommeille quelque part au fin fond de la Patagonie. D'anciens agents de la Stasi, devenus chômeurs depuis la chute du mur de Berlin, se lancent dans la course au trésor. La Lloyd's, elle, envoie Belmonte en mission pour récupérer son bien. Un refus de sa part mettrait la vie de Veronica en péril... Sur cette trame de thriller politique et policier, Sepùlveda écrit un de ces grands livres dont Manuel Vazquez Montalbàn ou Leonardo Sciascia ont le secret. Il utilise le roman comme moyen de sonder le réel, l'actualité, les obscures histoires du monde politique. Il fouille les dossiers et les archives de ces pays d'Europe et d'Amérique en pleine déshérence, il radiographie les peuples et les hommes. Pas de réelle surprise pour Juan Belmonte, qui a perdu ses illusions. Tous les individus qu'il croise sur sa route obéissent à de règles droit sorties des vieux catéchismes militants. Ceux qui ont survécu à la défaite des idéologies, aux mutations démocratiques, aux nouveaux régimes, ne peuvent en aucun cas être des enfants de chœur. Ils ont tué et peuvent à tout moment être à leur tour abattus froidement par leurs alliés d'hier. L'univers du secret politique, comme l'a souvent dépeint John Le Carré, est incertain et mouvant. Dans tous les cas, dangereux. Les héros et les salauds de tous bords sont également fatigués, mais tellement rodés. Dans ce Nouveau Monde ardemment consensuel, ils ne se battent plus pour des idées mais pour de l'or. A défaut de croire encore à Marx, Mao, Staline ou Hitler, les militants orphelins courent désormais après des valeurs plus matérielles. Courts chapitres, scènes syncopées, très cinématographiques, suspense et angoisse, l'écriture de Sepùlveda n'est plus celle, poétique, ardente, du Vieux qui lisait des romans d'amour ni celle. apaisée, du Monde du bout du monde. Ici, l'écrivain chilien a troqué sa plume d'amoureux de la nature contre celle, plus sombre et désespérée, des écrivains de romans noirs. Triste constat que celui de Belmonte : l'aventure avec un A majuscule n'est plus possible. Plus possibles non plus les rêves fous de liberté, fraternité et justice sociale qui animaient tous ceux qui, comme lui, ont tout sacrifié -leur propre vie et celle des êtres qui leur sont chers- pour des idées. Après l'age des illusions est arrivé celui des comptes. Une question pourtant traverse les pages de ce roman d'une violence désespérée. Et si l'aventure c'était tout autre chose que ce qu'on avait cru jusque-là ? Et si l'aventure ce n'était pas partir au bout du monde, traverser mers et océans, se battre dans des guérillas, vivre dangereusement ? Et si c'était simplement interrompre cette course folle contre la montre, qu'on croyait être la vraie vie, et regarder au fond des yeux l'autre, que l'on a toujours aimé sans avoir jamais pris le temps de le lui dire ? Dans les dernières pages d'Un nom de torero, Juan Belmonte est au pied de l'immeuble où habite, prisonnière dans son enceinte de douleur et de silence, Veronica, qu'il n'a pas revue depuis que son corps a été découvert inanimé et torturé dans un dépôt d'ordures de Santiago. La plus grande et la plus difficile aventure de sa vie commence : "Regarder la vie en face" après avoir "vu les reflets d'or de la mort."
    TELERAMA
  • « L'excellent policier de Sepulveda qui se rattache à l'école prometteuse du thriller sud-américain absorbe sans servilité l'influence des maîtres nord-américains : efficacité des constructions, rigueur du style, morale sourcilleuse du héros dont les échecs accumulés attestent la grandeur. »
    Jean Soublin
    L'EXPRESS

 

1. Terre de Feu : des charognards dans le ciel.

Le chauffeur de l’Étoile de la Pampa écarquilla les yeux en apercevant la silhouette du cavalier sur le bord de la route. Cela faisait cinq heures qu’il roulait, les yeux rivés sur la piste toute droite et sans autre distraction que quelques nandous qu’il faisait fuir en donnant des coups de klaxon stridents. Devant lui, la route. A gauche, la pampa couverte d’herbes dures. A droite, la mer franchissant, dans un murmure de haine incessant, le Détroit de Magellan. Rien d’autre.

Le cavalier était à quelque deux cents mètres et montait un mantungo, un cheval poilu qui patientait en mordillant des brins d’herbe. Le cavalier avait le corps engoncé dans un poncho noir qui couvrait également les flancs de l’animal, le chapeau de gaucho à bord court rabattu sur les yeux, et il ne bougeait pas un muscle. Le chauffeur arrêta le bus et donna un coup de coude à son aide.

Réveille-toi, Pacheco.

– Quoi ? Je ne dormais pas, chef.

– Non ? Tes ronflements empêchaient d’entendre le moteur. Tu parles d’un aide.

– C’est la faute à la route. Toujours pareille. Pardon. Vous voulez un maté?

– Regarde. Ce vieux con dort, ou alors il est évanoui.

– Y’a qu’une manière de le savoir, chef.

Dans le bus se trouvaient une poignée de voyageurs ankylosés par les longues heures de route. Certains somnolaient, la tête pendant sur la poitrine, et ceux qui etaient éveillés discutaient sans enthousiasme des mésaventures du football ou de la baisse incessante des cours de la laine. Le chauffeur se retourna, indiqua la silhouette immobile de l’homme à cheval et leur fit signe de se taire.

L’Étoile de la Pampa roula lentement en roue libre pour s’arrêter juste devant le cavalier endormi. Le cheval, sans se troubler, continuait à donner des coups de dents dans l’herbe clairsemée. Cavalier et monture se tenaient devant une curieuse construction en bois, peinte en rouge et en jaune. C’était une sorte de pigeonnier sur pilotis à un mètre et demi du sol. Son volume aurait permis à un homme de dormir commodément à l’intérieur.

L’appel rauque de l’avertisseur alarma le cheval qui releva le cou, encensa de sa tête aux grands yeux étonnés et faillit désarçonner son cavalier en déplaçant sa croupe pour tourner.

– Du calme ! Du calme, idiot cria celui-ci, surpris.

– Réveille-toi, vieux con ! Un peu plus et je t’écrasais ! cria le chauffeur en guise de salut, au milieu des éclats de rire de son aide et des voyageurs.

– Bandit. Chauffard. Pauvre type ! répondit le cavalier en flattant le cou de l’animal pour le calmer.

– T’énerve pas, ou tu vas avoir une attaque. Et range-toi, faut qu’on mette le courrier dans la boîte.

– Tu as quelque chose pour moi, maquereau?

– Peut-être bien. Le règlement dit que tu dois le prendre dans la boîte.

L’aide sauta à terre. Il se dirigea vers l’étrange construction, ouvrit la porte sur laquelle on lisait  » Poste Numéro Cinq. Terre de Feu « , en sortit plusieurs caisses, des ballots de peaux et un sac portant le sigle de la poste chilienne. Il monta dans le véhicule avec ce chargement et en redescendit quelques minutes plus tard avec des paquets scellés et un autre sac postal. Après avoir déposé les paquets à l’intérieur, il referma solennellement la porte.

– Maintenant, tu peux aller voir si quelqu’un se souvient de toi.

Le cavalier attendit que l’Étoile de la Pampa se soit éloignée. Il regarda le bus diminuer peu à peu, jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un point tremblant dans le paysage uniforme de la plaine. Alors il talonna le cheval et s’approcha du poste.

La lettre disait:  » Désolé, Hans. Ceux de toujours viennent te voir. On se reverra en enfer. Ton ami. Ulrich. « 

– Et voilà. Fallait bien que ça arrive un jour. Depuis plus de quarante ans que j’attends… Ils peuvent venir quand ils veulent, murmura-t-il en relisant la lettre que le vent agitait dans ses mains.

Les éperons d’argent effleurèrent les flancs de l’animal en lui signifiant de se mettre au trot pour quitter la route et gagner la pampa et ses herbes hautes et luisantes qui reflétaient le soleil de midi. Tout à coup, il tira sur les rênes pour retenir sa monture et se dressa sur ses étriers en regardant le ciel. Tout là-haut planait un couple de charognards.

– Pourquoi ces oiseaux de malheur sont-ils les premiers à sentir les mauvaises nouvelles ? dit-il à voix haute, puis il enfonça ses éperons pour repartir au galop.

Luis Sepúlveda est né le 4 octobre 1949 à Ovalle. En 1973, il est emprisonné sous le régime de Pinochet pendant 27 mois. Libéré puis exilé, il voyage à travers toute l'Amérique latine. Plus tard, il travaille comme journaliste et milite avec Greenpeace à Hambourg. Après avoir également vécu à Paris, il s’installe en 1997 à Gijón, dans le nord de l’Espagne, où il fonde le Salon du livre ibéro-américain pour faire connaître le travail des écrivains et des éditeurs indépendants d’Amérique latine. Grand lecteur et homme généreux, il aide les jeunes auteurs. Il écrit des chroniques pour des journaux espagnols et italiens. Il succombe au coronavirus en avril 2020. Auteur de nombreux romans, chroniques, récits, nouvelles et fables pour enfants, il a reçu de nombreux prix prestigieux pour son œuvre. En 1992, son premier roman Le Vieux qui lisait des romans d’amour connaît un immense succès mondial et change sa vie. Quatre ans plus tard, la parution de Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler vient asseoir sa renommée. Ses livres sont désormais publiés dans 52 pays et plusieurs ont été adaptés au cinéma. Portrait par Bernard Sesé à découvrir ici.   Hommage d'Anne Marie Métailié à Luis Sepúlveda : "Luis Sepúlveda a succombé au Covid-19. L’auteur du "Vieux qui lisait des romans d’amour", son premier roman, avait été découvert en 1992 par les libraires français qui en avaient fait un succès tel qu’il avait été immédiatement traduit dans 52 pays. Puis il y avait eu "L’Histoire de la Mouette et du Chat qui lui apprit à voler", un autre très grand succès. Et 20 autres romans et essais. Luis Sepúlveda était un formidable conteur d’histoires. Un écrivain majeur. Sa vie aventureuse dans l’Amérique latine des dictatures avait forgé son regard politique. Militant écologiste, il a su transmettre ses convictions à travers des œuvres inoubliables qui l’ont fait connaitre et aimer dans le monde entier. J’avais rencontré Luis Sepúlveda, alors inconnu, en avril 1992 et au long de ces 28 années de voyages, de galères et de succès, nous avons été des amis fraternels. De vrais amis." Anne Marie Métailié