Publication : 17/01/2013
Pages : 240
Grand Format
ISBN : 978-2-86424-896-5
Couverture HD
Poche
ISBN : 979-10-226-0443-7
Couverture HD
Numerique
ISBN : 978-2-86424-974-0
Couverture HD

La Servante et le catcheur

Horacio CASTELLANOS MOYA

ACHETER GRAND FORMAT
18 €
ACHETER POCHE
10 €
ACHETER NUMÉRIQUE
9.99 €
Titre original : La sirvienta y el luchador
Langue originale : Espagnol (Salvador)
Traduit par : René Solis

Le Viking est un ex-catcheur professionnel recyclé dans les troupes de la police politique qui veut montrer à ses supérieurs qu’il est un dur toujours capable d’assurer dans les situations de crise. Il part en opération pour enlever un jeune couple de subversifs et les transférer dans les cachots du Palais Noir de la répression.

Le lendemain María Elena vient pour la première fois faire le ménage chez les petits-enfants de ses anciens patrons. Le jeune couple a disparu. María Elena se met à leur recherche avec l’intuition qu’il leur est arrivé quelque chose de grave. Elle pose des questions dans le quartier et se souvient qu’elle a jadis été courtisée par le Viking au moment où il surveillait son ancien patron. Elle décide de lui demander son aide. Le hasard la fera assister à des détentions brutales, à des émeutes estudiantines où elle croira reconnaître un regard familier. Son angoisse ne fera que croître à mesure qu’elle comprendra la situation et sera amenée à se poser des questions sur la situation de sa fille et de son petit-fils.

  • « j'adore, vraiment, le dernier Castellanos-Moya ! Quelle claque ! »

    Corinne Simmonot
  • « Castellanos Moya assène un roman mené à 100 à l'heure, en apnée, secoué d'explosions et inondé de gaz lacrymogène, au coeur de la guerre civile où la mort rôde à chaque coin de rue. Le rythme est haletant, les évènements s'enchaînent dans une ambiance tendue à l'extrême et un réalisme étonnant. C'est bouleversant, c'est sans pitié, c'est souvent terrible mais l'écriture lapidaire et la construction dramatique implacable parviennent à capturer le lecteur pour le jeter aux côtés de Maria Elena, superbe personnage de femme, petite servante qui s'avère plus courageuse et digne que tous les combattants sauvages que le chaos a engendré. Si elle n'avait pas été là pour nous accompagner dans les rues martyrisées de cette ville, pas sûr que nous aurions eu les tripes de nous y aventurer seuls. Un livre dur et cinglant sur la folie d'un peuple en lutte contre lui-même. »

    Grégoire Courtois
  • Salvador, années 70-80 : une junte militaire cruelle et sanglante sème la terreur dans le pays...Chacun surveille chacun, et tout le monde fait attention à ce qu'il dit : la ville est sous le pouvoir invisible des mouchards et des réputations. Une femme de ménage se retrouve à enquêter sur un jeune couple qui a disparu : pour se faire elle fait appel à une vieille connaissance, le Viking, une ancienne gloire du catch reconverti dans les services très spéciaux de la police...Un roman haletant et terrible qui rend à merveille l'oppression et la brutalité de ces années de dictature.

    Quentin Schoevaert
  • « Parfois violent ; souvent sale, le roman d’Horacio Castellanos Moya dérange et interpelle. En dénonçant l’ignominie du gouvernement salvadorien et l’horreur de la dictature, cet auteur courageux fait voler en éclats la loi du silence. Et la littérature devient acte de résistance. »

    Emilie Pautus
  • « San Salvador, fin des années 70, en pleine guerre civile. Dans la ville gangrenée par les arrestations et les attentats, une femme de ménage va partir à la recherche de ses jeunes employeurs disparus. Elle va pour son enquête faire appel à une vieille connaissance, le Viking, ancien catcheur reconverti en policier tortionnaire. Dans un style incisif et percutant, H.Castellanos Moya nous plonge au cœur de la violence de la dictature et nous livre un roman haletant où le pire est toujours à craindre. »

    Lisa Paillet
  • « 48 heures sous pression, à San Salvador, sous la coupe des militaires alors que l’insurrection monte.
    48 heures au cours desquelles Maria Elena, la servante, vieille femme de ménage, va parcourir la ville en tout sens pour retrouver le Viking, ancien catcheur reconverti en flic et tortionnaire dans les unités spéciales du régime militaire. Elle ne l'a pas vu depuis des années mais lui seul pourrait l'aider à retrouver un jeune couple enlevé par une patrouille des escadrons de la mort.
    Horacio Castellanos Moya installe inexorablement et avec brio le chaos et fait de cette vieille servante une poignante mère Courage, témoin involontaire du pire.
    Estomacs sensibles, s'abstenir. »

    Dominique Minard
  • « Dès les premières lignes, Horacio Castellanos Moya plonge le lecteur au cœur de la violence et installe une tension impressionnante. Les tortionnaires y sont des fonctionnaires comme les autres, faisant le sale boulot sans arrière-pensée ni remords. La narration change successivement de point de vue, s’attachant d’abord au Viking et à Maria Elena mais impliquant ensuite des proches de cette dernière. Manière habile de montrer aussi comment les choix politiques qui se firent lors de ces années sanglantes vont faire exploser des cellules familiales qu’on aurait pu croire unies. Et si l’auteur fait parfois surgir la violence au coin d’une rue ou dans des résidences pavillonnaires anodines, il faut aussi souligner avec quelle retenue il évite les scènes gores ou racoleuses. La violence est palpable, elle innerve le récit et donne toute son intensité au livre mais Horacio Castellanos Moya se garde bien d’aller dans la surenchère. Il offre au final une peinture saisissante de ces années d’horreur, traversée par la silhouette inquiétante du Viking. Une silhouette que l’on n’est pas près d’oublier. »

    Charybde 3
  • « Avec une prose directe et incisive, l’auteur nous montre le grotesque et l’horreur des dictatures dans un roman aussi dérangeant que magistral. »

    Marc Rauscher
    Librairie Birmann (Thonon les Bains)
  • « Un ouvrage palpitant qui vous entraîne durant 48h à San Salvador dans les années 70. En pleine guerre, le pays perd ses repères et les gens leur humanité. 48h c'est le temps maximum qu'il faut pour retrouver les gens enlevés, au delà on passe en enfer dans les mains des bourreaux. Les personnages sont extrêmement bien humanisés et le temps de la lecture on est avec eux, dans la chaleur et l'horreur du pays. »

    Sylvia Peirone
    Librairie Au coin des mots passants (Gap)
  • "Un livre fort et haletant. Un compte à rebours fatal qui dit toute la folie d'un peuple en lutte contre lui-même. Une grande héroïne romanesque."
    Grégoire Courtois
  • Plus d'infos ici.
    Sujet de l’émission d’Arnaud Laporte « La Dispute » sur France Culture
  • Plus d'infos ici.
    émission « Livré à domicile »
    Chronique « Mauvais genre » par Michel Dufranne
  • Plus d'infos ici.
    BLOG « D’une berge à l’autre »
  • « Dans un pays où l’on se tue tout de suite, et de la manière la plus sale possible, l’écrivain monte ses phrases comme les guérilleros urbains montent leurs attentats : tout doit être net, précis, d’une dramaturgie minutieuse. » Plus d'infos ici.
    20 MINUTES.FR
  • « J’espère de tout cœur vous avoir donné envie de découvrir ce roman excellent, formidable. Un coup de cœur pour moi. » Plus d'infos ici.
    MYBOOX.FR
  • « Très corsé et trash, le nouveau roman d’Horacio Castellanos Moya est aussi l’un de ses plus réussis. » Lire l'article entier ici.
    LIVRES HEBDO
  • «C’est une écriture qui fouille l’architecture d’un système dictatorial, mais aussi les tripes de ceux qui l’appliquent. »
    Gladys Marivat
    TECHNIKART
  • « Ses fictions fleurissent, comme une rose des sables, dans le désert sanglant de l’Histoire. » Lire l'article entier ici.
    Philippe Lançon
    LIBERATION
  • « Il y a une dimension mythologique dans ce roman noir qui met à nu l’essence même de la guerre civile. » Lire l'article entier ici.
    Virginie Despentes
    LE MONDE DES LIVRES
  • «L’haleine fétide de la guerre… » Lire l'article entier ici.
    Bernard Emilien
    LE CANARD ENCHAINE
  • Horacio Castellanos Moya, le passe-frontières : dossier à lire ici.
    Eric Bonnargent et Thierry Guichard
    LE MATRICULE DES ANGES
  • « Salvador, 1980 : la guérilla sévit. Le poison de la violence contamine tout le monde. Avec La Servante et le catcheur, Horacio Castellanos Moya livre un roman magistral. » Lire l'article entier ici.
    Joël Isselé
    DNA
  • « L’écrivain et son conflit, par Horacio Castellanos Moya. » Lire l'article entier ici.
    LE MONDE DES LIVRES
  • « La force de frappe littéraire d’Horacio Castellanos Moya est inchangée : dans ce huitième de ses romans parus en France, le lecteur retrouve sa caractéristique, ce point de fusion entre la linéarité impeccable de l’histoire et la mise en scène d’une mécanique en action. C’est un rendez-vous poignant avec l’accumulation du mal. » Lire l'article entier ici.
    Bernard Daguerre
    LE MONDE DIPLOMATIQUE

1

La grosse Rita apporte d’une main l’assiette avec le bouillon de poulet, le riz et les légumes verts ; dans l’autre elle tient la pile de tortillas. Elle les pose sur la table.

Le Viking a déjà empoigné la cuillère. Il se dépêche d’y goûter, pour vérifier s’il est bouillant, comme il l’aime.

Le liquide lui brûle le gosier, l’œsophage, les tripes ou ce qu’il en reste. C’est la seule chose qu’il mange, tous les midis.

La Grosse lui a tourné le dos.

– Il y a rien à boire ? réclame le Viking en lançant un coup d’œil en coin vers la porte d’entrée.

– Va te faire foutre, dit la Grosse sans se retourner. Puis elle crie : Marilú, apporte un verre au Viking !

Du téléviseur, encastré dans un placard, sort une voix féminine vantant les mérites d’un shampoing.

– Putain, il faut vraiment chercher le poulet, se plaint le Viking tandis qu’il fouille dans l’assiette avec sa cuillère.

La Grosse débarrasse la table des trois découpeurs.

– Va te faire foutre, le Viking, répète-t-elle.

Les trois hommes lancent un coup d’œil au Viking ; ils curent leurs dents pourries. Puis ils se retournent vers la télévision.

Qu’est-ce qu’ils ont à me regarder, ces connards, pense le Viking, énervé. Ils n’ont pas idée de qui il a été, ils ne l’ont jamais vu sur un ring de catch, à sa bonne époque. Ils le voient comme un vieux flic malade. Péquenots de merde.

Marilú sort de la cuisine avec la boisson.

Les trois découpeurs se retournent de nouveau. Ils ne décollent pas les yeux de ses jambes et de ses fesses.

– Bande de sales vicieux, dès que vous voyez la gamine, vous êtes prêts à lui sauter dessus, se plaint la Grosse.

– La gamine, marmonne ironiquement le Viking. C’est un verre de quoi, ma toute belle ?

– C’est du jus de melon, dit Marilú, dans sa petite robe d’organdi.

Les trois découpeurs se curent de nouveau leurs dents pourries, sans quitter des yeux les fesses de Marilú tout le temps qu’elle met pour retourner à la cuisine.

– Mais oui, c’est une gamine ! lance la Grosse, indignée.

Les découpeurs se sont mis debout ; ils prennent leurs chapeaux de paille.

– Et ce super cul, on lui a prêté peut-être ? rétorque le Viking.

Le plus grand se tâte les couilles ; il a un léger sourire.

– Il faut me payer, vous me devez déjà dix jours de déjeuners, réclame la Grosse.

– Vendredi, dit le plus gros en crachant.

Ils passent entre les tables pour se diriger vers la porte de la rue.

– Bande de salopards, marmonne la Grosse avant de rentrer dans la cuisine.

Le Viking est resté seul dans la salle. C’est tout ce qu’il aime, c’est pour cela qu’il vient en dernier, quand tous les autres ont déjà mangé et sont retournés au Palais Noir.

– Putain, Viking, t’as pas l’air bien ! crie la Grosse depuis la cuisine.

C’est vrai, il ne va pas bien, il est peut-être en train de crever, mais pourquoi est-ce qu’elle en aurait quelque chose à foutre ?

Il continue à aspirer, cuillerée après cuillerée, lentement, bruyamment, tant qu’il pourra avaler, ça ira. Les crampes, ça peut le prendre après, quand il sortira dans la rue ou quand il arrivera au Palais Noir.

– Tu veux encore des tortillas ? demande la Grosse depuis le seuil.

– Le gros, il est rancunier, ne le provoque pas, l’avertit le Viking.

– Ils n’ont qu’à payer. Je n’ai pas peur d’eux, dit la Grosse en lançant deux tortillas sur la table.

Elle ne les a pas vus quand ils manient la lame… À la première entaille, même le plus courageux crache le morceau.

– Tu as vraiment été à l’hôpital, Viking ? demande la Grosse. Elle tire une chaise pour s’asseoir. Tu es comme un cadavre, de plus en plus maigre, pâle comme la mort, dit-elle avant de crier : Marilú, apporte mon assiette ici !

Le Viking mastique une bouchée de tortilla. Il lui manque une incisive, une canine et presque toutes les molaires.

Marilú apporte un plat avec des boulettes et du riz.

– Quand est-ce que tu me la prêtes ? demande le Viking à la Grosse sans quitter Marilú des yeux. Pour qu’elle fasse le ménage dans ma chambre, chez moi c’est un désastre, j’ai besoin d’une fille propre et ordonnée comme elle.

– T’es pas fou, dit la Grosse, en trempant sa tortilla dans la sauce des boulettes.

Le Viking lorgne sans vergogne le derrière de Marilú qui retourne à la cuisine. La Grosse lui passe la main devant les yeux, comme pour chasser une mouche.

– Vieux cochon, tu devrais avoir honte, dit-elle. T’es pas loin de crever. Et je suis sûre que tu n’es même plus foutu de bander, ajoute-t-elle avec une grimace destinée à son entrejambe.

– Tu veux essayer ? demande le Viking.

La Grosse l’ignore. Elle mastique bruyamment, la bouche ouverte.

– Marilú ! crie-t-elle. Éteins la télé, les informations sont finies.

Le Viking écarte son assiette vide. Il boit son verre de jus de melon. Puis il rote et s’essuie la bouche avec le dos de la main.

– Tu as vraiment une sale gueule, répète la Grosse. Tu devrais aller à l’hôpital.

– Plutôt crever, dit le Viking. Même quand Black Demon a failli me briser la nuque et que le combat a dû être arrêté, j’ai refusé qu’on m’emmène à l’hôpital. Et c’est sûrement pas aujourd’hui que je vais commencer.

– Sois pas plus con que tu n’es. Tu n’es plus le catcheur d’il y a quarante ans. Tout le monde dit que tu portes la mort sur la tronche.

– Ici, on porte tous la mort sur la tronche.

Il tire de la poche de sa chemise son paquet de cigarettes.

– Mais toi, tu es plus mort que vif.

– Normal, je suis le plus vieux, dit-il. Trouve-moi des allumettes.

– Marilú, je t’ai dit d’éteindre la télé, t’es sourde ou quoi ! crie la Grosse. Et apporte des allumettes pour le Viking.

Il a une crampe soudaine à l’estomac. Il a envie de vomir dans l’assiette de la Grosse.

Marilú lui donne les allumettes. Le Viking lui prend la main.

– Viens chez moi mon amour, tu feras le ménage dans ma chambre et je te donnerai des sous, lui propose-t-il.

– Lâche-la, vieux pervers ! s’exclame la Grosse en écartant Marilú.

Elle a une quinte de toux.

– Tu vas t’étouffer, lui dit le Viking en allumant sa cigarette.

Il ne lui reste plus qu’à demander au gros découpeur qu’il la débite avec sa machette pour la revendre comme chair à saucisse, et c’est lui qui restera avec la gamine.

Il lance la fumée au visage de la Grosse.

– Souffle encore plus de fumée, demande-t-elle, il y a plein de mouches.

– À tes ordres, chérie.

– Tu as vu le major Le Chevalier aux infos ? demande la Grosse.

– Hier soir ?

– Ils l’ont repassé à midi. Putain, les couilles qu’il a, je te dis pas. Il a tapé sur les curés, il a dénoncé un par un tous les communistes en filant leur nom et leur prénom, à commencer par l’archevêque. Ils doivent tous être en train de chier dans leur froc.

– On en aura jamais fini avec tous ces fils de pute, murmure le Viking, songeur, en exhalant un gros nuage de fumée.

Il jette le mégot sur le sol en ciment avant de l’écraser sous la semelle de sa botte.

C’est vrai, il ferait mieux d’aller à l’hôpital, mais à quelle heure, avec tout le boulot qu’il a, et l’état d’alerte qui les oblige à rester à la caserne. Et puis les toubibs sont foutus de l’enfermer et de ne pas le laisser ressortir avant qu’il soit crevé.

– Tu devrais prendre ta retraite, dit la Grosse. Tu n’es plus fait pour ces conneries. Tu n’as pas de la famille, ou quelqu’un pour s’occuper de toi ?

– Dans ce boulot, personne ne prend sa retraite.

Il prend une autre cigarette, la dernière avant de retourner au Palais Noir. Il voudrait bien une petite tasse de café, même si l’amertume déclenche un ouragan dans son ventre.

– Donne-moi un café, demande-t-il.

La Grosse est en train de fouiller entre ses molaires avec l’ongle du petit doigt.

– Mais toi, tu vas me payer aujourd’hui ? N’est-ce pas ?

– Vendredi.

– Salopard, vous êtes tous les mêmes, lui balance la Grosse avant de crier à Marilú d’apporter un café au Viking.

Horacio CASTELLANOS MOYA est né en 1957 à Tegucigalpa, au Honduras. Il grandit et fait ses études au Salvador et s'exile à partir de 1979 dans de nombreux pays. Il enseigne aujourd'hui à l'université de l'Iowa. Il a écrit douze romans, qui lui ont valu de nombreux prix, des menaces de mort et une reconnaissance internationale.