Publication : 07/02/2008
Pages : 390
Grand Format
ISBN : 978-2-86424-638-1
Couverture HD
Numerique
ISBN : 978-2-86424-791-3
Couverture HD

L'Homme du Lac

Arnaldur INDRIDASON

ACHETER GRAND FORMAT
18 €
ACHETER NUMÉRIQUE
7,99 €
Titre original : Kleifarvatn
Langue originale : Islandais (Islande)
Traduit par : Eric Boury
Prix
  • Prix Polar Européen du Point - 2008

En juin 2000, un tremblement de terre provoque un changement du niveau des eaux du lac de Kleifarvatn et découvre un squelette lesté par un émetteur radio portant des inscriptions en caractères cyrilliques à demi effacées. Le commissaire Erlendur et son équipe s’intéressent alors aux disparitions non élucidées dans les années 60, ce qui conduit l’enquête vers les ambassades et les délégations des pays de l’ex-bloc communiste et les étudiants islandais des jeunesses socialistes boursiers de l’université en Allemagne de l’Est, pendant la guerre froide.
Tous ces jeunes gens sont revenus du pays frère brisés par la découverte de l’absurdité d’un système qui, pour faire le bonheur du peuple, jugeait nécessaire de le surveiller constamment.
Erlendur, séduit par un indice peu commun, une Ford Falcon des années 60, et ému par l’amour fidèle d’une crémière abandonnée, s’obstinera à remonter la piste de l’homme du lac dont il finira par découvrir le terrible secret.
Indridason nous raconte une magnifique histoire d’amour victime de la cruauté de l’Histoire, sans jamais sombrer dans le pathos. L’écriture, tout en retenue, rend la tragédie d’autant plus poignante.

  • Une nouvelle enquête du commissaire Erlendur, après la découverte d'un squelette dans un lac asséché suite à un tremblement de terre... ce squelette est attaché a un émetteur radio russe datant des années 60, le commissaire va donc se lancer sur les traces des hommes disparus durant cette période de guerre froide. Un saut dans le passé, où l'on découvre le destin d'un homme et une femme, un amour impossible brisé par la guerre et leurs divergences politiques...Plus qu'un polar Indridason nous fait découvrir une Islande peu connue, et un commissaire Erlendur touchant, mais sans tomber dans le "pathos"...Un roman poignant, dense, intense, bref, le polar de l'année !(Lechoixdeslibraires.com)

    Clément Darrieu
    Librairie Lacoste (Mont de Marsan)
  • C'est à la suite de la découverte d'un corps immergé dans un lac depuis de nombreuses années que nous retrouvons le commissaire Erlendur et ses collègues. Parallèlement à l'enquête des policiers islandais, le romancier nous fait revivre les années de la guerre froide où des étudiants, de tous les pays, se retrouvaient à Berlin pour apprendre et devenir les porte-parole du système communiste. Indridason évoque pour nous ces destins si particuliers, quand à Erlendur il est toujours bien préoccupé par sa vie personnelle. On attend ses prochaines enquêtes avec toujours plus d'impatience !(Lechoixdeslibraires.com)

    Véronique
  • Islande, de nos jours. Un squelette lesté par un émetteur radio russe est retrouvé au fond d'un lac. Pour la 4e fois, l'inspecteur Erlendur nous mène par le bout de l'enquête. Au-delà de l'intrigue policière captivante, le roman restitue à la perfection la guerre froide et la société est-allemande, dont les citoyens vivaient dans la peur permanente de la délation politique. A lire sans tarder ! (Source)

    Librairie La Procure (Paris)
  • - Chronique, février 2008
    CARNETS DE SEL
  • BIBLIOSURF.COM
  • - Chronique de Mikaël Demets
    EVENE.FR
  • - Frédéric Begbeider
    Le Cercle
    CANAL+
  • - Florence Noiville
    Le Monde des livres
    LCI
  • - Frédéric Ferney
    Le Bateau livre
    FRANCE 5
  • - Jean-Jacques Bourdin
    RMC Bourdin & Co
  • - 6 février 2008
    Ondes noirs saison 8 La Noir'Rôde
    AGORA FM
  • - Romain Meneval
    Le Coin des livres
    FRANCE BLEU GASCOGNE
  • - Arnaud Wassmer, 11 février 2008
    RCF ALPHA
  • - Bernard Lehut, 21 février 2008
    Le choix du palmarès L'Express-RTL
    RTL
  • - Joseph Lecuyer, 12 février 2008
    Paroles
    RBG
  • - Brigitte Kernel, 4 février 2008
    Noctiluque
    FRANCE INTER

  • « Révélation du polar scandinave, l’Islandais Arnaldur Indridason […] publie L’Homme du lac, enquête bouleversante sur l’innocence brisée. »
    Roger Gaillard
    LE TEMPS

  • « Cet Islandais original et subtil publie son quatrième livre traduit en français. »

    Mireille Descombes
    L’HEBDO

  • « Arnaldur Indridason signe un nouveau grand roman, poisseux et glauque. »

    Etienne Dumont
    LA TRIBUNE DE GENEVE

  • « Arnaldur Indridason. Le nouveau maître du polar nordique. »

    Eric Steiner
    LA LIBERTE

  • « Au rayon des polars venus du froid, Arnaldur Indridason occupe une place qui ne l’assimile à personne d’autre. Cet ancien journaliste devait être, dans son autre vie, fouineur comme un flic. Et, peut-être, obsédé par les disparitions. »

    Pierre Maury
    LE SOIR

  • « C’est aussi une histoire d’amour poignante qui nous est racontée et qui laisse derrière elle une tristesse diffuse. »

    Elisabeth Gilles
    LE MATIN

  • Un lac qui se vide, un cadavre (enfin des ossements) qui se découvre, la police qui prend l'affaire et qui la refile au commissaire Erlendur : "Nous l'avons obligé à prendre des vacances, je crois bien que nous lui devons cinq ans, mais je suis sur qu'il sera ravi d'avoir de quoi s'occuper. Il s'intéresse aux disparitions. Et il adore farfouiller." On ne peut pas dire qu'Erlendur soit ravi, il aime trop ronchonner, mais l'histoire n'étant pas banale (le squelette était lesté par ce qu'il semble être un émetteur radio russe des années 60), il s'y colle.
    "Ils étaient plus habitués à enquêter sur des affaires criminelles typiquement islandaises n'impliquant ni appareils bizarres, ni conseillers commerciaux qui n'en étaient pas, ni ambassades étrangères, ni guerre froide mais uniquement a réalité islandaise, anodine, quotidienne, pauvre en évènements et tellement, tellement loin du tumulte du monde." 
    Le quotidien va voler en éclats avec cette nouvelle enquête de l'inspecteur Erlendur (et il ne faut pas oublier ses collègues) dont la vie privée se dévoile de plus en plus lui donnant une nouvelle intensité. Alternant enquête actuelle avec une partie à Leipzig dans les années 60 (qui est très documentée et la plus intéressante du livre), Indridasson embarque le lecteur dans une grande fresque historique au dénouement musclé. 

    Christophe Dupuis
    L’OURS POLAR

  • « On ne résiste pas à Erlendur... »

    Frédérique Bréhaut
    LE MAINE LIBRE

  • « Avec L’Homme du lac, Arnaldur Indridason écrit un roman noir magistral autour de la disparition. »

    Claudine Galea
    LA MARSEILLAISE

  • « Toute l'ambivalence d'Indridason! »

    Richard Sourgnes
    LE REPUBLICAIN LORRAIN

  • Coup de cœur de la Médiathèque. Un roman à lire d’urgence.

    MIDI LIBRE

  • « Erlendur comme Indridason ont un don pour tirer la pelote des histoires. »

    François Montpezat
    DNA

  • « C'est aussi un amour sacrifié sur l'autel des idéaux perdus. »

    Christione Lettelier
    LA PROVENCE

  • « Le flic d’Indridason est un taiseux tourmenté, à l’image de cette île dont la mémoire semble prise dans les glaces du Grand Nord. »

    Yves Harté
    SUD-OUEST
  • « Erlendur, l’exemple typique de l’antihéros nordique, humain trop humain. »

    Jessica Jeffries-Britten
    MUZE

  • « Après La Cité des Jarres, La Femme en vert et La Voix, Arnaldur Indridason continue sa saga policière autour d’Erlendur, flic solitaire et particulièrement touchant avec ses états d’âme et sa vie personnelle difficile. »

    Valérie Lapierre
    UPSTREET

  • « Un squelette dans un lac, disparu depuis 40 ans, lesté d’un émetteur-récepteur d’origine soviétique. Une enquête qui nous transporte dans la RDA communiste. Un livre sur la disparition, sur fond de dépaysement islandais. Un roman policier poignant. »

    Géraldine Chabrier
    LE CHOC DU MOIS

  • « L’Islande : trois cent mille habitants et un auteur qui recueille les suffrages de la moitié d’entre eux, Arnaldur Indridason. " Père" d’un commissaire Erlendur désenchanté dans un pays où le miracle économique ne parvient pas à dissimuler une réalité nettement plus contrastée. »

    Jocelyne Fonlupt
    CARREFOUR SAVOIRS

  • «  Arnaldur Indridason livre une intrique dense et intelligente, passionnante de bout en bout. »

    Laurence Le Saux
    MAXI

  • « Une expédition dans le trouble mental de l'Islandais au XXIe siècle. »

    Michel Bessaguet
    GEO

  • « Les thrillers d'Arnaldur Indridason d'ores et déjà des "classiques". »

    Daniel Walther
    LE MAGAZINE DES LIVRES

  • « Roman écrit avec finesse et fluidité, L’Homme du lac, qui sait aussi être un livre grave, déchiffre avec subtilité le naufrage des destins tragiques. »

    Sandrine Fillipetti
    LE MAGAZINE LITTERAIRE

  • « Intelligent, poignant, pudique et parfaitement original: un must incontournable. »

    Marie-Caroline Aubert
    MARIE-CLAIRE

  • « Cette aventure d’espionnage est finalement très intimiste. Car c’est la figure du commissaire qui se précise : la disparition de son frère lorsqu’ils étaient enfants, sa culpabilité qui le pousse à choisir le métier d’enquêteur. »

    Christine Ferniot
    LIRE

  • « L'islandais Indridason, père du ténébreux, fragile et attachant commissaire Erlendur, procure des frissons sans pareil. L'Homme du lac met le feu à la glace. Un grand roman distingué par le prix du Polar européen 2008 du Point.

    IMPACT MEDECINE

  • « Une histoire farcie d'espions et de désillusions, contée avec brio par Indridason, une des gloires nationales islandaises au même titre que la chanteuse Björk. »

    Marie Chaudey
    LA VIE

  • « L'écrivain islandais Arnaldur Indridason s'affiche parmi les plus grands écrivains d'Europe du Nord. Lauréat de nombreux prix littéraires, cet historien de formation et scénariste de cinéma nous propose, au travers de son héros, l'inspecteur Erlendur, une vision quelque peu désenchantée du monde. »
    Yonnel Liegeois
    NOUVELLE VIE OUVRIERE

  • « Avec L’Homme du lac, le romancier islandais poursuit sa célèbre saga policière. Rencontre sur les terres de ce phénomène qui a déjà vendu plus de quatre millions de livres dans le monde. »

    Delphine Moreau
    LE FIGARO MAGAZINE

  • « Il y a Erlendur… on n’y résiste pas ! »

    Martine Laval
    TELERAMA

  • « En trois ans, l’Islandais Arnaldur Indridason est devenu le chouchou des amateurs de polars. Le voici de retour dans une nouvelle histoire de disparitions. »

    Pascale Frey
    ELLE

  • « Erlendur fouille, cherche et lève le voile sur une époque taiseuse. Indridason, lui, invente des fictions qui n'en sont pas tout à fait et offre des histoires à un pays qui n'en faisait guère. Pour l'un et l'autre, une façon d'exister. »

    Eric Libiot
    L’EXPRESS

  • « En Islande, il y a la reine Björk et le roi Indridason. »

    Brigitte Hernandez
    LE POINT

  • « L’élégance et la précision de la langue, […] forment un étrange contraste avec la cruauté des situations. »

    Gérard Meudal
    LE MONDE DES LIVRES

  • « Une réflexion sur l'humanité et la cruauté du destin, doublée d'une belle histoire d'amour. »

    Martine Freneuil
    LE QUOTIDIEN DU MEDECIN

  • « […] l'atmosphère est toujours aussi délicieusement pesante, dramatique, sa plume redoutablement sèche, froide et efficace. »

    Emmanuel Romer
    LA CROIX

  • « On l’entend ressasser ses obsessions profondes : la disparition de son frère, la dérive de sa fille toxico, les reproches de son fils. On le croit trop introverti pour être efficace. Erreur, l’auteur lui donne le dernier mot, au terme d’un magistral jeu de flash-back entre l’Islande d’aujourd’hui et une ex-Allemagne de l’Est digne du film La Vie des autres. »

    Philippe Lemaire
    LE PARISIEN / AUJOURD’HUI EN FRANCE

  • « C’est qu’à sa manière, douce-amère, Indridason nous ramène aux fondamentaux : à la vie, à la mort. »

    Sabrina Champenois
    LIBERATION

 

Elle resta longtemps immobile à scruter les ossements comme s’ils n’avaient pas dû se trouver là. Pas plus qu’elle-même, d’ailleurs.
Elle se disait que c’était probablement encore un mouton qui s’était noyé jusqu’à ce qu’elle parvienne assez près pour distinguer un crâne à demi enfoui au fond du lac ainsi que la forme d’un squelette humain. Les côtes dépassaient du sable et, en dessous, on pouvait distinguer les contours des os du bassin et du fémur. Le squelette reposait sur le côté gauche. Elle voyait la face droite du crâne, ses orbites vides ainsi que trois dents de la mâchoire supérieure. L’une d’elles portait un gros plombage en argent. On distinguait un large trou dans la boîte crânienne proprement dite et elle se fit machinalement la réflexion qu’il avait été causé par un marteau. Elle se baissa pour examiner le crâne. D’un geste hésitant, elle passa un doigt à l’intérieur du trou. Il était rempli de sable.
Elle ne savait pas pourquoi elle s’était mise à penser à ça et l’idée que quelqu’un puisse avoir été frappé sur la tête à l’aide d’un tel outil lui semblait abominable. En outre, le trou était plus large que celui qu’aurait laissé un marteau. Il était de la taille d’une boîte d’allumettes. Elle décida de ne plus toucher au squelette. Elle prit son téléphone portable et composa le numéro à trois chiffres.
Elle se demandait ce qu’elle allait dire. Tout cela lui sem­blait d’une certaine façon tellement irréel. Un squelette, à cette distance de la rive du lac, enseveli dans le fond sablon­neux. En outre, elle ne se sentait pas très en forme. Elle pensait princi­palement à des marteaux et à des boîtes d’allumettes. Elle éprouvait des difficultés à se concentrer. Ses pensées partaient dans toutes les directions et elle avait toutes les peines du monde à les rassembler.
Cela tenait probablement à sa gueule de bois. Elle avait prévu de rester chez elle toute la journée mais avait changé d’avis et était venue jusqu’au lac. Elle était persuadée qu’il fallait qu’elle aille faire des relevés. C’était une scientifique. Elle avait toujours désiré devenir scientifique et savait qu’il fallait surveiller constamment les relevés. Cependant, elle tenait une méchante gueule de bois et ses pensées n’avaient rien de logique. La fête annuelle de la Compagnie de distri­bution d’énergie avait eu lieu la veille au soir et, comme cela lui arrivait parfois, elle avait abusé de la boisson.
Elle pensait à l’homme qui se trouvait chez elle, allongé dans son lit. C’était à cause de lui qu’elle était partie faire un tour au lac. Elle n’avait pas voulu se réveiller à ses côtés et espérait bien qu’il serait parti quand elle rentrerait. Il l’avait raccompagnée chez elle à la fin de la soirée mais ne s’était pas montré franchement captivant. Pas plus que tous les autres dont elle avait pu faire la connaissance après son divorce. Il n’avait pratiquement pas parlé d’autre chose que de sa collec­tion de disques et avait même continué à la bassiner avec ça longtemps après qu’elle avait cessé de faire semblant de s’y intéresser. Elle avait fini par s’endormir dans le fauteuil du salon. En se réveillant, elle avait constaté qu’il s’était couché dans son lit où il dormait bouche ouverte, vêtu d’un slip ridiculement petit et de chaussettes noires.
– Ici la centrale d’urgences, répondit une voix au téléphone.
– Oui, je vous appelle pour signaler la découverte d’un squelette. Il s’agit d’un crâne percé.
Elle grimaça. Fichue gueule de bois ! Qui donc dirait un truc pareil ? Un crâne percé. Elle se rappela l’expression “une pièce percée de dix aurar*”. À moins que ça n’ait été la pièce de deux couronnes qui était percée ?
– Votre nom, s’il vous plaît ? demanda d’un ton neutre la voix de la centrale d’urgences.
Elle parvint à mettre de l’ordre dans ses pensées et déclina son identité.
– Où l’avez-vous trouvé ?
– Dans le lac de Kleifarvatn, près de la rive nord.
– Il a été pris dans vos filets ?
– Non, il est enfoui au fond du lac.
– Vous étiez en train de faire de la plongée ?
– Non, le squelette dépasse du lac. On voit les côtes et
le crâne.
– Donc, il est au fond du lac ?
– Oui.
– Dans ces conditions, comment se fait-il que vous le voyiez ?
– Il est devant moi, à l’endroit où je me trouve.
– Vous l’avez ramené sur la rive ?
– Non, je n’y ai pas touché, mentit-elle sans même réfléchir.
Il y eut un silence à l’autre bout de la ligne.
– Qu’est-ce que c’est, ces âneries ? gronda finalement la voix. C’est une blague ? Vous savez ce que ça peut vous coûtez, une plaisanterie de ce genre ?
– Ce n’est pas une plaisanterie. Je suis dans le lac et je l’ai sous les yeux.
– Vous allez peut-être me dire que vous marchez sur l’eau ? !
– L’eau a disparu, expliqua-t-elle. Il n’y a plus d’eau, il ne reste que le fond asséché et c’est là que se trouve le squelette.
– Comment ça, l’eau a disparu ?
– Pas entièrement, mais elle s’est retirée de l’endroit où je me trouve. Je suis hydrologue à la Compagnie de distribution d’énergie. J’étais en train d’effectuer des relevés du niveau du lac quand je suis tombée sur ce squelette. Il a un trou dans la boîte crânienne et il est presque entièrement enseveli dans le fond sablonneux. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un mouton.
– D’un mouton ?
– On en a retrouvé un l’autre jour, il s’était noyé depuis longtemps. À l’époque où le niveau du lac était plus haut.
Il y eut un silence au téléphone.
– Attendez-nous là-bas, annonça la voix avec quelques réticences. J’envoie une voiture.
Elle resta immobile à côté du squelette pendant quelques instants puis se dirigea vers le bord de l’eau pour évaluer la distance. Elle était certaine que ces ossements étaient encore immergés quand elle était venue faire des relevés au même endroit deux semaines plus tôt. Dans le cas contraire, elle les aurait vus. Le niveau du lac n’avait baissé que d’un mètre à ce moment-là.
L’énigme demeurait insoluble depuis que les ingénieurs de la Compagnie de distribution d’énergie avaient constaté que le niveau du lac de Kleifarvatn baissait à toute vitesse. La compa­gnie avait installé un appareil destiné à mesurer constamment la hauteur de l’eau et l’une des tâches des ingénieurs hydro­logues consistait à relever les mesures. Au cours de l’été 2000, on aurait pu croire que l’appareil s’était détraqué. Une incroyable quantité d’eau semblait disparaître chaque jour, le double de
la normale.
Elle retourna vers le squelette. Elle mourait d’envie de l’examiner de plus près, de le dégager et de le nettoyer du sable. Cependant, elle se disait que ça ne serait pas du goût de la police. Elle se demandait s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme et se souvint d’avoir lu quelque part, probablement dans un roman policier, qu’il n’existait pratiquement aucune diffé­rence entre un squelette féminin et masculin excepté le sacrum, les os du bassin. Elle se souvint aussi que quelqu’un lui avait dit qu’il ne fallait pas croire ce qu’on lisait dans les romans policiers. Elle ne voyait pas le sacrum qui était enfoui dans le sable et se dit que, de toute façon, elle n’aurait pas su faire la différence.
Sa gueule de bois se faisait plus oppressante. Elle décida de s’asseoir dans le sable à côté du squelette. C’était dimanche matin et une voiture solitaire longeait le lac. Elle s’imagina qu’il s’agissait de l’une de ces familles qui se livraient à leur excursion dominicale jusqu’à la baie de Herdisarvik et Selvog. C’était un itinéraire apprécié et grandiose qui traversait les champs de lave, les collines, en longeant divers lacs avant de descendre jusqu’à la mer. Elle méditait sur ces familles dans leurs voitures. Son mari l’avait quittée lorsqu’il était apparu qu’ils ne pourraient pas avoir d’enfants ensemble. Il s’était rapidement remarié et avait maintenant deux adorables gamins. Il avait trouvé le bonheur.
De son côté, tout ce qu’elle avait trouvé, c’était un homme qu’elle connaissait à peine et qui était en ce moment allongé en chaussettes dans son lit. Les années passant, il lui était de plus en plus difficile de trouver des hommes équilibrés. La plupart d’entre eux étaient divorcés tout comme elle ou, ce qui était encore pire, ils n’avaient jamais eu de relation durable.
Elle regarda tristement les ossements à demi enfouis dans le sable, elle se sentait au bord des larmes.
Environ une heure plus tard, une voiture de police arriva de Hafnarfjördur. Elle ne se pressait pas, avançant paresseusement le long de la route qui menait au lac. On était en mai, le soleil, haut dans le ciel, se reflétait à la surface lisse de l’eau. Assise dans le sable, elle surveillait la route et fit un signe à la voiture une fois que celle-ci fut parvenue sur la rive. Deux officiers de police descendirent, lancèrent un regard dans sa direction avant de se mettre en route.
Ils demeurèrent longtemps silencieux, debout au-dessus du squelette jusqu’à ce que l’un d’entre eux donne un petit coup de pied dans l’une de ses côtes.
– Tu crois qu’il était à la pêche ? demanda-t-il à son collègue.
– Ou bien sorti en barque ? renvoya ce dernier.
– Peut-être qu’il avait avancé jusqu’ici en marchant dans le lac ?
– Il y a un trou, dit-elle en les regardant à tour de rôle. Dans la boîte crânienne.
L’un d’eux se baissa.
– Ah bon ? demanda-t-il.
– Il a pu tomber de sa barque et se fracasser le crâne, observa son collègue.
– Il est rempli de sable, remarqua celui qui avait pris la parole en premier.
– On ne ferait pas mieux de contacter la Scientifique ? proposa l’autre, pensif.
– Ils ne sont pas tous en Amérique ? À un congrès de criminologie ? répondit son collègue.
L’autre policier hocha la tête. Puis, ils restèrent un long moment à examiner le squelette en silence avant de se tourner vers la femme.
– Où toute l’eau a bien pu passer ? demanda l’un.
– Il existe dans ce domaine plusieurs théories, répondit-elle. Alors, qu’est-ce que vous allez faire ? Est-ce que je pourrais rentrer chez moi ?
Les deux hommes échangèrent un regard, notèrent le nom de la femme et la remercièrent sans présenter la moindre excuse pour l’avoir fait attendre. La chose ne l’avait pas dérangée. Elle n’était pas pressée. C’était une belle journée au bord du lac et elle aurait profité encore mieux de sa gueule de bois si elle n’était pas tombée sur ces ossements. Elle se demanda si l’homme aux chaussettes noires était parti de chez elle, ce qu’elle espérait de tout son cœur. Elle avait hâte de se louer une vidéo le soir et de se glisser sous la couette devant la télé.
Elle baissa les yeux sur les ossements et sur le trou dans la boîte crânienne.
Peut-être louerait-elle un bon film policier.

Arnaldur Indridason est né à Reykjavík le 28 janvier 1961. Diplômé en histoire, il est d’abord journaliste et critique de films pour le Morgunbladid, avant de se consacrer à l’écriture. Ses nombreux romans, traduits dans quarante langues, ont fait de lui un des écrivains de polar les plus connus en Islande et dans le monde, avec 18 millions de lecteurs. Il a reçu le prix Clef de verre à deux reprises, en 2002 pour La Cité des jarres, et en 2003 pour La Femme en vert (également couronné par le Gold Dagger Award et le Prix des lectrices de Elle), le Prix du Polar européen Le Point en 2008 pour L'Homme du lac, le prix d’honneur du festival les Boréales en 2011, et le prix espagnol rba du roman noir en 2013 pour Passage des Ombres (troisième tome de la Trilogie des Ombres). Douze de ses romans mettent en scène le personnage d’Erlendur Sveinsson, inspecteur de la police de Reykjavík. Plusieurs autres sont consacrés à des énigmes historiques ou des affaires d’espionnage. Dans la fascinante Trilogie des Ombres, il met en scène un nouveau couple d’enquêteurs, à l’époque de la « Situation », l’occupation américano-britannique de l’Islande à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Portrait par Sabrina Champenois, LIBERATION - juillet 2010 Rendez-vous sur la page Facebook de l'auteur pour suivre toutes ses actualités