Publication : 06/02/2020
Pages : 320
Grand Format
ISBN : 979-10-226-0999-9
Couverture HD
Numerique
EAN : 9791022610001

Les Fantômes de Reykjavik

Arnaldur INDRIDASON

ACHETER GRAND FORMAT
21 €
ACHETER NUMÉRIQUE
14.99 €
Titre original : Stúlkan hjá brúnni
Langue originale : Islandais
Traduit par : Éric Boury

Danni a disparu, elle se droguait, ses grands-parents font appel à Konrad, un policier à la retraite. Une fillette retrouvée noyée dans le lac du centre de Reykjavik en 1947 hante les rêves d’une des amies de l’ex-policier.
Comment la police a-t-elle mené ces enquêtes ? À des années de distance les mêmes erreurs semblent se répéter. Konrad, solide, têtu, coléreux et rompu par son enfance auprès de son père à toutes les ruses des voyous, n’hésite pas à bousculer les conformismes. Il sait aussi écouter les fantômes.

Dans une construction particulièrement brillante, Indridason crée un suspense et des attentes sur des plans différents et surprenants. Il captive le lecteur et le tient en haleine avec brio. Il est ici question d’espoirs déçus et d’enfants que personne ne protège.

  • "Toujours plus sombre, Indridason nous entraîne encore dans ses abîmes."
    Voici
  • "Un roman lu sur une journée, tant Konrad est touchant et l’on souhaite découvrir ce qui se trame." Lire la chronique ici
    Blog Lire et sortir
  • "Absolument passionnant ! " Lire la chronique ici
    Blog Livr'escapades
  • "Les amateurs de cet auteur vont facilement se retrouver dans ce nouvel ouvrage et ne devraient pas être déçus par leur lecture. Les autres pourront découvrir l’auteur, risquant ensuite de se ruer sur ses autres ouvrages." Lire la chronique ici
    Site Froggy's delight
  • "Les Fantômes de Reykjavik rend un hommage magnifique et pudique aux sagas de l’Islande, mélangeant le réel au fantastique, l’histoire à l’actualité, l’énigme au réel, dans la toujours remarquable traduction d’Eric Boury." Lire la chronique ici
    Site Lecteurs.com
  • "Un nouvel enquêteur, Konrad, policier à la retraite, incarne parfaitement la « méthode Indridason »."
    Michel Belair
    Le Devoir
  • "Indridason livre, une fois de plus, une réflexion féroce et passionnante sur la société islandaise."
    Marie-Josée Sirach
    L'Humanité Dimanche
  • Lire l'article ici
    Julie Malaure
    Le Point

 

 

Crois-tu que les anges égarés dans les villes immenses

déambulent, solitaires, par les rues et les places…

Bubbi Morthens

 

 

 

 

 

 

 

1

Le jeune homme avait descendu la rue Skothusvegur, s’était arrêté sur le pont qui enjambait le lac de Tjörnin et, penché par-dessus le garde-corps métallique, il avait aperçu la poupée dans l’eau.

Ce pont dessinait un arc élégant là où le lac rétrécissait avant de continuer vers le sud, jusqu’à Hljomskalagardur, le Parc du kiosque à musique. Le jeune homme se tenait au sommet de l’ouvrage. C’était le soir. Dans la rue pour ainsi dire déserte, une voiture passa au ralenti. Bientôt, les ronflements de son moteur venus troubler la quiétude vespérale s’évanouirent. Le flâneur crut apercevoir un homme rue Soleyjargata. Un autre, vêtu d’un chapeau et d’un imperméable, le dépassa en marchant d’un pas résolu, sans regarder à gauche ni à droite. Accoudé à la rambarde, le jeune homme contemplait le lac, la Maison de l’Industrie en arrière-plan, les bâtiments du centre et, à l’horizon, le mont Esja, rassurant et immuable dans le crépuscule. La lune flottait en surplomb, comme un conte de fées issu d’un monde lointain. C’est en baissant les yeux qu’il vit la poupée dans l’eau.

Cette vision éminemment poétique toucha la sensibilité du jeune écrivain. Il sortit de sa poche son petit calepin et le stylo-plume qu’il avait toujours sur lui et griffonna quelques mots sur la perte de l’innocence, la fragilité de l’enfance et l’eau, à la fois source de vie et force destructrice. Ce joli calepin recouvert de cuir noir et portant l’inscription 1961 en lettres dorées contenait les méditations d’un jeune homme qui souhaitait devenir poète et y mettait toute son âme. Ses tiroirs renfermaient déjà largement de quoi publier un recueil, mais il n’avait jusque-là pas eu le courage de montrer ses textes à un éditeur. Craignant surtout qu’on le juge trop durement et qu’on lui oppose un refus, il passait son temps à les peaufiner, y ajoutant toujours un petit quelque chose, comme il le faisait en ce moment-même pour ces lignes sur la vanité de la vie.

Il était persuadé qu’une petite fille avait laissé tomber sa poupée dans le lac et n’avait pas réussi à la récupérer. Cela aussi, il l’écrivit dans son calepin. Il s’efforçait de saisir la quiétude du soir, de mettre en mots les lumières qui se reflétaient sur le Tjörnin. Il regarda vers l’îlot pris d’assaut par les sternes arctiques. Elles étaient aussi silencieuses que le voile de nuit recouvrant la ville, griffonna-t-il. Il remplaça le mot nuit par soir, raya ce dernier mot, biffa le voile, essaya d’y substituer le mot rideau, ce vers ne lui convenait pas.

Il rangea son stylo-plume et son calepin dans la poche de sa veste et s’apprêta à reprendre sa route, mais il se ravisa et se dit qu’il allait tenter d’attraper la poupée pour la déposer sur le pont au cas où la pauvre gamine reviendrait chercher sa compagne de jeu. Il descendit jusqu’à la rive, tendit le bras, mais le jouet était trop loin du bord pour qu’il puisse l’atteindre. Il remonta sur le pont, fouilla du regard les environs en quête d’un objet qui pourrait lui servir de crochet, un bâton ou une branche, mais ne trouva rien.

Renonçant à son projet, il remonta la rue Skothusvegur en direction du cimetière de Holavallakirkugardur. Ces lieux étaient souvent pour lui source d’inspiration. Au bout de quelques dizaines de mètres, il trouva la branche d’arbre qu’il avait cherchée quelques instants plus tôt, rebroussa chemin et redescendit sous le pont. Le bout de bois était assez long pour atteindre la poupée, mais cette dernière résistait, coincée de l’autre côté du bras d’eau. Il la secoua énergiquement et fut sur le point de renoncer une seconde fois lorsque, enfin, elle se libéra. Elle s’éloigna vers l’autre côté du pont. Il l’observa quelques instants, remonta sur la chaussée, redescendit et la repêcha.

Cette vieille poupée abîmée dont les yeux s’ouvraient portait une robe usée, sa bouche entrouverte émettait un petit couinement quand on lui appuyait sur le ventre. Ses cheveux étaient arrachés par endroits. On voyait les trous où les mèches avaient été plantées. Il lui appuya à nouveau sur le ventre, de l’eau coula de ses yeux comme si elle pleurait.

Immobile, le jeune homme regarda vers la pointe sud du lac où il aperçut une masse. En scrutant plus attentivement, il comprit ce que c’était. Il entra dans l’eau qui lui monta rapidement aux aisselles et avança, les pieds dans la vase, insensible au froid. Bientôt, il atteignit la forme et, quand il la tira vers lui, ses craintes se confirmèrent.

Il remonta sur la rive, épouvanté par sa découverte. Il venait de trouver le corps d’une petite fille tombée dans le lac de Tjörnin où elle s’était noyée.

 

 

 

 

 

 

 

2

Eyglo ne comprenait pas vraiment ce qui la mettait mal à l’aise. Une foule d’enfants et d’adultes avait envahi les deux étages de la villa pour fêter l’anniversaire de la fille de la maison. Il y avait là toutes ses copines de classe et quatre garçons, alors que ces derniers n’étaient en général pas invités aux anniversaires des filles. Les gentilles tantes de la reine de la fête organisaient toutes sortes d’activités pour distraire les mômes, parties de cache-cache et jeux de société. On jouait aux gendarmes et aux voleurs dans le jardin immense. On avalait des litres de soda, on mangeait du pop-corn et des gâteaux délicieux, décorés de bonbons. Les gamins avaient même droit à une séance de cinéma. Les parents de la jeune fille possédaient un projecteur et une belle collection de dessins animés américains en Super 8.

Tout cela aurait dû suffire à distraire Eyglo, mais quelque chose la retenait. C’était peut-être cet environnement. Jamais elle n’était entrée dans une maison aussi riche, son regard restait rivé sur les merveilles qui s’y trouvaient. Les murs étaient ornés de tableaux, un piano noir rutilant trônait dans un coin du grand salon. Tous les meubles semblaient neufs. On aurait dit que le canapé et les fauteuils blancs étaient encore en exposition dans la vitrine du magasin et que personne ne s’y était jamais assis. Ses pieds s’enfonçaient dans la moquette du salon, blanche, épaisse et incroyablement moelleuse. Il y avait également un poste de télévision avec un bel écran convexe et des boutons qui semblaient sortis d’un monde parallèle. Eyglo n’avait jamais vu ce genre d’appareil. Quand elle avait passé sa main sur le verre, le père de sa camarade de classe était subitement apparu à la porte en lui demandant gentiment de ne pas toucher l’écran. Eyglo était seule dans le salon, épargné par la fête d’anniversaire.

Elle pensait à l’entresol qu’elle habitait avec ses parents. Il y faisait sombre, le robinet de la cuisine fuyait et la fenêtre était percée si haut dans le mur qu’elle devait monter sur une chaise pour apercevoir la rue. Le sol n’était pas recouvert de moquette, mais de lino usé. Sa mère travaillait du matin au soir à l’usine de congélation et ils ne mangeaient pour ainsi dire que du poisson. Elle ne connaissait pas vraiment la profession de son père qui rentrait parfois ivre à la maison et se faisait réprimander par sa mère. Elle était désolée quand ce genre de chose arrivait. C’était pourtant un brave homme et, en général, ses parents s’entendaient bien. Il était toujours gentil avec sa fille, il l’aidait à faire ses devoirs et lui lisait des histoires. Parfois, il disparaissait pendant plusieurs jours sans que sa mère sache où il se trouve.

La jeune fille fêtait ses douze ans ce jour-là, les deux gamines n’étaient pas vraiment amies. Eyglo avait été invitée comme toutes les autres filles de leur classe. En réalité, elle n’aurait pas dû faire partie de ce groupe, constitué d’enfants de bonne famille. Les enfants des pauvres, on les inscrivait en général dans de moins bonnes classes. Son professeur avait cependant très vite repéré ses aptitudes scolaires et veillé à ce qu’elle fréquente la meilleure classe de l’établissement, où les enseignants pouvaient se concentrer sur les apprentissages plus que sur la discipline. Les autres élèves l’avaient acceptée sans difficulté même si, un jour, deux garçons s’étaient bouché le nez à son passage en lui demandant pourquoi ses vêtements sentaient si mauvais. C’est sans doute à cause de l’humidité de notre appartement, avait-elle répondu.

Peut-être avait-elle l’impression de ne pas être à sa place au sein de toute cette richesse. Au bout d’un moment, elle avait cessé de participer aux jeux et déambulé dans la maison. Elle était allée visiter les chambres, les salons, la cuisine et la buanderie, admirant tout ce qu’elle découvrait. Sa mère lui avait conseillé d’en profiter pour lier connaissance avec d’autres enfants. Elle s’inquiétait de voir que sa fille était souvent seule, mais c’était justement ainsi qu’elle se sentait le mieux. Sa mère disait qu’elle tenait ça de son père. Ça ne l’empêchait toutefois pas d’avoir des amis. Plus intelligente que la plupart des gamins de son âge, elle avait su comment se comporter avec ses nouveaux camarades de classe qui avaient immédiatement reconnu ses qualités et recherché sa compagnie.

Elle avait longuement déambulé dans la maison puis était revenue dans le joli salon à la moquette moelleuse meublé d’un canapé et de fauteuils blancs. C’est alors qu’elle avait aperçu une fille qu’elle n’avait pas remarquée jusque-là. Elles avaient le même âge, mais cette autre gamine était encore plus pauvrement vêtue qu’elle et que tous ceux qu’elle connaissait.

– Salut ! avait lancé Eyglo en se regardant sur le verre convexe de l’écran.

L’autre fille semblait triste, on aurait dit que quelque chose de grave lui était arrivé. Elle portait une robe usée, des chaussettes hautes et des chaussures d’été.

– Ça ne va pas ? s’était inquiétée Eyglo.

L’autre ne lui avait pas répondu.

– Comment tu t’appelles ?

– Je l’ai perdue, avait murmuré l’inconnue en s’approchant. Puis elle était passée devant elle sans s’arrêter et avait quitté le salon. Eyglo l’avait suivie du regard jusqu’à la porte. En baissant les yeux sur la moquette, elle avait remarqué une chose qui s’était gravée dans sa mémoire, un phénomène nouveau et surprenant. Le verre de l’écran n’avait pas reflété la silhouette de l’autre petite fille lorsqu’elle était passée devant la télévision et ses pieds n’avaient laissé aucune empreinte dans la moquette épaisse. Elle était aussi légère que l’air.

 

 

 

3

Le couple venu exposer ses problèmes à Konrad semblait très inquiet. Le portable du mari sonna deux fois, il se contenta de regarder le numéro sans décrocher avant de continuer à raconter les épreuves qu’ils traversaient. Konrad comprenait leur désarroi même s’il n’était pas certain de pouvoir les aider. Il les connaissait vaguement sans jamais les avoir fréquentés. Erna, sa défunte épouse, était une vieille amie de la dame, mais Konrad était toujours resté en dehors de leur relation. C’était le mari qui lui avait téléphoné en demandant à le rencontrer. Leur petite-fille leur posait des problèmes et ils espéraient qu’il pourrait les conseiller. Ils savaient qu’il avait longtemps travaillé à la Criminelle et, même s’il était aujourd’hui à la retraite, il connaissait bien le genre d’affaire dans laquelle la gamine était impliquée. Pour leur part, ils n’y entendaient rien. Konrad s’était montré très réticent. Il avait toutefois fini par céder face à l’insistance du mari. Il se souvenait également qu’Erna avait toujours dit le plus grand bien de son épouse, qu’elle décrivait comme une femme adorable. Ces gens avaient perdu leur fille toute jeune dans un accident de voiture et avaient pris en charge l’éducation de leur petite-fille.

Tenant à être tout à fait honnêtes, ils lui avouèrent qu’ils s’adressaient à lui plutôt qu’à la police parce qu’ils ne voulaient pas que l’affaire s’ébruite. L’épouse menait autrefois une carrière politique et, même si elle l’avait abandonnée depuis un certain temps, ils craignaient que la presse à scandale ne s’empare de cette histoire si elle établissait un lien entre eux et leur petite-fille. Des informations fuitaient quotidiennement au sein de la police. Ils ne voulaient pas que Konrad se méprenne. S’il leur conseillait de s’adresser au commissariat, ils l’écouteraient sans hésiter.

– En fait, avoua le mari, nous sommes sans nouvelles depuis plusieurs jours. Son téléphone est probablement déchargé, à moins qu’elle ne l’ait pas sur elle, en tout cas elle ne décroche pas. Certes, ce genre de chose s’est déjà produit, il nous arrive régulièrement d’avoir du mal à la joindre, mais ça ne dure jamais aussi longtemps…

– … Nous avons appris récemment qu’elle servait de mule, interrompit la femme en regardant son mari. Heureusement, elle n’a pas été arrêtée à la douane et elle nous a juré qu’elle n’avait fait ça qu’une seule fois, pour des hommes dont elle refuse de nous dévoiler l’identité. Mais ce n’est peut-être qu’un tissu de mensonges. Nous ne croyons plus rien de ce qu’elle nous raconte. Absolument plus rien. Si ce n’est que c’est une nouveauté, je veux dire, le fait qu’elle serve de mule.

La colère le disputait à l’inquiétude sur son visage. Peut-être se reprochait-elle ce qui arrivait à sa petite fille. Peut-être n’avait-elle pas eu le temps de s’occuper de la gamine à l’époque où elle se consacrait à sa carrière politique. À moins que la petite n’ait jamais vraiment remplacé la fille qu’elle avait perdue.

– Vous croyez qu’elle a quitté l’Islande ? demanda Konrad.

– Il est bien possible qu’elle ait emporté son passeport, répondit la femme. Nous l’avons cherché dans sa chambre, mais il est introuvable. C’est une des choses que nous aimerions vous demander de vérifier, si vous le pouvez. Les compagnies aériennes ne répondent pas à nos requêtes.

– Je crois que vous feriez mieux d’aller voir la police, dit Konrad. Je…

– Nous ne savons même pas à qui nous adresser au commis­sa­riat. Elle ne sait plus ce qu’elle fait, voilà maintenant qu’elle introduit de la drogue en Islande, on ne voudrait surtout pas qu’elle soit arrêtée et mise en prison, plaida l’épouse. Nous savons qu’elle se drogue. Ça a commencé par l’alcool, puis elle est passée à d’autres choses. Nous n’arrivons pas à la raisonner. Elle est tellement revêche. Elle est intraitable.

– Elle voyage beaucoup ?

– Pas plus que ça. Il lui est arrivé de partir en week-end à l’étranger avec son petit ami.

– Nous pensions que vous pourriez peut-être parler à cet homme, reprit le mari. Il n’est jamais venu chez nous et nous ne l’avons jamais vu, mais ça ne nous étonnerait pas qu’il se serve d’elle.

– Il y a longtemps qu’ils sont ensemble ?

– Nous avons appris son existence il y a quelques mois, répondit la femme.

– Elle vit encore sous votre toit ? demanda Konrad.

– Oui, théoriquement, répondit l’épouse en lui tendant une photo de la jeune fille. Nous pouvons vous rétribuer pour votre travail. C’est terrible de la savoir quelque part en compagnie d’une bande de junkies et de ne rien pouvoir faire. Évidemment, elle est libre de ses mouvements, elle a vingt ans et nous n’avons pas à lui dire quoi que ce soit…

– Même si je la retrouvais, je suis presque certain qu’elle disparaîtrait à nouveau, prévint Konrad en regardant la photo.

– Je sais, mais nous voulons quand même essayer… nous voulons juste être sûrs qu’elle va bien. Et savoir si nous pouvons faire quelque chose pour l’aider.

Konrad comprenait parfaitement leurs inquiétudes. Il s’était plus d’une fois retrouvé face à des parents désemparés, à l’époque où il était policier. Des parents qui avaient fait de leur mieux mais avaient vu, impuissants, leur enfant sombrer dans l’alcool ou la drogue. C’était une épreuve pour les familles. Beaucoup finissaient par jeter l’éponge après un certain nombre de tentatives. Ou parvenaient cependant parfois à sortir les égarés de l’ornière et à les ramener à une vie normale.

– Elle vous a avoué qu’elle a passé de la drogue en Islande ? s’enquit Konrad en glissant la photo dans sa poche.

– Elle n’en a pas eu besoin, répondit le mari.

– C’est ce qui nous inquiète le plus, reprit la femme. Elle est peut-être piégée dans une situation qu’elle ne contrôle pas.

Elle regardait Konrad d’un air désespéré.

– Je l’ai surprise dans les toilettes il y a trois jours, reprit-elle. Elle rentrait du Danemark. Elle devait être pressée parce qu’elle avait oublié de fermer à clef. Je ne savais même pas qu’elle était là et, quand j’ai ouvert la porte, elle était en train de se débarrasser de ces produits dans les w-c. Ils étaient emballés dans des préservatifs qu’elle avait cachés… dans son vagin. C’était… Ça m’a… affreusement choquée.

– Depuis elle a disparu, conclut l’époux.

Arnaldur Indridason est né à Reykjavík le 28 janvier 1961. Diplômé en histoire, il est d’abord journaliste et critique de films pour le Morgunbladid, avant de se consacrer à l’écriture. Ses nombreux romans, traduits dans quarante langues, ont fait de lui un des écrivains de polar les plus connus en Islande et dans le monde, avec 18 millions de lecteurs. Il a reçu le prix Clef de verre à deux reprises, en 2002 pour La Cité des jarres, et en 2003 pour La Femme en vert (également couronné par le Gold Dagger Award et le Prix des lectrices de Elle), le Prix du Polar européen Le Point en 2008 pour L'Homme du lac, le prix d’honneur du festival les Boréales en 2011, et le prix espagnol rba du roman noir en 2013 pour Passage des Ombres (troisième tome de la Trilogie des Ombres). Douze de ses romans mettent en scène le personnage d’Erlendur Sveinsson, inspecteur de la police de Reykjavík. Plusieurs autres sont consacrés à des énigmes historiques ou des affaires d’espionnage. Dans la fascinante Trilogie des Ombres, il met en scène un nouveau couple d’enquêteurs, à l’époque de la « Situation », l’occupation américano-britannique de l’Islande à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Portrait par Sabrina Champenois, LIBERATION - juillet 2010 Rendez-vous sur la page Facebook de l'auteur pour suivre toutes ses actualités