Publication : 04/02/2010
Pages : 304
Grand Format
ISBN : 978-2-86424-723-4
Couverture HD
Numérique
ISBN : 978-2-86424-763-0
Couverture HD

Hypothermie

Arnaldur INDRIDASON

ACHETER GRAND FORMAT
19 €
ACHETER NUMÉRIQUE
7,99 €
Titre original : Harðskafi
Langue originale : Islandais
Traduit par : Eric Boury

C’est l’automne. Maria, une femme d’une cinquantaine d’années, est retrouvée pendue dans son chalet d’été sur les bords du lac du Thingvellir par Karen, sa meilleure amie. Après autopsie, la police conclut à un suicide. Quelques jours plus tard, Erlendur reçoit la visite de Karen qui lui affirme que ce n’était pas « le genre » de Maria de se suicider. Elle lui remet une cassette contenant l’enregistrement d’une séance chez un médium que Maria est allée consulter afin d’entrer en contact avec sa mère décédée deux ans plus tôt, qui lui avait promis de lui envoyer un signe de l’au-delà. Aussi dubitatif que réticent, Erlendur lui promet d’écouter l’enregistrement tout en lui répétant que ni l’enquête ni l’autopsie n’ont décelé le moindre élément suspect. L’audition de la cassette le convainc cependant de reprendre l’investigation à l’insu de tous. Il découvre que l’époux de Maria a eu un passé agité, qu’il a une liaison avec l’une de ses anciennes amours, qu’il est endetté et que Maria possédait une vraie fortune. Une intrigue parallèle nous raconte l’histoire d’un jeune couple disparu lors d’une promenade sur le lac. Et nous avons enfin des informations sur la nature des relations d’Erlendur avec son ex-épouse, Halldora.
Le thème sous-jacent de ce roman est la question de la validité des histoires de fantômes dont les Islandais, souvent, n’excluent pas l’existence. Il pose aussi la question du deuil, un thème transversal dans l’œuvre d’Arnaldur.

  • Erlendur revient sur deux affaires de disparition qui eurent lieu quelques dizaines d’années auparavant. Taraudé par celle de son frère alors qu’il était enfant, il revient sur ces dossiers jamais fermés en attente de solutions. Ces deux enquêtes nous entraînent dans une Islande sauvage, au milieu des lacs, où la nature protège des secrets de famille. Rien n’échappera à Erlendur et les fantômes d’hier finiront par ressurgir.(Page des libraires)

    Isabelle Couriol
  • "Un nouveau polar qui j'espère, remportera autant de prix que les précédents ! Tout simplement parce qu'il le mérite ! D'une main et plume de maître, Indridason nous emmène dans cette Islande aux couleurs terriblement noires mais tellement attachante."
    Anne-Marie Carlier
    Librairie des Halles (Niort)
  • , chronique par Mohammed Aissaoui le 15 avril 2010
    DIRECT 8 Tous les goûts sont dans la culture
  • , émission présentée par Valérie Expert le 25 février
    Le coup de cœur des libraires
    LCI
  • , chroniqué le 3 février 2010 par Philippe Lefait
    FRANCE 2 Des mots de minuit
  • , coup de cœur de Brigitte Kernel le 15 mars 2010
    Noctiluque
    FRANCE INTER
  • , chroniqué par Pierre de Vilno le 8 mars 2010
    Studio Europe 1
    EUROPE 1
  • , chroniqué par Sophie Loubière le 28 février 2010

      Infos polars
    FRANCE INFO
  • Plus d'infos ici.
    Armatia
    MES LECTURES
  • Plus d'infos ici.
    Salomé Kiner
    NABBÛ

  • William Irigoyen
  • « Le thème sous-jacent de ce roman est la question de la validité des histoires de fantômes dont les Islandais, souvent, n’excluent pas l’existence. Il pose la question du deuil, un thème transversal dans l’œuvre d’Arnaldur. »
    Bernard Strainchamps
    BIBLIOSURF.COM
  • « [...] Arnaldur [...] signe là le polar le plus sombre de son œuvre. »
    Alexis Brocas et François Aubel
    EVENE.FR
  • "Arnaldur Indridason construit une fois encore son intrigue comme un retour dans le passé, et joue sur l’atmosphère fantastique de l’île nordique pour mieux brouiller le récit : la prégnance des croyances ancestrales perdure encore dans l’Islande moderne ; la vie et la mort paraissent cohabiter étroitement. En construisant sa trame autour des rencontres de son personnage, l’auteur de La Cité des Jarres laisse la part belle aux dialogues, donnant à son roman un rythme chancelant. Plus que des indices, ce sont les hommes et les femmes que croise Erlendur qui s’avèrent essentiels, l’aidant à nourrir ses obsessions, ses peurs, ses traumatismes, et à progresser dans la pénombre, en espérant, un jour arriver à la lumière."
    Mikaël Demets
    EVENE.FR
  • « […] une construction habile de voix alternées et le refus de tout manichéisme, Arnaldur Indridason reste fidèle aux ingrédients qui firent son incroyable succès, et le plaisir de ses lecteurs. »

    Mireille Descombes
    L’HEBDO SUPPLEMENT
  • "Peuplé des ombres de disparus, le livre d’Arnaldur Indridason dit la culpabilité de ceux qui restent et leur incapacité à capter les signaux d’alarme lancés par leurs proches."
    Geneviève Bridel
    GENEVE HEBDO
  • « Dans un style d’écriture excluant tout détail superflu, l’auteur livre un récit bien ficelé qui pose la question de la vie après la mort et du processus de deuil en général, thème récurrent dans son œuvre. »

    Julien Burri
    FEMINA
  • "Dans ce nouveau polar au rythme lent et méditatif, Indridason joue à merveille de l’ambiance automnale pour revisiter ses thématiques fétiches : le deuil, l’impossibilité de réparer le passé et la difficulté à communiquer avec ceux qu’aime le plus."
    Annick Monod
    LA LIBERTE
  • "L’Islandais Arnaldur Indridason est devenu un des tout grands du roman policier. La preuve par l’envoûtant Hypothermie."
    Guy Duplat
    LA LIBRE BELGIQUE
  • « Dans Hypothermie, les lecteurs vont faire connaissance de manière plus approfondie avec Erlendur, qui apparaît ici au premier plan. »

    Françoise Nydegger


    24 HEURES
  • « Avec poésie et profondeur, Hypothermie aborde la douloureuse question du deuil et de la disparition : quand seules des réponses claires pourraient soulager la peine, mais que celles-ci n’existent pas. »
    Anne-Sylvie Sprenger
    LE MATIN
  • " [...] Indridason, en plus du côté polar, aborde une fois encore, dans un pays dont les habitants sont friands des histoires de fantômes, la question du deuil. Avec brio, comme à son habitude."
    Lyliane Mosca
    L’EST ECLAIR/LIBERATION CHAMPAGNE
  • "Indridason fouille les malaises, triture les inquiétudes morbides et soigne ses dialogues, ses personnages. Lire Indridason, c’est un peu comme écouter le premier album de Black Sabbath dans sa cave : triste mais tellement beau."
    Christelle Lefebvre
    NICE MATIN
  • « Les cent dernières pages sont un régal et le final un bijou d’émotion. »

    Jean-Noël Levavasseur
    OUEST FRANCE
  • « Cette nouvelle "recherche du temps perdu" après le suicide d’une femme décidée à percer les secrets de la mort conjugue avec subtilité l’aridité des paysages islandais et le questionnement d’Erlendur. »

    Lionel Germain
    SUD OUEST DIMANCHE
  • […] brillante variation policière sur les histoires de fantômes […]. »

    Richard Sourgnes


    LE REPUBLICAIN LORRAIN
  • « […] comment ceux qui restent vivent, survivent, avec le sentiment de perte, comment ils partent sur les traces d’un passé évanoui, prenant souvent la forme d’un squelette émergeant d’un lac perdu – image récurrente et hypnotique. Dans Hypothermie, le décor, les dialogues, l’intrigue, fondent jusqu’à se réduire au noyau gelé de l’absence. »
    François Montpezat


    DNA
  • « Un splendide roman noir qui utilise les ressources du polar, comme la musique combine gammes majeures et gammes mineures pour créer une mélodie à la mélancolie envoûtante. »
    Claudine Galea


    LA MARSEILLAISE
  • « Une histoire très sombre,  à déguster sous sa couette, pendant que là-bas, en Islande, les humains se perdent entre les lacs gelés. »
    Simone Saint-Marin Bibal


    FEMMES
  • « […] on le suit dans ses neiges, transie et à l’affût du moindre indice. »
    Sylvie Metzelard
    MARIE FRANCE
  • "Avec ce nouveau roman aux reflets blafards sur la culpabilité, l’affliction et le deuil, superposant comme par strates plusieurs enquêtes aussi inextricables que lentes à dérouler, Indridason signe un polar rigoureux, poignant et dépouillé, dont la facture remarquablement classique et la grande finesse évoquent une fois de plus un Simenon moderne et excentré."
    Philippe Blanchet
    LE MAGAZINE LITTERAIRE
  • « Pourquoi on aime : une histoire à charge émotionnelle intense, mêlée à un suspense haletant, où médiums et messages de l’au-delà occupent une place de choix. »
    Johana Lagunas
    TELE STAR JEUX
  • « Ce roman ténébreux et palpitant, signé par le chef de file des auteurs de polars islandais. »
    TELE STAR
  • "Hypothermie pourrait bien être le plus beau de ses joyaux tant l’auteur s’amuse à bousculer les règles du thriller."
    Nicolas Aguirre
    TELE POCHE
  • « Un roman policier captivant. »

    Laurence Le Saux
    MAXI
  • & « Entre rêve et réalité, passé et présent, Indridason brouille les pistes et s’offre avec ce roman noir et mélancolique un tour au pays des esprits qui hantent la littérature islandaise. »

    Marie Chaudey
    LA VIE
  • « Un roman noir où l’esprit d’une terre surgit au cœur du clair-obscur quand les uns jouent des faiblesses des autres pour assouvir leurs passions secrètes, une histoire troublante pour le commissaire Erlendur aux prises avec ses propres démons. »

    Yonnel Liegeois
    NVO
  • « Il faut lire son sixième titre paru en France, qui va lui faire dépasser le seuil du million d’exemplaires. »

    Thierry Dussard
    MADAME FIGARO
  • « Ce qui est certain, c’est que jusqu’à présent, à chaque roman, Arnaldur Indridason nous épate un peu plus. »

    Pascale Frey
    ELLE
  • "La magie d’Indridason opère."
    Brigitte Hernandez
    LE POINT
  • « Arnaldur Indridason écrit le chaud et le froid, les amours déchues, les errances métaphysiques, la culpabilité, l’impossible deuil, et donne encore et toujours le frisson avec Hypothermie, roman des ténèbres. »

    Martine Laval


    TELERAMA
  • « Dans Hypothermie, il y a des lacs gelés, une femme qui s’est pendue, une mère envahissante, une Islande d’un noir éblouissant. »
    Jean-Luc Porquet


    LE CANARD ENCHAINE
  • "[...] une fantastique enquête autour d’un suicide et de mystérieuses disparitions. A travers les yeux d’un flic en proie à des problèmes de couple et à des interrogations existentielles, on découvre une Islande sombre, bien loin des cartes postales habituelles."
    Yan Plougastel
    LE MONDE MAGAZINE
  • « Le lecteur suit avec fascination le déroulé de l’intrigue, qui joue sur les trois enquêtes et dont l’auteur se sortira avec brio. L’écriture d’Indridason est méticuleuse comme l’est le lent cheminement qui mène son héros à la vérité. Dans ce pays de croyances peuplées de fantômes, Erlendur le cartésien s’obstine à faire parler les morts et ses propres démons. Et il ressort de ce livre en particulier une mélancolie assez poignante pour un roman noir. »
    Françoise Dargent
    LE FIGARO LITTERAIRE
  • "Le personnage du commissaire Erlendur est aussi de ceux que l’on considère comme un ami, qui revient de livre en livre nous faire partager son mal de vivre et ses interrogations sur son pays et les hommes, qui sont partout les mêmes."
    Martine Freneuil
    LE QUOTIDIEN DU MEDECIN
  • "[...] en s’inscrivant dans les codes du roman noir, Arnaldur Indridason sonde une thématique infinie. L’écriture très visuelle de cet ancien critique de cinéma, qui emprunte aux techniques du scénario, rend sa petite musique plus universelle encore."
    Philippe Lemaire
    LE PARISIEN
  • « La violence est avant tout d’ordre psychologique, dans ce roman subtil qui rappelle les œuvres les plus noires de Boileau-Narcejac et de Simenon. Le lecteur, comme pris dans les glaces, en sort groggy, en "hypothermie", avec un goût de neige sale dans la bouche. »

    Philippe Chevilley


    LES ECHOS
  • « L’implacable mélancolie, pour commencer, est poussée ici au maximum, yeux secs. La fulgurance aussi. […] Et Indridason sait toujours faire preuve d’une grande délicatesse, pour épingler la médiocrité humaine : juste de l’observation, aucun jugement ostensible […].Alors, Hypothermie serre le cœur comme jamais. »
    Sabrina Champenois
    LIBERATION

 

C’était à peine si Maria était consciente pendant l’enterre ment. Assise au premier rang, apathique, elle tenait la main de Baldvin sans réellement prêter attention à ce qui l’entourait ni à la cérémonie. L’homélie de cette femme pasteur, les gens venus à l’inhumation et le chant du petit choeur de l’église se confondaient en de douloureuses variations. En passant les voir à leur domicile, le pasteur avait pris quelques notes, Maria connaissait donc la teneur de son discours. Il y avait surtout été question du parcours de Leonora, sa mère, du courage dont elle avait fait preuve dans son combat contre la maladie, de la foule d’amis dont elle s’était entourée au cours de sa vie, d’elle-même, sa fille unique, laquelle, dans une certaine mesure, marchait sur les traces de sa mère. Le pasteur avait noté combien la défunte excellait dans son domaine en précisant qu’elle n’avait toutefois pas négligé ses nombreuses rela tions ; la chose était parfaitement visible dans l’assemblée en cette triste journée d’automne. La plupart de ceux qui emplis saient l’église étaient des chercheurs. Leonora avait parfois vanté à Maria les avantages qu’il y avait à appartenir au corps universitaire. Ses propos étaient teintés d’une certaine arrogance que Maria avait choisi d’ignorer.
Elle se rappelait les couleurs d’automne dans le cimetière et les flaques gelées sur l’allée de gravier qui descendait jusqu’à la tombe, le craquement qu’on entendait lorsque la fine pellicule de glace cédait sous les pieds des porteurs. Elle se souvenait de ce froid et de ce signe de croix qu’elle avait tracé au-dessus du cercueil de sa mère.
Elle s’était tant de fois imaginée dans cette situation dès qu’elle avait compris que cette maladie allait emporter sa mère et ce moment était maintenant arrivé. Les yeux fixés sur le cercueil au fond de la fosse, elle avait récité dans sa tête une brève prière avant de tracer un signe de croix de sa main tendue. Puis elle était restée immobile sur le bord de la tombe jusqu’à ce que Baldvin l’emmène.
Elle se souvenait de ces gens qui, pendant le verre d’adieu, étaient venus lui témoigner leur sympathie. Certains lui avaient proposé leur assistance. S’il y avait quoi que ce soit qu’ils puissent pour elle…
Elle ne s’était mise à penser au lac qu’une fois le calme revenu, lorsqu’elle s’était retrouvée assise, seule avec elle-même, jusque tard dans la nuit. Ce fut seulement lorsque tout fut ter miné, alors qu’elle revivait dans sa tête ce jour pesant, qu’elle s’était mise à réfléchir à l’absence de la famille de son père à l’inhumation.
Elle ne s’était mise à penser au lac qu’une fois le calme revenu, lorsqu’elle s’était retrouvée assise, seule avec elle-même, jusque tard dans la nuit. Ce fut seulement lorsque tout fut ter miné, alors qu’elle revivait dans sa tête ce jour pesant, qu’elle s’était mise à réfléchir à l’absence de la famille de son père à l’inhumation.

1

L’appel parvint à la Centrale d’urgence peu après minuit. Depuis un téléphone portable, une voix féminine affolée s’exclama :
– Elle s’est… Maria s’est suicidée… Je… C’est affreux… c’est horrible !
– Quel est votre nom, s’il vous plaît ?
– Ka… Karen.
– D’où nous appelez-vous ? demanda l’employé de la Centrale d’urgence.
– Je suis… je me trouve dans… sa maison d’été…
– Où ça ? Où est-ce ?
– … au lac de Thingvellir. Dans… dans sa maison d’été. Faites vite… je… je vous attends…
Karen avait bien cru qu’elle ne parviendrait jamais à retrouver cette maison. La dernière fois qu’elle y était venue remontait à loin, presque quatre ans. Maria lui avait pourtant fourni des indications détaillées, mais celles-ci lui étaient plus ou moins entrées par une oreille et ressorties par l’autre : elle était certaine de se rappeler la route.
Elle avait quitté Reykjavik peu après huit heures du soir, par une nuit aussi noire que du charbon. Elle avait traversé la lande de Mosfell où il n’y avait que peu de circulation, n’y avait croisé que les phares de quelques voitures qui retournaient vers la capitale. Seul un autre véhicule roulait en direction de l’est, elle suivait la lueur rouge des feux arrière, heureuse d’être accompagnée. Elle, qui n’aimait pas conduire de nuit, se serait mise en route plus tôt, si elle n’avait pas été retardée. Elle était chargée de communication dans une grande banque et elle avait fini par croire que les réunions et les coups de téléphone n’allaient jamais prendre fin.
Elle savait la montagne de Grimannsfell à sa droite même si elle ne la voyait pas plus que celle de Skalafell, à sa gauche. Elle avait dépassé la route vers Vindashlid, la ferme où elle avait passé deux semaines en été, toute gamine. Elle avait suivi les feux arrière à une vitesse confortable jusqu’au moment où ceux-ci étaient descendus vers le champ de lave de Kerlingarhraun. Puis leurs chemins avaient divergé. Les lueurs rouges avaient accéléré avant d’aller se perdre dans l’obscurité. Elle s’était dit que la voiture se dirigeait peut-être vers la dorsale d’Uxahryggir et, de là, vers le nord et la vallée de Kaldadalur. Elle avait souvent emprunté ce chemin, elle trouvait jolie la route qui longeait la vallée de Lundarreykdalur et débouchait sur le fjord de Borgarfjördur. Il lui était revenu en mémoire le souvenir d’une belle journée d’été sur les bords du lac de Sandkluftavatn.
Elle avait obliqué vers la droite pour continuer de s’enfoncer dans les ténèbres de Thingvellir, les plaines de l’ancien Parlement. Il lui était difficile de s’orienter en ces lieux plongés dans le noir. Aurait-elle dû tourner plus tôt ? Avait-elle pris le bon accès vers le lac ? Ou peut-être était-ce le prochain ? À moins qu’elle ne l’ait déjà dépassé ?
Elle s’était trompée deux fois de suite et avait dû rebrousser chemin. C’était jeudi soir et la plupart des chalets étaient inoccupés. Elle avait emporté avec elle quelques provisions, quelques livres, et Maria lui avait dit qu’ils venaient d’installer une télévision. Elle avait avant tout l’intention de dormir et de se reposer. La banque s’était mise à ressembler à un asile d’aliénés depuis la toute récente OPA. Elle avait renoncé à tenter de comprendre les affrontements opposant quelques groupes de grands actionnaires qui s’étaient ligués contre d’autres. De nouveaux communiqués de presse paraissaient toutes les deux heures et les choses ne s’étaient pas arrangées à l’annonce du parachute doré de cent millions de couronnes islandaises attribué à l’un des directeurs de l’établissement dont l’un des groupes d’actionnaires désirait se séparer. La direction de la banque était parvenue à susciter la colère populaire et Karen était chargée de trouver des moyens de l’apaiser. Cela durait depuis plusieurs semaines et elle en avait plus qu’assez lorsqu’elle avait finalement eu l’idée de s’échapper de la ville. Maria lui avait souvent proposé de lui prêter son chalet d’été pour quelques jours et elle s’était décidée à l’appeler. Évidemment, avait-elle répondu.
Karen s’était avancée sur un chemin des plus rudimentaires à travers des buissons et des broussailles jusqu’au moment où les phares de son véhicule avaient illuminé le chalet au bord du lac. Maria lui avait remis la clef en lui indiquant à quel endroit elle en trouverait une autre. Il pouvait parfois être utile d’en cacher une en réserve aux abords de la maison.
Elle avait hâte de se réveiller le lendemain entourée par les teintes automnales des plaines de Thingvellir. Du plus loin qu’elle se souvenait, on avait fait de la publicité pour des excursions spécialement consacrées à l’observation des couleurs dont le parc national se parait à l’automne, du reste elles n’étaient nulle part aussi belles que sur les rives du lac où les bruns rouille et les jaunes orangés de la végétation à l’agonie s’étendaient aussi loin que portait le regard.
Elle avait commencé par sortir son bagage de la voiture et le déposer à côté de la porte, sur la terrasse. Elle avait enfoncé la clef dans la serrure, ouvert la porte et cherché à tâtons l’interrupteur. Une lumière s’était allumée dans le couloir menant à la cuisine et elle était entrée avec une petite valise qu’elle avait posée dans la chambre conjugale. Elle avait été étonnée de constater que le lit n’avait pas été fait. Cela ne ressemblait pas à Maria. Une serviette de bain traînait sur le sol des toilettes. En allumant la lumière de la cuisine, elle avait perçu une étrange présence. Elle n’avait pas peur du noir, mais son corps avait brusquement été parcouru d’une sensation désagréable. La salle à manger était plongée dans l’ombre. Quand il faisait jour, on y jouissait d’une vue sublime sur le lac de Thingvellir.
Karen avait allumé la lumière de la salle.
Quatre poutres imposantes traversaient le plafond de part en part et à l’une d’elles était pendu un corps qui lui tournait le dos.

Arnaldur Indridason est né à Reykjavík le 28 janvier 1961. Diplômé en histoire, il est d’abord journaliste et critique de films pour le Morgunbladid, avant de se consacrer à l’écriture. Ses nombreux romans, traduits dans quarante langues, ont fait de lui un des écrivains de polar les plus connus en Islande et dans le monde, avec 18 millions de lecteurs. Il a reçu le prix Clef de verre à deux reprises, en 2002 pour La Cité des jarres, et en 2003 pour La Femme en vert (également couronné par le Gold Dagger Award et le Prix des lectrices de Elle), le Prix du Polar européen Le Point en 2008 pour L'Homme du lac, le prix d’honneur du festival les Boréales en 2011, et le prix espagnol rba du roman noir en 2013 pour Passage des Ombres (troisième tome de la Trilogie des Ombres). Douze de ses romans mettent en scène le personnage d’Erlendur Sveinsson, inspecteur de la police de Reykjavík. Plusieurs autres sont consacrés à des énigmes historiques ou des affaires d’espionnage. Dans la fascinante Trilogie des Ombres, il met en scène un nouveau couple d’enquêteurs, à l’époque de la « Situation », l’occupation américano-britannique de l’Islande à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Portrait par Sabrina Champenois, LIBERATION - juillet 2010 Rendez-vous sur la page Facebook de l'auteur pour suivre toutes ses actualités